dimanche 4 juillet 2021

« Perdre la Terre »...

... c'est le titre d'un petit bouquin* qui fait la démonstration que le problème du réchauffement planétaire par excès du dioxyde de carbone était mieux compris qu'aujourd'hui et déjà tranché sans débat possible, il y a quarante ans ! L'auteur, un journaliste de fond (comme les coureurs éponymes), prouve que nous aurions pu alors sauver le monde. Rien n'a été fait depuis ou si peu, sauf à saisir l'alibi des productions d'énergies alternatives renouvelables pour réconforter l'électeur, car il s'agit d'abord de lui. Outre la narration des épisodes alternant l'enthousiasme et le dépit, le livre n'évite pas les sujets qui dérangent, au premier chef desquels se trouve la question qui tue : "les êtres humains, confrontés à ce péril existentiel, ont-ils envie de l'empêcher ?". Il semblerait qu'à l'image des élus à durée déterminée, les peuples privilégient l'amélioration de leur sort immédiat au destin promis par les Cassandre. L'autre problème insoluble est le scepticisme de certains scientifiques qui, à des motifs personnels ou académiques, refusent les conclusions où aboutissent de longs et patients travaux de spécialistes, et le font savoir. Que les gens du commun soient sceptiques est dans la nature humaine, mais qu'on en trouve dans le corps scientifique a de quoi étonner. Un des cas-types français est Claude Allègre, médaille d'or du CNRS, qui, avec un entêtement digne d'un platiste, doute ouvertement du facteur anthropique dans le réchauffement de la planète, faisant mine d'ignorer que, si la sus-dite s'en sortira très bien, ce sera sans l'espèce humaine qui n'y était bien sûr pour rien. Dans le Rapport Charney (1979) qui établit les faits et les causes, il est dit que lorsque la concentration de CO2 dans l'atmosphère aura doublé (par rapport au taux prévalant à l'époque pré-industrielle), le monde se réchauffera de 3°C. Or la dernière fois que la planète avait été plus chaude de 3°C c'était au temps du Pliocène, il y a trois millions d'années : des hêtres poussaient en antarctique, des chevaux gambadaient sur les plages septentrionales du Canada et le niveau général des océans était plus haut de vingt-quatre mètres par rapport à aujourd'hui. On gardera pour plus tard les ouragans de froid, de chaleur, de boue et de pluies. Et 50°C à Vancouver fin juin 2021, ça me parle !

L'autre frein à l'action pendant ces quarante années perdues fut la dispute sur le constat d'évidences. La température actuelle monte-t-elle régulièrement ? De combien de centimètres s'élèvent les océans cette année ? Les intempéries monstrueuses n'ont-elles jamais existé dans le passé ? etc... A quoi les scientifiques répondent qu'attendre des preuves plus solides confirmant les calculs du réchauffement planétaire est inutile : quand les signaux inquiétants émergeront du bruit ambiant, cela voudra dire tout simplement qu'il est trop tard pour agir. Ce sont les signes avant-coureurs qu'il faudrait traquer, si on cherchait encore à comprendre ce qui est déjà compris ! Attendre l'évidence c'est déjà connaître sa mort !

