Il y a trente ans ce 25 février, les ministres des affaires étrangères et de la Défense du Pacte de Varsovie décidèrent à Budapest d'en cesser tous les effets. Conclu en 1955 sous l'égide de l'URSS pour répondre à l'intégration de l'Allemagne fédérale dans l'Alliance atlantique, le Pacte fut plus efficace à mater le printemps de Prague en 1968 qu'à poser des problèmes insurmontables à l'OTAN. La doctrine d'emploi était de reculer sur l'Elbe et au premier contact, de vitrifier le territoire occupé pour le reprendre sans aller au-delà de la Vistule, et de tenir le plateau de Bohème.
Dès la dissolution du Pacte en 1991, les nations d'Europe centrale prirent des accords bilatéraux de collaboration militaire car l'effondrement du système de sécurité soviétique, aussi imparfait fut-il, les laissait à nu devant trois nouveaux défis :
- la réunification allemande qui recréait ce par quoi tout avait commencé ;
- la résurgence du chauvinisme et la mise en tension des minorités ethniques en grand désarroi économique, encagées dans des frontières plus ou moins artificielles comme on allait le voir en Yougoslavie, mais aussi dans les principautés hongroises hors de Hongrie ;
- les répliques à l'Ouest de la désintégration de l'Union soviétique qui pouvait agiter les minorités russes abandonnées par le reflux comme dans les pays baltes et plus tard en Ukraine. Un retour de flamme russe restait toujours possible sur le limes occidental dans le chaos du désespoir.
Au départ, les pays du bloc oriental, qui avaient l'habitude de travailler ensemble à partir d'économies complémentaires (la division internationale du travail), envisagèrent un système commun de sécurité dans le cadre de l'OSCE pour stabiliser la région libérée sans défier la nouvelle Russie. Les services de l'OTAN voyaient d'un bon œil la création d'une zone tampon mais dans chaque pays le débat s'instaura entre ceux qui voulaient une défense neutre et ceux qui prônaient une coopération pragmatique avec l'OTAN. Les opinions étaient divisées et contrairement à une idée reçue, les services atlantiques n'ont pas poussé leur avantage, le spectacle de la Yougoslavie en fusion leur prenant beaucoup de temps. Pour ce que j'en sais, en 1991, l'intégration des pays de l'Est n'était pas à l'agenda atlantique. Du tout !
Aussi quand certains dénoncent l'avancée de l'OTAN vers l'Est, il serait plus judicieux de voir la ruée vers l'Ouest de l'Europe orientale. Comment les choses se sont-elles passées ensuite ? Le bloc soviétique s'effondrant comme prévu en suscitant le chaos en Mer noire et dans le Caucase, les pays européens de l'Est ont vite compris qu'ils devaient s'adosser à l'OTAN parce que la question sécuritaire pouvait devenir sérieuse. Après de longues négociations trois pays furent acceptés comme candidats par Bill Clinton au sommet de Madrid en 1997 et deux pays furent refusés. Bill Clinton accepta la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie. Il refusa la Roumanie et la Slovénie. Helmut Kohl qui avait négocié le départ des troupes russes de RDA, fut chargé d'arrondir les angles avec Boris Eltsine, ce qui n'empêcha pas le Kremlin de dénoncer l'élargissement comme une "faute" ! Parallèlement toutes les portes de la coopération euro-atlantique restèrent ouvertes, même et surtout avec la Russie. Se créa un conseil de coopération réunissant une trentaine de membres où l'on pouvait parler de tout, mais la question désormais à la mode devenait l'entrée des pays de l'Est dans la Communauté européenne. Ce sera la grande affaire, à cause des fonds de développement qui transformeront radicalement ces pays, l'OTAN devenant l'accessoire. Le raidissement russe avec l'arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin qui annoncera le réarmement, poussera tous les pays du glacis soviétique dans l'Alliance. Même l'Albanie entrera dans l'OTAN !
Ainsi furent intégrées en 1999 les armée polonaises, tchèques et hongroises ;
En 2004, furent intégrées les armées bulgares, roumaines, slovaques, slovènes et celles des trois pays baltes ;
En 2009, suivirent les armées croates et albanaises ;
Puis le Montenegro en 2017 et la Macédoine du Nord en 2020.
Les pays d'Europe hors de l'OTAN sont la République d'Irlande, la Suisse, l'Autriche, la Suède et la Finlande, pays qui ont une tradition de neutralité, la Serbie, le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine et les pays riverains de la Mer noire comme la Moldavie, l'Ukraine, la Géorgie qui participent d'un autre jeu stratégique. Mais la Suède resserre sa collaboration atlantique à cause des provocations incessantes de la Russie à son endroit.
