mardi 27 avril 2021

Chloé au Pays des Mensonges

Chloé Zhao Ting


Chloé Zhao Ting, meilleure cinéaste primée aux Oscars d'Hollywood cette année pour son film Nomadland, déplaît au Parti souverain. Fille de Pékin, envoyée à Londres à l'âge de quinze ans pour y faire ses études, puis admise à l'université à New-York, elle avait dit, il y a huit ans déjà, dans une déclaration dont on n'a pas l'original complet, qu'en son pays natal jadis le mensonge était partout, juste au moment de l'arrivée du Princeling Xi Jinping au pouvoir suprême - Que Caishen le couvre de sapèques !

Une heure après sa victoire aux Oscars, le réseau Weibo faisait disparaître tous les messages enthousiastes la concernant et le hashtag #Zhao renvoyait à un avis officiel que l'on peut traduire par "selon les lois, règlements et directives en vigueur, cette page n'est pas accessible". Ci et là, comme à Shanghaï, la retransmission de la cérémonie a été sabotée. Pis encore, le film est une histoire américaine au sein du peuple des caravanes de l'Ouest, qui n'a rien à voir avec l'Empire du milieu et n'induit pas de critiques sur la société chinoise actuelle. Comble du ridicule, la nouvelle de sa victoire a été retenue dans la presse numérique chinoise le temps pour elle de recevoir les instructions officielles de diffusion. La Stasi en avait rêvé, le Parti communiste chinois l'a fait !

Et pourtant, c'était en soi un évènement. Hollywood décerne très rarement le prix de meilleur réalisateur en dehors de la profession américano-américaine, à une femme étrangère en plus ; et Chloé Zhao a osé dire son remerciement en mandarin, alors qu'une ambiance délétère anti-chinoise parcourt les Etats-Unis depuis la fuite du laboratoire P4 de Wuhan. En fait, c'est son Golden Globe d'il y a un mois qui a alerté les gnomes communistes et leur armée de trolls. Tout matériau promotionnel de Nomadland en Chine avait déjà été censuré, et jusqu'à Hong Kong, où la retransmission de la cérémonie des Oscars a été bloquée sous quelque faux prétexte commercial, en réalité pour obéir aux injonctions de la Connerie centrale.

Last but not least, la fiche biographique de Zhao Ting est sortie des encyclopédies numériques chinoises. Mais ce vieux truc stalinien d'effacer les dissidents ne marche plus. La lauréate n'a jamais dit qu'elle détestait la Chine et faisons confiance au Renseignement intérieur chinois pour l'avoir cherché, mais il a suffi d'une phrase sortie de son contexte pour que l'Etat chinois attaque un succès qui n'est pas sorti de ses rangs ! Et ils croient qu'ils vont dominer le monde avec leur bureaucratie qui stérilise tout risque pris hors d'elle ? La Bêtise tue plus sûrement l'autorité que les balles quand elle avance de conserve au bras du Ridicule.

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