une vraie sirène


Nous nous sommes attaqué plus souvent aux symptômes du cancer climatique qu'à la cause d'icelui, la surproduction de dioxyde de carbone. En fait les décideurs ont été forcés d'entrer dans une vraie tragédie de théâtre avec ses héros, ses victimes, ses méchants et les cons. Et tout l'art politique a consisté à gérer la partition afin d'aboutir à...... une réélection. Le cas emblématique fut celui de Georges Bush (père) qui a fait une campagne écologique poussée pour se laisser déborder par d'autres priorités une fois élu à la Maison Blanche. La grande affaire du mandat fut la première guerre d'Irak et le sauvetage des monarchies productrices de carburant fossile sur le Golfe persique. Il n'en fut pas pour autant réélu. Le bouquin se cantonne aux Etats-Unis et à ses luttes politiques parce que c'est le pays qui peut (encore) décider d'inverser la poussée vers la catastrophe et qui sera suivi. Mais nos élites politiques européennes ne sont pas en reste en matière de reniements électoraux voire d'obsessions contreproductives comme celles des écologistes radicaux complètement bloqués sur le combat anti-nucléaire. L'énergie atomique ne pose qu'un problème de souveraineté - l'approvisionnement en minerai d'uranium - jusqu'à ce qu'on industrialise la fusion nucléaire sans faire sauter la moitié du pays. Mais ces fondamentalistes n'en peuvent démordre, tant ils ont défilé, marché, bloqué des trains, envahi les dômes des centrales et braillé plus souvent qu'à leur tour la haine de l'atome... Impossible pour eux d'accepter cette évidence que les centrales nucléaires ne rejettent que de la vapeur d'eau et que les déchets de combustion sont parfaitement gérables. Dans un entretien intéressant chez Apolline de Malherbe récemment, Nicolas Hulot se déclarait hostile au nucléaire sans en énoncer le moindre motif, comme s'il s'agissait des pluies acides ou de la famine des éthiopiens. C'est pour lui un fait acquis, alors que bien des pays industriels anciens et nouveaux relancent la production nucléaire pour sa neutralité carbone imbattable. On soupçonne qu'il vise plus généralement l'industrie, elle-même consommatrice d'électricité, et que l'on bridera en lui coupant les vivres. Mais il termine sur une note très juste : les gouvernements auraient-ils assimilé le défi écologique qu'il n'y aurait plus de partis écologistes dans le paysage.

A la fin de cette longue dérive de quarante années d'inaction, la prise de conscience des peuples et chez eux des jeunes surtout, renouvelle la promesse d'une fraternité mondiale que la classe politique est incapable d'assumer. Dans la bouche des politiques impuissants et braqués sur leur carrière, les idéaux d'égalité, fraternité et de liberté qui sous-tendent la démocratie, font rire. Le bouquet final fut l'irruption de Donald Trump qui a relancé le charbon chez lui ! Deux ans plus tard, c'était une autre irruption sur la scène médiatique, celle de Greta Thunberg, signifiant, pour qui veut le voir, que la main passe du politique au peuple. Désormais les décideurs seront acculés par la rue, le désordre voire l'émeute, à modifier le paradigme productif de nos sociétés et in fine nos modes de vie. Sûr que l'affaire en excitera plus d'un, incapable de tenir la barre sur ce qui jusqu'à aujourd'hui était l'essentiel de leur mission, l'Etat régalien ! Fini donc mon rêve de coupé V8 Mercedes accolé à la meilleure boîte 7G-Tronic que le monde ait connue, je dois rouler en plug-in hybride sans couple ni c....les, avec sa boîte hurlante qui mouline en côte, parce qu'elle ne consomme rien et ne crache rien, sauf mon plaisir de rouler, ce qui va devenir un crime !

En conclusion, ce livre intéressant, bien écrit ou du moins traduit dans une langue française très fluide, sans jargonnage ni cuistrerie sciencepiste, dénonce l'incurie de l'espèce humaine quant à son destin. Est-ce nouveau ? Mais, très américain, l'auteur reste sur les rails de la démocratie représentative occidentale sans oser y voir une des causes de cette coupable inaction. La politique comme souci, disait Boutang, ne peut s'épanouir dans la course incessante au pouvoir. Il y faut du temps, pour la réflexion, la décision et la mise en œuvre, séquences dévorées par l'ambition de se maintenir aussi longtemps que possible près de Dieu-le-peuple, avec le résultat que nous voyons dans tous les compartiments de notre vie sociale : gabegie généralisée, corruption, privilèges et déficits partout ! Faut-il redire qu'une monarchie active est mieux à même de saisir les enjeux à moyen terme, et d'y répondre en programmant des réponses fondées sur l'expertise, que ces républiques aux mandats éphémères tiraillées par tous les démons de l'âme humaine, le gouvernement par contrainte n'étant pas le moindre ? Nous assisterons à la liquéfaction des démocraties occidentales avant même que l'espèce humaine ne soit noyée par la fonte des glaces ! J'en fais le pari !


