Dans deux jours c'est la fête nationale en Ukraine. Défileront à Kyiv les carcasses rouillés de l'arme blindée du petit csar pour se réjouir que la guerre des six jours finisse son sixième mois ! Pas plus qu'il n'a réussi son examen de sortie du KGB en 1985, Vladimir Poutine a échoué au brevet d'état-major en 2022 ! Mais il reste une valeur sûre pour ses admirateurs au plus profond de l'adversité.
Malgré les dénégations de Poutine, la campagne médiatique et offensive comme les outrances de Medvedev à raser tout ce qui n'est pas russe jusqu'à Berlin, instillent dans les opinions russe et européennes la promesse d'une guerre à venir, une guerre préventive pour Moscou ! Ci et là nous entendons parler des "attaques" de l'OTAN et réciter la fable de la trahison des Etats-Unis à l'endroit de l'Union soviétique à qui les Américains auraient promis de ne pas déplacer les frontières de l'Alliance plus à l'est que la ligne Oder-Neisse (C'est la frontière de l'Allemagne de l'Est et de la Pologne dessinée par Staline). Cette assertion participe de la propagande infernale du trio Poutine-Medvedev-Lavrov dont aucun n'assista aux discussions interalliées de 1990. Par contre nous avons la chance d'avoir encore parmi nous des acteurs soviétiques de premier plan qui vécurent ces moments-là, comme Mikhaïl Gorbatchev et Edouard Chevardnadze, lesquels démentent aujourd'hui que le sujet de l'élargissement de l'OTAN ait été abordé avec l'Ouest à cette époque. La prospective proprement militaire à la veille de la réunification allemande restait alors dans une posture réciproque des deux pactes en chiens de faïence s'observant pour savoir qui allait démonter son organisation le premier. Personne n'a jamais trouvé de "preuves" de cette promesse même si des choses ont pu se dire entre certains délégués de l'Est et de l'Ouest à la cafétéria ou au pissoir. On sait aussi que H.W. Bush (qui succéda à Ronald Reagan, le vainqueur de la guerre froide) refusait d'accepter dans l'Alliance des pays comme la Pologne ou la Tchécoslovaquie chez qui il prévoyait un coulage de crédits américains pour réhabiliter des armées bonnes à ferrailler, et que Bill Clinton qui lui succéda ne voulait, lui non plus, s'embarrasser des casses soviétiques. Il a fallu au pays de l'Est nouvellement libérés, une insistance de tous les instants auprès du Département d'Etat de Washington et auprès du Secrétariat général de l'Alliance à Bruxelles pour que s'ouvre cette possibilité. Mais on entend encore les agents d'influence du Kremlin sinon des experts désinformés, soutenir ce "parjure" pour apporter une brique de justification au mur des lamentations russes et sauver la réputation du soldat Poutine, réputation gravement entachée par la destruction systématique des villes et villages d'Ukraine au seul bénéfice de la terreur inspirée. Et ces putains de nazis ne paniquent même pas !
Un dénommé Dugenêt, Jean Dugenêt, dont le blog est hébergé chez Mediapart a fait un sort à ces sornettes. Il faut le lire ici (si le lien est rompu par Mediapart, me demander le texte que j'ai sauvegardé chez moi). Comme nous l'avons souvent dit, ce n'est pas l'OTAN qui a avancé mais les nations libérées qui s'y sont jetées, avant même d'ouvrir des négociations avec la Communauté européenne. Elles savaient d'expérience que la défaite soviétique ne changeait pas le fonds hégémonique impérial de la Russie et que l'ours aujourd'hui blessé, leur existence serait mise à nouveau en danger, une fois guéri. On sait aujourd'hui que tous les prétextes sont bons à Moscou, même les plus grossiers, pour dominer ses voisins. Les pays les plus menacés après l'Ukraine sont les trois pays baltes qui contiennent de fortes minorités de pieds-noirs russes, motivant tout secours existentiel, et la Géorgie. C'est pourquoi il faut vider l'abcès une bonne fois avec l'équipe mafieuse du Kremlin et stopper l'invasion de l'Ukraine, quoiqu'il en coûte aujourd'hui et bien moins que demain. Ceci implique de s'ingérer dans la protection des populations civiles que Poutine massacre d'allégresse. Nous savons faire des dômes de fer. Faisons-les ! Ce n'est pas de la cobelligérance.