Si l'on excepte le ferraillage en Mer noire, l'hostilité de basse intensité de la Russie à l'encontre de ses voisins occidentaux justifie la précaution atlantique. Et sans doute l'histoire retiendra-t-elle de Vladimir Poutine un manque de discernement voire de vista, et même carrément de niveau. Son pays de rente minière à la mode africaine pouvait se développer et se transformer en une grande économie moderne s'il avait suscité la confiance des partenaires européens (et japonais) et même celle de ses anciens "alliés". D'autant que la Russie dispose d'un territoire enclavé dans le Marché commun, Kaliningrad, l'ancienne Prusse orientale, qui pouvait offrir à l'industrie européenne conjointement à l'industrie russe une zone franche bien située, bien desservie. Au lieu de quoi le nouveau Csar a englouti des sommes colossales pour son prestiqe dans des nids de guêpes comme la Syrie ou la Libye et, qui pis est, affronte sans gros moyens en extrême-orient les appétits à peine dissimulés de la Chine populaire dont il devient le vassal dans l'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). Pour administrer un pays grand comme trente fois la France, étiré sur huit mille kilomètres et dix fuseaux horaires, la grande Fédération de Russie affiche aujourd'hui le PIB de... la Corée du Sud (source FMI). Tout est dit.
Dès la dissolution du Pacte en 1991, les nations d'Europe centrale prirent des accords bilatéraux de collaboration militaire car l'effondrement du système de sécurité soviétique, aussi imparfait fut-il, les laissait à nu devant trois nouveaux défis :
- la réunification allemande qui recréait ce par quoi tout avait commencé ;
- la résurgence du chauvinisme et la mise en tension des minorités ethniques en grand désarroi économique, encagées dans des frontières plus ou moins artificielles comme on allait le voir en Yougoslavie, mais aussi dans les principautés hongroises hors de Hongrie ;
- les répliques à l'Ouest de la désintégration de l'Union soviétique qui pouvait agiter les minorités russes abandonnées par le reflux comme dans les pays baltes et plus tard en Ukraine. Un retour de flamme russe restait toujours possible sur le limes occidental dans le chaos du désespoir.
Au départ, les pays du bloc oriental, qui avaient l'habitude de travailler ensemble à partir d'économies complémentaires (la division internationale du travail), envisagèrent un système commun de sécurité dans le cadre de l'OSCE pour stabiliser la région libérée sans défier la nouvelle Russie. Les services de l'OTAN voyaient d'un bon œil la création d'une zone tampon mais dans chaque pays le débat s'instaura entre ceux qui voulaient une défense neutre et ceux qui prônaient une coopération pragmatique avec l'OTAN. Les opinions étaient divisées et contrairement à une idée reçue, les services atlantiques n'ont pas poussé leur avantage, le spectacle de la Yougoslavie en fusion leur prenant beaucoup de temps. Pour ce que j'en sais, en 1991, l'intégration des pays de l'Est n'était pas à l'agenda atlantique. Du tout !
Aussi quand certains dénoncent l'avancée de l'OTAN vers l'Est, il serait plus judicieux de voir la ruée vers l'Ouest de l'Europe orientale. Comment les choses se sont-elles passées ensuite ? Le bloc soviétique s'effondrant comme prévu en suscitant le chaos en Mer noire et dans le Caucase, les pays européens de l'Est ont vite compris qu'ils devaient s'adosser à l'OTAN parce que la question sécuritaire pouvait devenir sérieuse. Après de longues négociations trois pays furent acceptés comme candidats par Bill Clinton au sommet de Madrid en 1997 et deux pays furent refusés. Bill Clinton accepta la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie. Il refusa la Roumanie et la Slovénie. Helmut Kohl qui avait négocié le départ des troupes russes de RDA, fut chargé d'arrondir les angles avec Boris Eltsine, ce qui n'empêcha pas le Kremlin de dénoncer l'élargissement comme une "faute" ! Parallèlement toutes les portes de la coopération euro-atlantique restèrent ouvertes, même et surtout avec la Russie. Se créa un conseil de coopération réunissant une trentaine de membres où l'on pouvait parler de tout, mais la question désormais à la mode devenait l'entrée des pays de l'Est dans la Communauté européenne. Ce sera la grande affaire, à cause des fonds de développement qui transformeront radicalement ces pays, l'OTAN devenant l'accessoire. Le raidissement russe avec l'arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin qui annoncera le réarmement, poussera tous les pays du glacis soviétique dans l'Alliance. Même l'Albanie entrera dans l'OTAN !
Ainsi furent intégrées en 1999 les armée polonaises, tchèques et hongroises ;
En 2004, furent intégrées les armées bulgares, roumaines, slovaques, slovènes et celles des trois pays baltes ;
En 2009, suivirent les armées croates et albanaises ;
Puis le Montenegro en 2017 et la Macédoine du Nord en 2020.
