lundi 26 juillet 2021

Le concertina américain autour de la Chine

Wendy Sherman

Wendy Sherman est arrivée de Mongolie hier à Tianjin. Elle est Secrétaire d'Etat adjoint dans l'Administration Biden, soit le numéro 2 de la diplomatie américaine et surtout un conseiller écouté du président. Ses hôtes sont Xie Feng, vice-ministre des Affaires étrangères et son patron Wang Yi qui portera le toast au pot de clôture. Après le fiasco du grand meeting sino-américain du mois de mars à Anchorage, c'est un format ultra-compact pour se dire les quatre vérités entre quat'yeux, qui a été retenu pour maintenir le canal ouvert !

A lire leurs déclarations préalables à la réunion - c'est un rite bien rodé qui s'apparente à la gymnastique de combat - les Chinois ont découvert que le "vieux" démocrate n'allait pas les emmerder pour la galerie sur les droits démocratiques plus que de raison, mais sur des sujets dont son prédécesseur avait fait son menu ! Sont au menu les attaques cybernétiques sourcées au plus près des institutions chinoises, le commerce biaisé, le droit de la mer et peut-être le développement contraint de territoires accueillant les routes de la soie. Mais le Département d'Etat a fait savoir que la rencontre ne visait aucunement à résoudre aucun point de friction, mais à baliser le périmètre d'intérêts et d'inquiétudes des Etats-Unis vis-à-vis de l'effervescence chinoise sur tous les fronts. On peut considérer que ce "cadrage" prépare la rencontre au sommet Biden-Xi qui normalement devrait avoir lieu au G20 de Rome à la fin du mois d'octobre.

Le problème, c'est que Xi Jinping et sa diplomatie ont un agenda gravé dans l'airain que rien ne changera, dans lequel la Chine populaire domine le monde de la tête et des épaules au centenaire de sa proclamation (1948), et ce quoiqu'il en coûte, dirait l'Autre. L'affaire est toute à la gloire de Xi Jinping qui commence à prendre les tics de Kim Jung-un. Si la psychologie politicienne de Joe Biden l'incite à chercher la faille dans la construction de cet hégémon, si le Département d'Etat est enclin à le suivre pour sauver cinq décennies d'investissements diplomatiques en Chine (Nixon 1972), tant le Sénat que les cercles académiques (think tanks et autres penseurs) ont pris en compte l'autisme chinois actuel, qui tranche avec le pragmatisme rusé des gouvernements précédents dont les postes-clés étaient tenus par des Shanghaiens à l'esprit ouvert.

Xie Feng


On attend certes que les responsables chinois se paient de mots lors de cette confrontation rhétorique de Tianjin, mais la démarche américaine est plutôt de les prévenir "qu'on vous l'avait bien dit" dans le futur. La presse officielle chinoise pousse chaque jour à défier les Etats-Unis et le Japon, s'appuyant sur les revendications territoriales historiques, et quand elle en a fini avec la mer de Chine, elle condamne toute entrave mise par l'Occident à l'achèvement de la suprématie chinoise. Ce n'est que l'expression un peu infantile d'un agenda plus ou moins dissimulé. Joe Biden en est conscient. Il espère réunir l'Occident dans une démarche d'alliance globale de confinement de la Chine populaire, en s'appuyant de son côté sur trois organisations déjà en place, ce qui lui évite de construire un nouveau "mur" diplomatique qui serait facilement dénoncé par les Chinois aux Nations Unies. On citera dans l'ordre de promiscuité avec Washington...

- les Five Eyes, dont le petit dernier, la Nouvelle Zélande, a fini par rejoindre le canevas sinophobe des quatre autres : RU, Canada, Australie, USA ;
- l'OTAN qui devrait bloquer toute espérance de contournement par l'Arctique d'une alliance sino-russe en négociation ;
- le QUAD qui cherche à conserver une suprématie navale dans l'Océan indien et le Pacifique nord occidental (Inde, Japon, Australie, USA).

Ceci ressemble à un encerclement de l'empire revenu. A juste titre, les autorités chinoises le dénoncent. Peuvent-elles faire plus ? C'est ce que nous verrons en deuxième semaine.


barbelé concertina

4 commentaires:

  1. L'ermite du gave26 juillet 2021 à 21:10

    Sans être un spécialiste de la géopolitique, à mon avis, le confinement de la Chine va être difficile à mettre en place. Tout d'abord, la Chine est devenue (et restera encore pour un bon moment) l'usine de l'Occident et de ses alliés; comment faire plier celui qui fabrique 80% de vos produits? Ensuite, il parait que la Chine possède la plus grosse partie des emprunts américains et bon nombre de fonds de pensions US y ont investi. Enfin, en cas de raidissement des relations sino-américaines, les pays proches de la Chine ( Japon, mais aussi Corée, Philippines...) suivront-ils sans hésiter?
    Dernier point: j'ai revu dernièrement un documentaire sur La Cité Interdite dans lequel l'histoire de la Chine était retracée. Celle-ci ne cherche t'elle pas, actuellement, à prendre sa revanche sur l'humiliation que lui ont fait subir les USA, le Royaume Uni et la France au début du XXè siècle?