Le Piéton n'a pas les compétences nécessaires à un pronostic militaire dans cette guerre d'artillerie, mais j'ai noté que la mise en insécurité de la presqu'île de Crimée par les Ukrainiens était une riche idée. La Riviera russe sous les suies des dépôts d'hydrocarbures en feu, c'est une carte postale qui va circuler et alimenter les conversations à la veillée des datchas. Trente-six mille voitures russes ont quitté la Crimée après l'assaut non attribué sur Saki. En cassant tous les ponts, couper de sa logistique le saillant russe avancé sur la rive droite du Dniepr et menacer la sécurité de son éventuelle retraite n'est pas mal non plus. Si jamais Kherson tombe, c'est la honte, et de grands limogeages sont à prévoir à l'état-major russe. Et si quelqu'un perce le tablier du pont de Kertch, il y aura du novitchok en spray à la caisse à sable. Dans cette attente, une DCA moderne va rehausser la protection de l'ouvrage emblématique de la conquête de 2014, même si pareil système n'a pas privé le quartier général de l'amirauté à Sébastopol de se prendre un drone sur le toit.
Que les choses soient claires en stratégie comparée. Les présidents américains ne risquent pas le procès en canonisation pour la gestion de l'Urss qu'ils ont abattue, et ils ont, comme nous-mêmes, mésestimé entre bien d'autres choses le tropisme ukrainien bien vivant à Moscou au moment de la révolution orange de 2004. L'auraient-ils compris qu'il eussent mieux fait de forcer ensuite les accords de Minsk de 2015 afin de suturer la plaie purulente du Donbass, même si la signature de Poutine n'a de valeur que jusqu'à minuit. Si le pouvoir ukrainien a multiplié les arguties pour se cabrer contre la mise en application des accords, ce sont les Européens et d'abord la France et l'Allemagne au format Normandie* qui n'ont pas été à la hauteur. Il fallait user du chantage aux crédits d'investissements pour fédéraliser l'Ukraine. Le rôle de Merkel est trouble. Elle était la mieux placée pour détecter le prétexte que cherchait Poutine, elle parle russe, sait comment fonctionne le pouvoir soviétique, assez pour en reconnaître l'avatar. Et elle lui achetait tout son gaz. Mais ne voulant pas insulter l'avenir énergétique négocié avec les Verts, elle fit les gros yeux et pas plus. De notre côté, il faut reconnaître que les présidents de rencontre, que nous subissons depuis bientôt trente ans, n'avaient aucun une idée claire de la meilleure stratégie, se contentant de rapporter au pupitre ce qu'ils avaient entendu en conférence de chefs d'Etat. Hollande est l'archétype du président liquide, certes de bonne volonté, mais très insuffisant. Son successeur est un acteur, un peu comme Zélensky mais sans aucune conviction stratégique en propre, qui jouit au micro de l'imbroglio dans lequel il erre. Son crédo est la mutualisation européenne et c'est loin de suffire, à voir le peu de considération qu'il suscite inter pares.
Si la guerre d'Ukraine a été déclenchée par Poutine, on s'accorde à penser que l'Europe occidentale n'a pas été au niveau de l'enjeu par ses hésitations, les faux signaux (Nordstream II) et par dessus tout à mon avis, par la prise de commandement de la Commission européenne par la complaisante Allemagne qui n'avait qu'un agenda de prospérité dans la rigueur et de soft power complètement dépassé. Ses comptes budgétaires exemplaires traduisaient son désarmement militaire. Pas sûr que le cabinet Scholz de la coalition tricolore améliore le projet. Ils sont mous dans tous les compartiments du jeu et restent le jouet de leurs industriels, à commencer par la coopération européenne dans l'armement. Sans se fâcher avec l'Allemagne nous devrions reporter notre intérêt sur nos sœurs latines avec lesquelles nous partageons le théâtre de tous les prochains défis, la Méditerranée occidentale. Cette fois Merkel ne mettra pas le pied dans la porte pour favoriser son client traditionnel, la Turquie (5000 entreprises allemandes y travaillent). Pas sûr que notre foutriquet national l'ait compris, qui poursuit un destin qu'on lui assure mondial, en remplaçant le téléphone de Poutine par celui de Mohdi. L'autre est en Inde, vous imaginez ? On me dit dans l'oreillette qu'il a rappelé Poutine pour qu'il évacue ses canons de la centrale atomique. L'Elysée communique d'abondance sur l'entretien téléphonique duquel le Kremlin ne dit rien ni que dalle ! Ça va le faire, c'est sûr !
