lundi 14 mars 2022

Une défaite amère

J'ai perdu ! Après la chute du Mur en 1989, la rupture des barbelés aux frontières intérieures du Pacte qui s'ensuivit, je m'étais mis dans la tête que le commerce serait désormais le meilleur antidote à la guerre. Commercez, commercez, il en restera toujours quelque chose. A tel point que recevant de temps en temps des délégations de clients étrangers, mon premier toast de bienvenue reprenait cette antienne : Depuis l'aube du monde, la rencontre entre les hommes fut l'occasion d'échanges et souventes fois les prémices d'une amitié. Kampé ! Ça plaisait beaucoup.

Les Flamands, les Hollandais, les Danois, les Allemands, tous héritiers de la Hanse, avaient pris ce même parti-pris : le commerce d'abord, gage de richesses et de paix. C'est ainsi que furent créés les grands organes régissant les pratiques commerciales gouvernant les flux générés par les bourses de matières et denrées. Après le GATT (1948-1995) vint l'OMC ; et toutes les grandes institutions financières de dévelopement et commerce qui huilaient les échanges s'étendirent aux espaces qui avaient été libérés de l'idéologie marxiste. Le monde était alors dirigé par des gens d'une certaine épaisseur et pour ne citer qu'eux : Georges H. Bush, Mikhaïl Gorbatchev, Margaret Thatcher, Helmut Kolh, Jiang Zemin et même François Mitterrand. Cahin-caha on approchait de la fin des "histoires". Il y avait tant de monde à nourrir depuis qu'on avait compris que par le développement des échanges c'était devenu possible, que toute l'énergie se concentrait sur ce projet mondial qu'on appellera plus tard mondialisation aboutissant à la globalisation. Les grosses nations exportatrices comme l'Allemagne et le Japon ne se posaient aucune question. Etait-il intelligent de produire ici à des prix deux fois plus chers que ceux des mêmes achats qu'on savait faire ailleurs ? Les Allemands bâtissaient des usines partout, les Japonais aussi qui avaient en plus décidé de financer ex-nihilo la flotte commerciale de Chine populaire en leasing. Des centaines de porte-conteneurs, des milliers de feeders sillonnaient la planète pour assurer le transport de tout à des prix si bas qu'on ne les calculaient plus pour faire un prix de revient. La pulsation du système économique mondial ne semblait pouvoir être arrêtée, au bénéfice des inventeurs de l'idée certes, des acteurs et des back offices aussi, mais surtout au bénéfice des plus mal lotis qui découvraient une chose incroyable : l'espoir enfin d'une amélioration possible de leur sort, sinon l'évasion de leur progéniture du champ de la misère. C'est mon radotage sur l'entropie globale. Il faut constater l'enrichissement relatif des masses laborieuses asiatiques que tous les géographes des années 60 condamnaient à une misère éternelle sur la foi des paramètres démographiques rapportés aux ressources exploitables, pour comprendre ce qu'a produit l'invention de la DIT* dans la mondialisation libérale. Le seul continent qui n'a pas décollé franchement est celui qui conserva la tutelle néocoloniale par enrichissement exclusif de la classe dirigeante. La remarque s'applique aussi à l'Afrique du Sud.
Division internationale du travail