Les pays d'Europe hors de l'OTAN sont la République d'Irlande, la Suisse, l'Autriche, la Suède et la Finlande, pays qui ont une tradition de neutralité, la Serbie, le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine et les pays riverains de la Mer noire comme la Moldavie, l'Ukraine, la Géorgie qui participent d'un autre jeu stratégique. Mais la Suède resserre sa collaboration atlantique à cause des provocations incessantes de la Russie à son endroit.
Si l'on excepte le ferraillage en Mer noire, l'hostilité de basse intensité de la Russie à l'encontre de ses voisins occidentaux justifie la précaution atlantique. Et sans doute l'histoire retiendra-t-elle de Vladimir Poutine un manque de discernement voire de vista, et même carrément de niveau. Son pays de rente minière à la mode africaine pouvait se développer et se transformer en une grande économie moderne s'il avait suscité la confiance des partenaires européens (et japonais) et même celle de ses anciens "alliés". D'autant que la Russie dispose d'un territoire enclavé dans le Marché commun, Kaliningrad, l'ancienne Prusse orientale, qui pouvait offrir à l'industrie européenne conjointement à l'industrie russe une zone franche bien située, bien desservie. Au lieu de quoi le nouveau Csar a englouti des sommes colossales pour son prestiqe dans des nids de guêpes comme la Syrie ou la Libye et, qui pis est, affronte sans gros moyens en extrême-orient les appétits à peine dissimulés de la Chine populaire dont il devient le vassal dans l'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). Pour administrer un pays grand comme trente fois la France, étiré sur huit mille kilomètres et dix fuseaux horaires, la grande Fédération de Russie affiche aujourd'hui le PIB de... la Corée du Sud (source FMI). Tout est dit.
Je m'étais déjà fait le réflexion; la Russie a quasiment le même budget militaire que l'Arabie Saoudite et le PIB de l'Indonésie mais apparait toujours comme une grande puissance incontournable...Je connais également un autre pays, bien plus petit géographiquement qui pourtant le talonne, qui fut également autrefois une grande puissance mais qui aujourd'hui est complètement tricard à l'international et dont les membres de la classe dirigeante passent pour des baltringues. Peut être est ce du à la personnalité de leurs présidents? Ou que le plus petit des deux pays soit resté socialo-communiste?
RépondreSupprimerVoici les PIB 2021 prévus par le FMI et publiés sur Le Journal du Net. La Fédération de Russie est sortie du Top 10.
SupprimerL'URSS a été coulée par la course à l'armement que lui imposaient les Etats-Unis de Ronald Reagan. Son économie de rente minière lui permet-elle aujourd'hui de relancer la procédure autrefois fatale ? Si oui, c'est au détriment des classes populaires qui vont un jour prochain le faire savoir aux administrateurs du Kremlin, recrutés principalement au FSB (KGB) puisque Poutine ne fait confiance à personne dans la grande tradition maison.
La France dont vous parlez, Camisard, chausse du 41 et court dans des galoches en 45 ! Et encore avec Macron on est plutôt dans du 39.
SupprimerTandis que la Russie produit essentiellement des hydrocarbures, la France (sans rente) produit des déficits. Elle est même championne de l'OCDE. Aussi masque-t-elle son incurie chronique par des missions communautaires qu'elle s'est inventée comme la défense européenne, le Liban ou le Sahel mais qui n'intéressent pas le gorille de 900 livres qui l'observe depuis le coin sombre de la pièce. Notre monsieur Macron a l'aura internationale d'un Justin Trudeau.
Pour ma part, je reste persuadé que l'Occident en général et la France en particulier, ont tort de continuer à considérer la Russie post-soviétique comme étant "un ennemi héréditaire", alors qu'elle a plutôt été, mis à part la période soviétique, notre alliée au fil des temps. Par ailleurs, Poutine n'est pas éternel et la politique internationale ne se fait pas avec de bons sentiments mais avec pragmatisme et vision de long terme. Il est dommage que nos élites soient porteuses d’œillères et aient oublié les leçons de l'histoire, de notre histoire.
SupprimerJe suis prêt à croire que les chancelleries occidentales imaginent la Fédération de Russie comme un partenaire aussitôt que Poutine et ses camarades de promo cesseront les attaques en tout genre sur le périmètre de leur souveraineté.
SupprimerDepuis l'extinction des feux en Estonie en 2007, les attaques cybernétiques russes n'ont jamais vraiment cessé, surtout aux Etats-Unis, dans une sorte de compétition malsaine avec les Chinois communistes. Un exemple entre cent : leur immixtion dans la campagne électorale de Trump en 2016 qui est documentée.
Avec les ressources minières dont il dispose (les clients Chine et Japon sont à sa porte), le Kremlin serait mieux avisé de développer le territoire entre les cinq métropoles civilisées* de cet immense pays plutôt que de vouloir faire de la diplomatie musclée contre toujours les mêmes.
(* Khabarovsk, Vladivostok, Moscou, Saint-Pétersbourg, Novossibirsk)