Note : * Losing Earth de Nathaniel Rich, traduit par D. Fauquemberg pour le Seuil, Paris 1919, poche 240p.

6 commentaires:

  1. A propos des scientifiques "sceptiques", JM Jancovici fait remarquer qu'aucun article, "climatosceptique", zéro, nada, n'a jamais franchi le comité de lecture des grandes revues scientifiques comme Science ou Nature et donc aucun argument dans ce sens n'a été publié dans une revue à relecture par des pairs.

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    1. Dès le début (1980), il est apparu un large consensus au sein du corps scientifique impliqué dans l'étude de l'atmosphère terrestre sur l'effet de serre et la surcharge croissante en CO2. Mais bien d'autres scientifiques s'en sont mêlés ensuite, qui n'étaient pas de la spécialité. Un peu comme avec le Covid19.
      Les réticences à accepter un réchauffement anthropique viennent de politiciens, chroniqueurs, bavards de plateaux, chercheurs largués par l'institution, contradicteurs professionnels, sociopathes, et c'est normal que les revues pointues n'en fassent pas l'écho. On n'étudie pas non plus la terre plate.
      Par contre il est paru beaucoup de bouquins dénonçant une supercherie mondiale au coeur de la crise climatique, bouquins qui visaient un large tirage... en vain, et c'est rassurant pour l'ordre des choses.
      En attendant l'explosion de la Vérité, les désordres climatiques s'amplifient et si la terre supportera très bien une modification de ses équilibres, les espèces qui y vivent, dont la nôtre, risquent de ne pas s'adapter au nouvel environnement, sauf en petit nombre, dans quelques niches "vivables".

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  2. Travaux pratiques sur Chicago.
    Le dossier du New York Times du 7 juillet 2021 est impressionnant par les illustrations fournies et la densité de texte. A ne pas manquer.

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    1. L'ermite du gave14 juillet 2021 à 18:12

      La vraie cause (ou du moins, une des vraie causes) du réchauffement climatique, est l'espèce humaine elle-même. Aucun éco-système ne résiste à une prolifération exponentielle et rapide de l'un de ses composants, à plus forte raison si celui-ci en est le prédateur suprême. L'espèce humaine s'est multipliée par plus de 10 en trois siècles (peut-être sommes-nous un peu plus, les statistiques à ce niveau ne sont pas très précises...) alors que son "territoire" n'a pas bougé. Tout ce qui est ou sera entrepris pour limiter le réchauffement ne servira à rien si ça ne s'accompagne pas, sur le long terme, d'une politique mondiale de limitation, voire de décroissance de l'espèce elle-même. Bref, de faire comme les lemmings.

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    2. C'est l'opinion commune et taboue à la fois. Surtout pour ce qui concerne l'Afrique noire où personne ne sait maîtriser la démographie. J'entendais à la radio que le seul Nigeria aurait 550 millions d'habitants en 2050 !
      Une analyse qui en vaut d'autres en cliquant ici.

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  3. Et puis il y a les éoliennes !
    Signalé par l'Ermite, tout ce que vous vouliez savoir sur les éoliennes sans jamais oser le demander se trouve dans un film de presque deux heures où défileront les meilleures pointures du réchauffement climatique, comme Jancovici ou Bouglé.
    Formidable pompe à cash de sociétés éphémères, coquille vide à remplir comme un oeuf avant de le cuire, telle est l'industrie éolienne. Danois et Allemands nous l'ont mis profond, mais cela n'est pas nouveau.
    C'est par ici (clic)!
    En clair : https://eoliennes-lefilm.com/

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