Si on croise les évolutions de part et d'autre, on comprend que le Pentagone a décidé de saigner à blanc la Russie de Poutine en se servant des capacités de résistance de Kiev. La Russie consomme une quantité importante d'armes et de munitions pour une guerre statique qui se pétrifie. Même si elle déstocke les dotations de l'ère soviétique en premier, elle emploie aussi mais à peu d'effet des armes très coûteuses comme des missiles de dernière génération chers et précieux. On ne voit pas non plus les chars Armata de la-mort-qui-tue (en silhouette ci-dessus) ou les derniers Sukhoï SU-57. Une énième rallonge, de 775 millions de dollars cette fois, est annoncée à Washington pour l'armement des unités combattantes. Par le détail des fournitures publié à dessein, on comprend que le Pentagone est de plain-pied avec l'état-major ukrainien puisqu'il anticipe la manœuvre. Par exemple, ils vont fournir dans la dernière tranche quarante véhicules MaxxPro de déminage, et des missile anti-radars AGM-88 HARM, signalant une contre-offensive américaine en préparation. L'artillerie de précision afflue qui permet de frapper dans la profondeur les QG, les aérodromes et les stocks de carburant et de munitions. Les coups de main des forces spéciales aboutissent toujours dans la zone occupée voire en Russie même. Il n'y a pas de sabotages par les spetsnaz en Ukraine qui sont rapidement capturés. Les Américains sont à l'évidence de plus en plus impliqués, ce qui ne fait pas les affaires de Poutine qui partait sur une opération spéciale la fleur au fusil avec une chaîne de commandement de bric et de broc. Si la contre-offensive tarde du côté ukrainien, c'est aussi que de gros contingents de spécialistes sont à l'instruction dans des pays de l'ouest. On parle de dix mille ukrainiens en stages au Royaume Uni.
Malgré le pilonnage aveugle de l'artillerie russe, "justifié" par l'immobilisation des forces adverses, le front n'avance plus. Le grignotage cesse, faute peut-être de ressources humaines (c'est ce qu'on dit partout mais bon !) et plus sûrement d'enthousiasme. On imagine sans peine les questions que se posent les soldats au sol du côté russe. Ils font quoi de mal les nazis commandés par un Juif ? Pourquoi les citadins opprimés ne nous ont pas accueillis avec le pain et le sel en libérateurs ? Les soldats ukrainiens du régiment Azov défendent la terre ukrainienne et alors ? A quoi sert-il de bombarder des quartiers d'habitation à Kharkiv ? Au fait, jamais personne n'a bombardé la centrale atomique de Zaporijia, on n'y voit pas non plus de canons, les relevés satellites canadiens espacés d'un mois n'y montrent pas le moindre trou. Par contre les ancillaires hors-périmètre sensible dérouillent pour déployer au plus large un chantage à la terreur nucléaire. A défaut de pouvoir incendier la centrale qui risquerait d'irradier les nouvelles républiques séparées voire les oblasts russes selon le vent, Poutine déplace son chantage à nul effet en Prusse orientale en surdotant ses moyens offensifs à Kaliningrad. On cherche à comprendre le coup d'après. La Mer baltique devient un "lac atlantique" par l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN. Ce mec est un génie. Va-t-il poser un ultimatum neutralisant ses voisins en les menaçant de lâcher ses missiles hypervéloces ? Au premier coup de semonce sur une gare de triage polonaise par exemple, au "motif légitime" du transit d'armes occidentales, il perd le pont de Crimée. On peut aussi prévenir Minsk que tout coup parti de Biélorussie sera réputé tiré par l'armée de Loukachenko et le coup rendu. On peut aussi installer un protocole de passage des