jeudi 2 juin 2022

Le jubilé du siècle

bouquet de felurs


Soixante-dix ans de règne qui, à nous Français, ne disent rien de plus que ce que nous racontent les photos sur papier glacé d'une reine exceptionnelle, qui aux yeux du monde entier n'a besoin d'autre titre pour la désigner que "La Reine". Et pourtant, il y a bien plus que les photos et la saga Windsor. Le réglage fin de la monarchie constitutionnelle anglaise, s'il gère la parade, permet une co-souveraineté politique entre le monarque héréditaire et le Parlement de Westminster. Ce réglage est défini par la coutume, ce que notre constitution française de droit écrit ne pourra jamais atteindre dans sa réduction cartésienne. Il y a quinze ans dans ce blogue, nous méditions sur la comparaison de nos textes fondateurs sous le titre de Suprématie de la coutuime. En voici la conclusion, après les cornemuses de circonstances, sans chichis et bon enfant :



C'était lundi passé (5 nov. 2007) le discours du Trône de S.M. Elisabeth II. Sa prestation devant les chambres réunies ne signifie pas autre chose que sa prééminence comme chef permanent de l'Exécutif, et la lecture d'un texte soigneusement préparé par le Premier ministre, la reconnaissance par le souverain de la volonté populaire exprimée par le suffrage universel. C'est une souveraineté croisée. A noter qu'outre-manche le futur premier ministre va au combat électoral comme chef de parti et qu'il n'y a pas de surprise ; le peuple désigne exactement le locataire du 10 Downing Street. Mais le chef de l'Exécutif, au nom de qui sont publiées les lois après "Royal Assent", est aussi commandant en chef des forces armées, et gouverneur suprême de l'Eglise d'Angleterre qui n'est pas séparée de l'Etat (nota : l'islam ne sera jamais à parité chez eux). Son rôle est strictement d'influence, laquelle tient toute dans la personnalité du souverain en charge au moment.
Reine Elisabeth II
Au plan international cette influence est grande surtout à travers le système de dominions dans le Commonwealth. Et l'on sait bien que le prestige de la durée est insurpassable pour un monarque de caractère. Surtout si la comparaison vient de chez nous ... Peut-être ce face-à-face permanent entre le monarque et la nation n'est-il pas adaptable en France ? L'orgueil citoyen a trop longtemps était mis en culture ici qu'on puisse aujourd'hui le réduire. La nation n'est en face que d'elle-même et il n'y a personne pour lui répondre, sauf une laitière en plâtre dans la salle des mariages de la mairie ! Le face-à-face anglais a franchi les siècles et reconnaissons que leur monarchie a su évoluer sans autre accroc que la révolte de Cromwell (1649) qui régna dix ans sur des principes despotiques proches de nos empires, cent cinquante ans avant nous. Ils eurent le temps de se vacciner contre les miracles alors que nous continuons à courir toujours comme des canards sans tête derrière l'homme providentiel. Le plus surprenant reste quand même la pérennisation du régime féodal foncier à travers cette monarchie constitutionnelle, et dans un autre domaine, l'inventivité économique d'un pays traditionnel à coeur mais résolument moderne dans ses orientations sociales. Comme quoi, ils sont assez doués les Rosbifs. Entre-temps nous avons expliqué au monde la marche à suivre. Après avoir "inventé" les Lumières, nous avons essayé deux empires, deux moutures de monarchie, cinq républiques, et nous ne rions même pas d'aborder aujourd'hui aux rivages de la sixième, tout en continuant à expliquer au monde la marche à suivre ! En fait la Pratique, nous n'y connaissons rien ! Nous sommes des rédacteurs impénitents, cramponnés à notre Torah déroulée par les clercs : une nation de boutiquiers gouvernée par des notaires.
Et si nous essayions la monarchie constitutionnelle au lieu d'une 6ème République ? Avec une charte de seulement 2 pages (écrit gros), sans préambule triomphant ni codicille castrateur.


coquelicot

Que Dieu garde la Reine !

4 commentaires:

  1. C'est Charles X qui a torpillé l'idée d'une monarchie constitutionnelle chez nous. Vae victis...

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    1. Contrairement à son frère Provence, Artois dédaignait la politique qu'il remettait entre les mains de son ministre.
      Comme Louis XVI au début, Charles X fut le mauvais choix du moment, à un moment crucial de la restauration où la couronne pouvait reprendre la main à la haute bourgeoisie brumairienne en prenant le parti des ouvriers et des paysans et en les défendant contre le capitalisme sauvage protégé par les ducs. Pour cela il fallait "faire de la politique". C'est preuve que la dynastie était épuisée, sans imagination, survivant sur des schémas sociaux obsolètes.
      Chambord achèvera de le prouver.

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  2. ok un roi a l anglaise et quid du premier ministre si c est MELANCHON on accepte
    sa politique?

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    1. Après deux empires et cinq républiques, les Français n'accepteront jamais une potiche - même si la reine d'Angletarre est plus influente qu'on ne le pense. Un monarque restauré en France doit gouverner le domaine régalien, mais son autorité doit s'y limiter absolument.
      Le domaine public est à laisser aux jeux électoraux quoiqu'il advienne, sinon le "deal" est annulé. En ce cas M. Mélenchon y aurait ses chances mais pas plus qu'aujourd'hui et il serait confiné aux domaines de la compétence du parlement, ce qui exclurait la Justice haute, la défense, la diplomatie, la sûreté intérieure et le Trésor public. Il y a suffisamment à faire avec tout le reste : santé, éducation, transports, énergie, justice basse, protection civile etc etc.
      Voir cette question par ici.

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