La chute de Kaboul n'est pas à mettre au débit des armées occidentales qui ont été rapatriées depuis bien longtemps, mais elle illustre presque parfaitement le jeu de poker menteur entre les admnistrations militaires et civiles. Le Pentagone a fourni à la Maison Blanche le tableau des effectifs et des dotations les plus modernes de l'Armée nationale afghane lui assurant une supériorité imparable ; trois cent mille soldats appuyés par l'artillerie et des avions d'attaque au sol contre moins de soixante mille pouilleux en tongues. La CIA a émis des doutes sur l'astiquage poli-miroir des armures afghanes mais dans le vacarme du gouvernement américain au prise avec de gros problèmes économiques et sanitaires, sans parler de la menace chinoise, l'avertissement n'a pas percuté. Et pourtant le dénouement illustre très parfaitement les fondamentaux de ce qui fut déclaré autrefois comme le tombeau des empires. L'Afghanistan n'existe toujours pas, ni comme nation, ni comme Etat. Mais ses dirigeants savent faire semblant, si ça paie ! Et deux mille milliards de dollars plus tard¹, ça a payé. Il n'y a que deux lois qui règlent cet espace, celle des rites coraniques du premier degré et celle de la corruption comme système de circulation monétaire. L'armée afghane n'existait pas, les soldes débondées par les Etats-Unis étaient englouties par les réseaux de paiements sans atteindre le voltigeur de pointe ; l'autonomie jalouse des chefs de corps déployés sur le terrain faisait le pendant de celle des administrateurs provinciaux, et de celle des commandants talibans indépendants sur zone. C'est à ce titre fort intéressant de voir comment les directives promulguées par les chefs talibans de Kaboul seront exécutées en province. Mais n'étant pas sur place, et n'y étant jamais allé, nous ne tomberons pas dans le piège de l'expertise mondaine comme s'y prête nos éditocrates préférés. La profusion de commentaires joyeux sur le thème du "je vous l'avais bien dit" est obscène même si le 15 août 2021 marquera le jour d'un retour de l'Occident sur ses bases, mais certainement pas son affaissement comme se plaisent à le célébrer les idiots du Kremlin qui pullulent chez nous.
Le retrait était inscrit au programme de tous les pays de l'Alliance atlantique. Il a été freiné par le constat d'un besoin accru d'instruction des troupes régulières et celui de la consolidation d'une administration difficile à ancrer. Mais nous avons construit des écoles, des bâtiments comunaux, des centrales électriques et leurs réseaux de fourniture de courant jusqu'au dernier district, des adductions d'eau, des dispensaires, des hôpitaux, des routes etc... dans le plus pur style colonial, c'est vrai. Mais la population, qu'elle nous aime ou non, a su profiter de la modernisation occidentale et s'en souviendra. Dans les grandes villes, l'émancipation des femmes et l'éducation des jeunes filles a été réussie et elles s'en souviendront aussi. Sans boule de cristal, on peut présager qu'à partir d'aujourd'hui toutes ces infrastructures vont lentement se dégrader et le prix de la peinture passer dans la poche du parrain local, un peu comme en Algérie. Les Afghans ont eu vingt ans de clarté occidentale et ont goûté au luxe de l'envie satisfaite. Pouvions-nous leur assurer ce train de vie vingt ans encore ? Sans doute pas avant d'avoir converti une population fondamentalement islamique, autant dire jamais. Nous nous apercevons, moi du moins, que les Talibans n'ont vaincu personne, tout le pays rural était de leur côté.
A compter de maintenant, est constitué entre l'Iran, l'Afghanistan et le Pakistan, un axe islamique allant du Golfe persique à l'Indus, qui surtout menace les républiques d'Asie centrale et le Turkestan chinois² (Xinkiang) par l'exportation d'une influence coranique (que nous jugeons délétère) sur ces contrées. Celle reconfiguration stratégique oblige à une surveillance continue par deux empires partageant des frontières mises en tension sur cet axe, la Fédération de Russie et la Chine populaire, la première vassalisée par la seconde. L'Inde est partie prenante, au Cachemire pour le moins ; prise en tenaille, elle sent la mâchoire de l'ouest se renforcer contre elle. Sa forte communauté islamique va reprendre les couleurs de l'espérance. Mais c'est sur la zone syro-irakienne que la chute de Kaboul peut résonner le plus fort. L'Iran est moralement renforcé par la victoire des Talibans et va pousser les feux en Irak méridional pour renverser la situation plutôt confuse à son profit et faire pièce aux sanctions américaines. Un pays ne s'y est pas trompé, la Turquie, qui, en dépit de ses chaleureuses félicitations, construit un mur à la frontière orientale pour bloquer tout ce que l'Iran envisage de laisser passer pour déstabiliser l'Europe. La Turquie dont l'économie est très affectée par la situation mondiale et les erreurs du gouvernement AKP, subit une pression migratoire intense qui submerge toutes ses capacités d'accueil depuis la guerre de Syrie. On comprend qu'elle déclenche de temps en temps des chasses de pression sur l'Union européenne. Il serait intelligent de discuter avec elle de l'avenir.
