Roman de gare estival - chapitre 2
Il arrive que le blogue du Piéton du roi profite de l'été pour publier une séquence musicale de divertissement, célébrant la mer, le sexe et le soleil. Cette année, nous avons débarqué la semaine dernière deux copains au camping de la Tamarissière (Agde), et vous prendrez quelques jours avec eux. Sans obligation, bien sûr.
Vous rentriez seuls tous les deux d'une boîte rive gauche, enfin une boîte en bambou, quand le vent s'est levé, tirant sur les piquets ; et c'est rare la nuit. Il avait changé de direction comme une pétasse éconduite vous annonçant du gros temps. Et si vous ne saviez pas où la mer monte de quatre mètres en trois coups de vagues, c'est bien à l'embouchure de l'Hérault. Le bouchon d'étoupe surgit aussitôt sur la mer écumante cachant les deux phares de la jetée du grau et très vite tous les luns de l'allée du camping disparurent ou sautèrent. Alf ton pote attendait les ordres. Il est du Nord, du grand Nord, de Zutkerque t'imagines, près de Calais... les noirs descendent de nuit dans la mer noire, t'imagines le rébus en verlan ? Il ne savait pas que le vent du Midi arracherait les piquets plantés profond certes mais dans le sable. Le premier sauta qui entraîna un second. Au maillet de bronze - ça rentre dans la Traction - vous renfonciez le premier au ras du sol, même en dessous, et vous approchiez du second quand un bras vous dépassa à droite et de longs cheveux fouettèrent votre visage quand on saisit le piquet tombé pour le mettre à frapper. Vous enfonciez ras-la-planche et vous vous retourniez : "le temps d'un éclair j'ai compris qu'elle était Allemande". Sa soeur se tenait derrière à surveiller les autres. J'en profitai pour aplatir toute la série. Ben... elles avaient monté leur guitoune à côté ce soir et enchaîné leurs vélos au pin. Vous étiez voisins... et c'est vous qui aviez la tire. Le cauchemar ne tarda pas, allongé sur le lit Picot : comment monter deux vélos sur la malle plate de la Traction ? Demain serait un autre jour. La pluie se déchaîna.
Ça tombe bien, ça vient de sortir, c'est Suédois et dans l'OTAN :
- Alf, tu dors ?
- Mmmm...
- Tu crois que la Onze pourrait remonter en Allemagne ?
- Parce qu'il faut remonter au fond de la Rhur peut-être pour se les faire alors qu'elles ont fait tout ce chemin pour se faire sauter ici ?
- Non, mais on peut "établir une relation". J'avais levé une campeuse de Düsseldorf au camping ouvert des Saintes Maries de la Mer il y a dix ans. Ils auraient dû mettre l'enseigne du Lotus Bleu. Les yeux verts. Je l'ai remontée à Düsseldorf.
- Et pourquoi t'es là ?
- Elle s'est barrée,...
avec une copine !
- Tu t'en vantes pas ?
- Non, bonne nuit !
Cela faisait une semaine que vous étiez encalminés à la Tamarissière avec une pile de boîtes de conserves vides qu'il faudrait se résoudre à porter au recyclage, et sauf deux passes ancillaires dans les dunes, vous aviez fait beaucoup de périssoire mais pas de kite-surf. Pourtant c'était un spot réputé pour le kite-surf. Finalement la zone était très familiale et pour entrer dans le vif des sujets il aurait fallu aller au camp du Grau, sauf que... il était nudiste. Médéric (Med) se demandait si le plan était si bon que ça quand on appela du seuil de la tente. Les Teutonnes apportaient des croissants. Alf se mit au café. Il avait changé la cartouche hier. Elles sentaient bon, l'algue et la dune à la fois. Germaines en tout comme sur un chromo, visiblement un peu plus âgées que la nuit passée. La conversation démarra lentement comme à chaque fois. Elles entravaient le français de bar. Alf comprenait l'allemand, Médéric moins, mais c'est lui qui parlait le plus. Au bout d'une demi-heure vous vous rendites compte que vous n'aviez pas parlé de vacances, d'un programme de visite, ni de soirée furieuse à venir, non ! du temps, uniquement du déréglement climatique et fatalement des risques de tsunami ! A la Tamarissière ? Alf se frappa le front. Mais c'est bien sûr, elles sont vertes ! Ça sera pas coton de conclure avec des militantes, même fumables tout à fait. D'accord, elles n'étaient pas des remèdes à l'amour comme les coupe-burnes françaises mais attention quand même. En plus, elles risquaient tout à fait d'être nudistes pour peu qu'elles viennent du nord du pays. Les nudistes sont désinhibées au point d'en perdre toute libido ! Med pensait la même chose et secouait la tête lentement, perplexe mais souriant intérieurement de la complexité nouvelle. Vous décidâtes de faire la plage ce matin pour parfaire le bronzage d'importation, on déjeunerait léger à la paillotte de Daniel, puis on roulerait vers Sète manger des glaces sur le canal et se faire une toile éventuellement, sinon on irait leur montrer la tombe de Brassens. O.K ? O.K ! Il préparait déjà les cassettes pour la Supplique en chemin (clic). Ah oui ! Elles s'appelaient Marie et Alexia.
On fit comme on avait dit jusqu'au cimetière, en passant par le carré allemand, quatre-vingt croix quand même, puis on partagea deux soles meunières sur le port à la tombée du soir, avec une mauvaise bouteille de rosé des sables, un Listel gris de gris, qu'elle trouvèrent "zupère" ! Elles s'étaient coiffées de la même façon, cheveux raides foncés blond à l'épaule, mais ce qui les distinguait des autres filles en terrasse c'était leurs yeux. Comment dire ? Miel. C'est ça, elles avaient l'une et l'autre les yeux miel, Alexia plus foncés, en amande comme les avait formés quelque ancêtre slave importé par Frédéric de Prusse pour travailler aux mines. Sans avoir des mensurations d'alcôves, elles étaient plutôt rebondies, pas trop grandes et en bonne santé, le vélo sans doute. C'est la conversation... qui pêchait. Après la haveuse à lignite, "grande comme l'immeuble que tu vois là", on entra dans une curieuse histoire de houilles qu'elles classaient par grade selon les nuisances émises à la combustion. Alf tenait à montrer qu'il était natif des mines lui-aussi et vous partîtes dans un débat corne-cul sur la valorisation des crassiers, tandis qu'elle parlaient entre elles pour tenir la dragée haute aux pollueurs, ayant cru comprendre que vous n'étiez pas si pressés de couvrir l'espace de moulins à vent - impossible de leur faire prononcer "éoliennes" - ni de fermes solaires sur nos causses arides. Pas de vaches ? pas de forêts ? c'est aride ! Med se garda bien d'ouvrir le chapitre nucléaire ; elles risquaient de rentrer en stop.
La route du lido dans la vieille décapotable fut un enchantement - le soir le moteur refroidit mieux - avec bien des appels de phares de sympathie avant que la nuit n'ait épaissi. En prenant l'entrée du camping, on entendit les flons flons de la soirée au Grau d'Agde, mais la journée avait été assez remplie pour n'avoir pas à passer encore le fleuve. Alf prit quatre mousses au fond de la glacière qui avait fondu et, chacun sa rabane sous le bras, vous partîtes vers la plage voir les étoiles que l'orage de la veille avait lavées. Etonnants silences. Les anges passèrent, puis la suite de la soirée fut conforme aux canons de la théorie de l'évolution et les lares paillards de la Tamarissière se resservirent une tournée.
(la suite au prochain numéro)
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