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    1. (1) Difficile de confiner la Chine mais pas impossible de l'en menacer, car il y a des alternatives crédibles à "l'usine chinoise" qui ont déjà pris leur part et sont en attente de délocalisations. Toute baisse sensible des commandes en Chine populaire alimente les revendications sociales de la classe ouvrière, capable d'entamer l'hégémonie intérieure du Parti communiste. Les émeutes ont existé dans les dix dernières années et sont latentes dans les régions industrielles ; la paysannerie est insatisfaite et le fait savoir.

      (2) L'instrumentalisation de l'encaisse de bons du Trésor US détenu par la Banque centrale n'a jamais été tentée par les Chinois parce qu'ils ne sont pas majeurs encore sur les marchés financiers internationaux, faute d'avoir libéré le yuan. S'ils attaquent avec leur encaisse de bons US, ils déprécient sa valeur et le niveau de leurs réserves. Il faudrait qu'ils convertissent les bons US en or mais en soignant l'arbitrage sur plusieurs années car la réplique américaine serait sanglante. La Fed a toute liberté d'imprimer du dollar sans qu'il ne se déprécie. C'est un privilège unique.

      (3) Les voisins de la Chine ont tous peur. Mais le Japon et le Vietnam un peu moins que les autres. Or il suffit que ces deux-là suivent les Américains pour prendre en tenaille l'espace maritime chinois. C'est d'ailleurs une des raisons de l'hystérie communiste sur la question de Taïwan : l'île leur donnerait un accès direct à l'océan pacifique sans avoir à franchir des détroits commandés par leurs adversaires.

      (4) Une revanche sur l'humiliation des Grands Tsings est indéniable mais cette humiliation et les traités inégaux sont surtout la fréquence porteuse de toute la propagande du pouvoir communiste. Les traités inégaux sont régulièrement brandis contre la Grande Bretagne comme le sac de Nankin l'est contre le Japon.
      NB : les Etats-Unis n'ont pas participé à la séquence de dépeçage. Les participants furent la Grande Bretagne, la France, la Russie, l'Allemagne et le Japon.

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  2. Commentaire officieux de la visite de W. Sherman en Chine populaire. Xie Feng se moque copieusement de ses interlocuteurs mais il a raison sur la juridiction extensive américaine (appuyée sur l'hégémonie du dollar US):

    China News Service, Tianjin, July 26. On July 26, Chinese Vice Foreign Minister Xie Feng said in a meeting with U.S. Deputy Secretary of State Sherman that Chinese culture advocates do not do to others what one does not want, and never has hegemony. Genes, impulse to expand, never coerce any country. In the face of external interference, China has adopted reasonable and lawful countermeasures, defended the legitimate rights and interests of the country, and safeguarded international fairness and justice. It never went to someone else’s door to pick things up, never put its hand into someone else’s home, and never occupied it. An inch of land in another country. The invention rights, patent rights, and intellectual property rights that coerce diplomacy are none other than the Americans. It is the United States' unilateral sanctions, long-arm jurisdiction, and interference in internal affairs. The US so-called "dealing with other countries from the perspective of strength and status" is essentially to bully others, bully the weak, and power is axiom, and it is an out-and-out coercive diplomacy. (finish)

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  3. Pour archives. Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a communiqué officiellement sur le site du ministère :

    En matière de respect des règles internationales, les États-Unis, plus que tout autre pays, doivent réfléchir sur eux-mêmes - 2021/07/26

    Le 26 juillet 2021, le Conseiller d'État et Ministre des Affaires étrangères Wang Yi a rencontré la Secrétaire d'État adjointe américaine Wendy Sherman à Tianjin. Mme Sherman a dit encore une fois qu'il fallait respecter le soi-disant « ordre international basé sur des règles ». M. Wang l'a interrogée avec solennité : Quelles sont les soi-disant « règles » prônées par la partie américaine ? S'il s'agit de la Charte des Nations Unies et du droit international, la Chine a déclaré explicitement il y a longtemps que tous les pays devaient les respecter. S'il s'agit de soi-disant « règles » formulées par la partie américaine elle-même et une poignée d'autres pays, pour quelle raison la Chine doit s'y soumettre ? Pourquoi la Chine, n'ayant pas participé à l'élaboration de ces « règles », doit-elle les respecter ? M. Wang a dit : « Parlant du respect des règles internationales, les États-Unis imposent des droits de douane élevés à la Chine, ce qui constitue un cas typique de violation des règles de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC). Les différentes listes de sanctions unilatérales imposées par les États-Unis à la Chine ne sont ni fondées sur le droit international ni mandatées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, ce qui constitue également des actes typiques de violation des règles internationales. En matière de respect des règles internationales, les États-Unis, plus que tout autre pays, doivent réfléchir sur eux-mêmes. Ils doivent donner un exemple en matière de respect des règles internationales, et non pas faire l'inverse. »

    Rien n'arrête l'argumentaire communiste. Les règles internationales enfreintes par la Chine populaire sont multiples et pour n'en citer que deux nous dirons, le droit de la mer établi par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) et l'Organisation maritime internationale ; en second lieu, le droit des traités internationaux allègrement foulé au pied par le gouvernement de Li Keqiang dans la gestion de la région spéciale de Hong Kong.

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