Dans une sorte de mouvement tectonique, l'Occident va continuer le retrait amorcé par les empires européens il y a soixante-quinze ans bientôt (abolition du Raj britannique aux Indes), et se renforcera sur ses terres historiques, l'Europe et l'Amérique du Nord, océans compris. Son capital intact est l'inventivité dans les sciences fondamentales, de savoir tout fabriquer et d'adorer les libertés et le succès individuels. Ce sera sa marque. Des alliés convaincus du modèle, l'Occident n'en manque pas, à commencer par le Japon et l'Australie. Bien d'autres s'agrègeront dans l'avenir par le biais de traités de libre-échange comme le Partenariat transpacifique et l'administration Biden a déclaré vouloir offrir une alternative aux routes de la soie chinoises qui, à l'usage, apparaissent moins "cool" que prévues.
Il resterait à parler de l'émotion déclenchée dans les divers think tanks de stratégie, concernant un découplage atlantique ou notre abandon du Sahel. Nous n'avons de solution de rechange dans aucun des deux cas, mais c'est bien d'en parler, parler, parler pour continuer les subventions publiques. Pour terminer, les réactions d'Emmanuel Macron et de Joe Biden ont été dans la veine attendue, simples, directes, précises. Nous pûmes avoir peur d'une certaine emphase qui va bien aux désastres. Pour finir, récupérons les femmes afghanes ! Elles combattront ici le ramas de pétasses islamocompatibles qui tiennent le mégaphone.
Note (1) Les deux trillions de dollars proviennent essentiellement de la planche à billets américaine
Faudra peut-être avancer le siège pour manoeuvrer le "volant" sans cabrer l'avion ! |
Le retrait était inscrit au programme de tous les pays de l'Alliance atlantique. Il a été freiné par le constat d'un besoin accru d'instruction des troupes régulières et celui de la consolidation d'une administration difficile à ancrer. Mais nous avons construit des écoles, des bâtiments comunaux, des centrales électriques et leurs réseaux de fourniture de courant jusqu'au dernier district, des adductions d'eau, des dispensaires, des hôpitaux, des routes etc... dans le plus pur style colonial, c'est vrai. Mais la population, qu'elle nous aime ou non, a su profiter de la modernisation occidentale et s'en souviendra. Dans les grandes villes, l'émancipation des femmes et l'éducation des jeunes filles a été réussie et elles s'en souviendront aussi. Sans boule de cristal, on peut présager qu'à partir d'aujourd'hui toutes ces infrastructures vont lentement se dégrader et le prix de la peinture passer dans la poche du parrain local, un peu comme en Algérie. Les Afghans ont eu vingt ans de clarté occidentale et ont goûté au luxe de l'envie satisfaite. Pouvions-nous leur assurer ce train de vie vingt ans encore ? Sans doute pas avant d'avoir converti une population fondamentalement islamique, autant dire jamais. Nous nous apercevons, moi du moins, que les Talibans n'ont vaincu personne, tout le pays rural était de leur côté.
A compter de maintenant, est constitué entre l'Iran, l'Afghanistan et le Pakistan, un axe islamique allant du Golfe persique à l'Indus, qui surtout menace les républiques d'Asie centrale et le Turkestan chinois² (Xinkiang) par l'exportation d'une influence coranique (que nous jugeons délétère) sur ces contrées. Celle reconfiguration stratégique oblige à une surveillance continue par deux empires partageant des frontières mises en tension sur cet axe, la Fédération de Russie et la Chine populaire, la première vassalisée par la seconde. L'Inde est partie prenante, au Cachemire pour le moins ; prise en tenaille, elle sent la mâchoire de l'ouest se renforcer contre elle. Sa forte communauté islamique va reprendre les couleurs de l'espérance. Mais c'est sur la zone syro-irakienne que la chute de Kaboul peut résonner le plus fort. L'Iran est moralement renforcé par la victoire des Talibans et va pousser les feux en Irak méridional pour renverser la situation plutôt confuse à son profit et faire pièce aux sanctions américaines. Un pays ne s'y est pas trompé, la Turquie, qui, en dépit de ses chaleureuses félicitations, construit un mur à la frontière orientale pour bloquer tout ce que l'Iran envisage de laisser passer pour déstabiliser l'Europe. La Turquie dont l'économie est très affectée par la situation mondiale et les erreurs du gouvernement AKP, subit une pression migratoire intense qui submerge toutes ses capacités d'accueil depuis la guerre de Syrie. On comprend qu'elle déclenche de temps en temps des chasses de pression sur l'Union européenne. Il serait intelligent de discuter avec elle de l'avenir.