détroits danois pour le contrôle des cargaisons en recherche d'articles prohibés. On peut descendre les brise-glaces du golfe de Botnie pour couper la ligne de navigation de Saint-Pétersbourg à Kaliningrad. On peut engorger l'Øresund de navires de commerce à l'approche de bateaux de guerre russes. Il fait moins de quatre mille mètres au débouché avec des tirants d'eau à dix mètres sur les bords. Le passage sous le mégapont est étroit, obligeant les capitaines à passer au-dessus du tunnel de Drogden par mauvais temps, donc au ras de la côte danoise et de ses batteries. Les autres passages sont aussi compliqués, insécures, tortueux et plus longs. Il y a mille façons d'emmerder Poutine en dehors du régime de sanctions. Pourquoi s'en priver, il nous fait une guerre qu'il n'ose pas nous déclarer de peur de la perdre, mais il l'a déjà perdue. Même le joyau de Sébastopol est remis en question. Ses armées sont embourbées pour longtemps et désormais s'usent sur place à se défendre. Ses généraux le sentent-ils ? C'est sa seule crainte. Va-t-il y aller quand même pour atteindre au tragique qui marquera sa page d'histoire ? Il est cornérisé et d'autant plus dangereux.
Malgré les dénégations de Poutine, la campagne médiatique et offensive comme les outrances de Medvedev à raser tout ce qui n'est pas russe jusqu'à Berlin, instillent dans les opinions russe et européennes la promesse d'une guerre à venir, une guerre préventive pour Moscou ! Ci et là nous entendons parler des "attaques" de l'OTAN et réciter la fable de la trahison des Etats-Unis à l'endroit de l'Union soviétique à qui les Américains auraient promis de ne pas déplacer les frontières de l'Alliance plus à l'est que la ligne Oder-Neisse (C'est la frontière de l'Allemagne de l'Est et de la Pologne dessinée par Staline). Cette assertion participe de la propagande infernale du trio Poutine-Medvedev-Lavrov dont aucun n'assista aux discussions interalliées de 1990. Par contre nous avons la chance d'avoir encore parmi nous des acteurs soviétiques de premier plan qui vécurent ces moments-là, comme Mikhaïl Gorbatchev et Edouard Chevardnadze, lesquels démentent aujourd'hui que le sujet de l'élargissement de l'OTAN ait été abordé avec l'Ouest à cette époque. La prospective proprement militaire à la veille de la réunification allemande restait alors dans une posture réciproque des deux pactes en chiens de faïence s'observant pour savoir qui allait démonter son organisation le premier. Personne n'a jamais trouvé de "preuves" de cette promesse même si des choses ont pu se dire entre certains délégués de l'Est et de l'Ouest à la cafétéria ou au pissoir. On sait aussi que H.W. Bush (qui succéda à Ronald Reagan, le vainqueur de la guerre froide) refusait d'accepter dans l'Alliance des pays comme la Pologne ou la Tchécoslovaquie chez qui il prévoyait un coulage de crédits américains pour réhabiliter des armées bonnes à ferrailler, et que Bill Clinton qui lui succéda ne voulait, lui non plus, s'embarrasser des casses soviétiques. Il a fallu au pays de l'Est nouvellement libérés, une insistance de tous les instants auprès du Département d'Etat de Washington et auprès du Secrétariat général de l'Alliance à Bruxelles pour que s'ouvre cette possibilité. Mais on entend encore les agents d'influence du Kremlin sinon des experts désinformés, soutenir ce "parjure" pour apporter une brique de justification au mur des lamentations russes et sauver la réputation du soldat Poutine, réputation gravement entachée par la destruction systématique des villes et villages d'Ukraine au seul bénéfice de la terreur inspirée. Et ces putains de nazis ne paniquent même pas !