poster transports internationaux


Puis vinrent les beaufs. Dans les années 2000, deux empires renaissant des cendres de l'Histoire donnèrent successivement la main à des dirigeants de division 2 : la Fédération de Russie se choisit un ivrogne notoire et fier de l'être, auquel succéda pour le protéger des fruits de sa prévarication, un lieutenant-colonel du KGB, capacitaire en droit ; la République populaire de Chine, un fils de prince ayant obtenu son certificat d'études primaires. Celui-ci se toqua du projet impérial rebaptisé The China Dream qui visait à repousser les frontières du pays aux marches impériales incluses dans l'Empire des Grands Tsings, quoiqu'il en coûte en dépenses budgétaires pour y parvenir par la voie d'un réarmement massif, toute la nation, toutes ses entreprises publiques et privées, tous les cadres du Parti étant convoqués au succès du projet, sans murmures ni reproches, dont l'échéance ultime est le 30 septembre 2049. Ce jour-là la Russie aura perdu l'Amour. Justement, à Moscou, le colonel-espion devenu maréchal du Kremlin faisait le même rêve de reconstitution de l'Empire des Romanov dont son prédécesseur avait autorisé la translation des restes à Saint-Pétersbourg pour une inhumation télévisée. Il se guide sur la carte des minorités russophones laissées à découvert par le reflux de l'URSS. L'affaire se termine par la guerre d'Ukraine. Se termine parce que si les batailles de Kyiv, Kharkiv, Marioupol et Odessa ne sont pas perdues pour lui à cette heure, son pays est naufragé, l'Occident ayant décidé d'avoir peur, d'avoir froid pour qu'on en finisse une bonne fois avec ce genre de dément nucléaire ! A l'autre bout du monde, se discutent voies et moyens de faire la guerre à Taïwan, mais le retex de l'affaire d'Ukraine semble freiner les élans chinois. A tout le moins, le concept rhénan de paix mondiale par le commerce s'effondre !

En quarante-huit heures, l'Allemagne acte de son erreur tragique, réarme de cent milliards, reconstruit ses dépendances énergétiques pour sortir du piège russe de Merkel et Schröder. Elle est suivie par tous les pays du monde libre. L'imagination créative en action est un tropisme occidental : il n'est pas un jour sans qu'une idée de souveraineté nouvelle ou retrouvée ne traverse nos instituts de prospective. J'ai confiance, même si le gué sera plus long à traverser qu'on ne le croit. Il faut espérer que les dirigeants chinois, ceux qui ont encore cent sous de jugeotte, comprendront qu'il n'y a pas que le chrome et l'acier des armes pour abattre un pays. Le talon d'Achille est son économie si elle est entrelacée aux autres. C'est le message que la cohésion du monde libre envoie aux dictatures : celui de la barbichette.

La mondialisation va-t-elle néanmoins survivre aux appétits de cons terribles comme les deux précités ? Le monde est en réseau. Placé devant le futur antérieur, nul au monde n'a envie de revenir aux espaces étriqués d'antan, espaces géographiques et mentaux, même si la culture des particularités nationales restera le jardin de l'intimité des peuples. Les pays érémitiques n'ont aucun avenir.

fillette cambodgienne

3 commentaires:

  1. donc le futur anterieur ecessite la disparition des nations
    drole de raisonnement pour une personne se pretendant royco

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    1. C'est vous qui induisez la disparition des nations, ce qui d'ailleurs ne veut rien dire : une nation ne disparaît jamais, enfin, il y faut au moins mille ans !
      La mondialisation n'est pas réversible pour au moins une raison : la jeunesse, dans tous les pays, ne veut pas se confiner. Quant à l'avenir des "royco" il est conditionné par l'adaptativité du modèle royaliste aux réalités du temps. Ce qui semble poser d'énormes problèmes à certaines chapelles, crispées sur des narratifs d'avance perdants.
      Feuilleter le dossier "Rénovation politique" proposé en sidebar devrait donner des réponses à vos inquiétudes.

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  2. . Inutile d'accuser les autres de sa propre décadence. Juifs, Arméniens, Baltes ou Perses ont survécu à travers les âges malgré les vicissitudes. Le darwinisme est transposable à la géopolitique. Lorsque vous avez plus de monde dans les mosquées le vendredi que de fidèles à la messe le dimanche, que la jeunesse écoute majoritairement du rap et que kebab et couscous supplantent la gastronomie locale, pas la peine d'accuser la commission européenne, la CIA ou de crier au complot médiatique ou maçonnique. La disparition d'une nation ou sa transformation en objet dénaturé est un simple suicide librement consenti. Pas de maitre Gimm's à Malte ou en Hongrie ou d'Hanouna en Lituanie. La cause de la mort d'une nation c'est son propre reniement. On est sur les rails et la loco est bien lancée

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