Note (2) Le roi afghan Zaher Shah avait envoyé un corps expéditionnaire à Yarkand en 1934 dans l'intention de soutenir un Turkestan ouighour contre les Huis et les Hans. Ses volontaires seront tous massacrés par les troupes du Kuomintang.
Dans une sorte de mouvement tectonique, l'Occident va continuer le retrait amorcé par les empires européens il y a soixante-quinze ans bientôt (abolition du Raj britannique aux Indes), et se renforcera sur ses terres historiques, l'Europe et l'Amérique du Nord, océans compris. Son capital intact est l'inventivité dans les sciences fondamentales, de savoir tout fabriquer et d'adorer les libertés et le succès individuels. Ce sera sa marque. Des alliés convaincus du modèle, l'Occident n'en manque pas, à commencer par le Japon et l'Australie. Bien d'autres s'agrègeront dans l'avenir par le biais de traités de libre-échange comme le Partenariat transpacifique et l'administration Biden a déclaré vouloir offrir une alternative aux routes de la soie chinoises qui, à l'usage, apparaissent moins "cool" que prévues.
Il resterait à parler de l'émotion déclenchée dans les divers think tanks de stratégie, concernant un découplage atlantique ou notre abandon du Sahel. Nous n'avons de solution de rechange dans aucun des deux cas, mais c'est bien d'en parler, parler, parler pour continuer les subventions publiques. Pour terminer, les réactions d'Emmanuel Macron et de Joe Biden ont été dans la veine attendue, simples, directes, précises. Nous pûmes avoir peur d'une certaine emphase qui va bien aux désastres. Pour finir, récupérons les femmes afghanes ! Elles combattront ici le ramas de pétasses islamocompatibles qui tiennent le mégaphone.
Jolie rappeuse afghane, et oui ! Voir son clip en cliquant sur l'image. |
Compléments pratiques
RépondreSupprimerLa fin du mois approche et la mise en circulation des afghanis de la dépense publique avec elle. Or les caisses sont vides et les réserves d'environ 9 milliards de dollars US sont expatriées, dont 7 milliards en bons, titres et or détenus par la Réserve fédérale américaine. La dernière livraison US de cash à Kaboul a été retenue par la ruée des insurgés sur la capitale.
Si les Talibans ont organisé leur auto-financement en se fondant sur la dîme perçue (10%) sur les récoltes d'opium et autre croît, les droits d'exportation des transports miniers (30%), l'impôt de capitation(2,5%) sur les clans contrôlées et les rançons, ils n'ont pas les moyens de financer un Etat pour administrer une population de 35 millions d'habitants, même si celui-ci va réduire considérablement son périmètre. Or l'Etat qu'ils doivent gérer dès demain est exsangue.
A ne retenir qu'un chiffre, 43% du PIB d'hier (21 à 22Md$) étaient abondés par des subsides étrangers (USA, Allemagne et autres pays européens). Pas sûr que les amis du nouveau pouvoir fassent l'échéance les yeux fermés en lieu et place des généreux donateurs du Golfe, si tant est qu'ils y viennent.
Cette question est déterminante pour le choix des pratiques de gouvernement qui seront retenues par les nouveaux maîtres, lesquels sont condamnés à se construire tout de suite une bonne réputation au plan financier (sources The Guardian, Trading Economics et TV5Monde avec AFP)
A suivre...
La chasse aux "collabos" a commencé à Kaboul comme le blocage des étrangers au sol, et la fable des gentils talibans prétendûment réformés s'arrête ce matin. La terreur islamiste ordinaire est revenue et, à part de tailler dans le vif pour ouvrir un corridor humanitaire entre la ville et ses deux aéroports, l'évacuation risque bien de mal finir.
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