Un dénommé Dugenêt, Jean Dugenêt, dont le blog est hébergé chez Mediapart a fait un sort à ces sornettes. Il faut le lire ici (si le lien est rompu par Mediapart, me demander le texte que j'ai sauvegardé chez moi). Comme nous l'avons souvent dit, ce n'est pas l'OTAN qui a avancé mais les nations libérées qui s'y sont jetées, avant même d'ouvrir des négociations avec la Communauté européenne. Elles savaient d'expérience que la défaite soviétique ne changeait pas le fonds hégémonique impérial de la Russie et que l'ours aujourd'hui blessé, leur existence serait mise à nouveau en danger, une fois guéri. On sait aujourd'hui que tous les prétextes sont bons à Moscou, même les plus grossiers, pour dominer ses voisins. Les pays les plus menacés après l'Ukraine sont les trois pays baltes qui contiennent de fortes minorités de pieds-noirs russes, motivant tout secours existentiel, et la Géorgie. C'est pourquoi il faut vider l'abcès une bonne fois avec l'équipe mafieuse du Kremlin et stopper l'invasion de l'Ukraine, quoiqu'il en coûte aujourd'hui et bien moins que demain. Ceci implique de s'ingérer dans la protection des populations civiles que Poutine massacre d'allégresse. Nous savons faire des dômes de fer. Faisons-les ! Ce n'est pas de la cobelligérance.
Avec l'adhésion de la Suède et de la Finlande, le confinement occidental de l'empire russe est achevé. |
Le Piéton n'a pas les compétences nécessaires à un pronostic militaire dans cette guerre d'artillerie, mais j'ai noté que la mise en insécurité de la presqu'île de Crimée par les Ukrainiens était une riche idée. La Riviera russe sous les suies des dépôts d'hydrocarbures en feu, c'est une carte postale qui va circuler et alimenter les conversations à la veillée des datchas. Trente-six mille voitures russes ont quitté la Crimée après l'assaut non attribué sur Saki. En cassant tous les ponts, couper de sa logistique le saillant russe avancé sur la rive droite du Dniepr et menacer la sécurité de son éventuelle retraite n'est pas mal non plus. Si jamais Kherson tombe, c'est la honte, et de grands limogeages sont à prévoir à l'état-major russe. Et si quelqu'un perce le tablier du pont de Kertch, il y aura du novitchok en spray à la caisse à sable. Dans cette attente, une DCA moderne va rehausser la protection de l'ouvrage emblématique de la conquête de 2014, même si pareil système n'a pas privé le quartier général de l'amirauté à Sébastopol de se prendre un drone sur le toit.
Que les choses soient claires en stratégie comparée. Les présidents américains ne risquent pas le procès en canonisation pour la gestion de l'Urss qu'ils ont abattue, et ils ont, comme nous-mêmes, mésestimé entre bien d'autres choses le tropisme ukrainien bien vivant à Moscou au moment de la révolution orange de 2004. L'auraient-ils compris qu'il eussent mieux fait de forcer ensuite les accords de Minsk de 2015 afin de suturer la plaie purulente du Donbass, même si la signature de Poutine n'a de valeur que jusqu'à minuit. Si le pouvoir ukrainien a multiplié les arguties pour se cabrer contre la mise en application des accords, ce sont les Européens et d'abord la France et l'Allemagne au format Normandie* qui n'ont pas été à la hauteur. Il fallait user du chantage aux crédits d'investissements pour fédéraliser l'Ukraine. Le rôle de Merkel est trouble. Elle était la mieux placée pour détecter le prétexte que cherchait Poutine, elle parle russe, sait comment fonctionne le pouvoir soviétique, assez pour en reconnaître l'avatar. Et elle lui achetait tout son gaz. Mais ne voulant pas insulter l'avenir énergétique négocié avec les Verts, elle fit les gros yeux et pas plus. De notre côté, il faut reconnaître que les présidents de rencontre, que nous subissons depuis bientôt trente ans, n'avaient aucun une idée claire de la meilleure stratégie, se contentant de rapporter au pupitre ce qu'ils avaient entendu en conférence de chefs d'Etat. Hollande est l'archétype du président liquide, certes de bonne volonté, mais très insuffisant. Son successeur est un acteur, un peu comme Zélensky mais sans aucune conviction stratégique en propre, qui jouit au micro de l'imbroglio dans lequel il erre. Son crédo est la mutualisation européenne et c'est loin de suffire, à voir le peu de considération qu'il suscite inter pares.
