lundi 1 novembre 2021

Aux morts de novembre !

buveur
Au comptoir du bar-tabac sur le quai, là-bas, c'est Jour des Morts, quoiqu'ils en pensent en regardant l'eau noire.
L'homme a conscience qu'il est une espèce à part parce qu'il rit, nous a dit Rabelais, mais surtout parce qu'il sait très tôt que tout ça finit mal. Et si en plus on nous dépêche comme en 14, s'exclame Oscar en fond de zinc, le nez dans son café, c'est le foutage de gueule délibéré !! Grand, voûté, réfractaire, antimilitariste, il boite bas, réchappé de quelque chose qui lui revient chaque 2 novembre. Il salut la maraude des Municipaux chaque fois qu'elle passe devant. Il ne fume pas. C'est trop cher. Il ne croit en rien mais parfois, il offre un bouquet d'anémones à une jeunesse qui tire sur sa clope comme une grenouille fabuleuse : "c'est pour le marbre !"

On s'invente des mondes qui attendent, des merveilles incroyables ou des horreurs qu'on nous fera, autant qu'il en plaira aux prêtres, gardiens du domaine au-delà. Au doute du buveur il faut répondre que rien n'est plus sûr que le sol sous ses pieds, et quand on a fini de charrier les pots de chrysantèmes en souvenir de nos disparus, versé la larme et remis le chapeau, ce jour des morts, aussi triste soit-il, est celui des poèmes, seul onguent apaisant sur la plaie de l'absence. Tu te souviens ? Je me souviens...

fleurs blanches

Nature au coeur profond sur qui les cieux reposent,
Nul n’aura comme moi si chaudement aimé
La lumière des jours et la douceur des choses,
L’eau luisante et la terre où la vie a germé.

La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains.
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains.

J’ai porté vos soleils ainsi qu’une couronne
Sur mon front plein d’orgueil et de simplicité,
Mes jeux ont égalé les travaux de l’automne
Et j’ai pleuré d’amour aux bras de vos étés.

Je suis venue à vous sans peur et sans prudence
Vous donnant ma raison pour le bien et le mal,
Ayant pour toute joie et toute connaissance
Votre âme impétueuse aux ruses d’animal.

Comme une fleur ouverte où logent des abeilles
Ma vie a répandu des parfums et des chants,
Et mon coeur matineux est comme une corbeille
Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants.

Soumise ainsi que l’onde où l’arbre se reflète,
J’ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs
Et qui font naître au coeur des hommes et des bêtes
La belle impatience et le divin vouloir.

Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature!
Ah! faut-il que mes yeux s’emplissent d’ombre un jour,
Et que j’aille au pays sans vent et sans verdure
Que ne visitent pas la lumière et l’amour…

...................................
Mourir dans la buée ardente de l'été,
Quand parfumé, penchant et lourd comme une grappe,
Le coeur, que la rumeur de l'air balance et frappe,
S'égrène en douloureuse et douce volupté.

Mourir, baignant ses mains aux fraîcheurs du feuillage,
Joignant ses yeux aux yeux fleurissants des bois verts,
Se mêlant à l'antique et naissant univers,
Ayant en même temps sa jeunesse et son âge,

S'en aller calmement avec la fin du jour ;
Mourir des flèches d'or du tendre crépuscule,
Sentir que l'âme douce et paisible recule
Vers la terre profonde et l'immortel amour.

S'en aller pour goûter en elle ce mystère
D'être l'herbe, le grain, la chaleur et les eaux,
S'endormir dans la plaine aux verdoyants réseaux,
Mourir pour être encor plus proche de la terre…



urne funeraire

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