Si la guerre d'Ukraine a été déclenchée par Poutine, on s'accorde à penser que l'Europe occidentale n'a pas été au niveau de l'enjeu par ses hésitations, les faux signaux (Nordstream II) et par dessus tout à mon avis, par la prise de commandement de la Commission européenne par la complaisante Allemagne qui n'avait qu'un agenda de prospérité dans la rigueur et de soft power complètement dépassé. Ses comptes budgétaires exemplaires traduisaient son désarmement militaire. Pas sûr que le cabinet Scholz de la coalition tricolore améliore le projet. Ils sont mous dans tous les compartiments du jeu et restent le jouet de leurs industriels, à commencer par la coopération européenne dans l'armement. Sans se fâcher avec l'Allemagne nous devrions reporter notre intérêt sur nos sœurs latines avec lesquelles nous partageons le théâtre de tous les prochains défis, la Méditerranée occidentale. Cette fois Merkel ne mettra pas le pied dans la porte pour favoriser son client traditionnel, la Turquie (5000 entreprises allemandes y travaillent). Pas sûr que notre foutriquet national l'ait compris, qui poursuit un destin qu'on lui assure mondial, en remplaçant le téléphone de Poutine par celui de Mohdi. L'autre est en Inde, vous imaginez ? On me dit dans l'oreillette qu'il a rappelé Poutine pour qu'il évacue ses canons de la centrale atomique. L'Elysée communique d'abondance sur l'entretien téléphonique duquel le Kremlin ne dit rien ni que dalle ! Ça va le faire, c'est sûr !
*Le format Normandie c'est l'Allemagne, la Biélorussie, la France, la Russie et l'Ukraine
Si on croise les évolutions de part et d'autre, on comprend que le Pentagone a décidé de saigner à blanc la Russie de Poutine en se servant des capacités de résistance de Kiev. La Russie consomme une quantité importante d'armes et de munitions pour une guerre statique qui se pétrifie. Même si elle déstocke les dotations de l'ère soviétique en premier, elle emploie aussi mais à peu d'effet des armes très coûteuses comme des missiles de dernière génération chers et précieux. On ne voit pas non plus les chars Armata de la-mort-qui-tue (en silhouette ci-dessus) ou les derniers Sukhoï SU-57. Une énième rallonge, de 775 millions de dollars cette fois, est annoncée à Washington pour l'armement des unités combattantes. Par le détail des fournitures publié à dessein, on comprend que le Pentagone est de plain-pied avec l'état-major ukrainien puisqu'il anticipe la manœuvre. Par exemple, ils vont fournir dans la dernière tranche quarante véhicules MaxxPro de déminage, et des missile anti-radars AGM-88 HARM, signalant une contre-offensive américaine en préparation. L'artillerie de précision afflue qui permet de frapper dans la profondeur les QG, les aérodromes et les stocks de carburant et de munitions. Les coups de main des forces spéciales aboutissent toujours dans la zone occupée voire en Russie même. Il n'y a pas de sabotages par les spetsnaz en Ukraine qui sont rapidement capturés. Les Américains sont à l'évidence de plus en plus impliqués, ce qui ne fait pas les affaires de Poutine qui partait sur une opération spéciale la fleur au fusil avec une chaîne de commandement de bric et de broc. Si la contre-offensive tarde du côté ukrainien, c'est aussi que de gros contingents de spécialistes sont à l'instruction dans des pays de l'ouest. On parle de dix mille ukrainiens en stages au Royaume Uni.
Malgré le pilonnage aveugle de l'artillerie russe, "justifié" par l'immobilisation des forces adverses, le front n'avance plus. Le grignotage cesse, faute peut-être de ressources humaines (c'est ce qu'on dit partout mais bon !) et plus sûrement d'enthousiasme. On imagine sans peine les questions que se posent les soldats au sol du côté russe. Ils font quoi de mal les nazis commandés par un Juif ? Pourquoi les citadins opprimés ne nous ont pas accueillis avec le pain et le sel en libérateurs ? Les soldats ukrainiens du régiment Azov défendent la terre ukrainienne et alors ? A quoi sert-il de bombarder des quartiers d'habitation à Kharkiv ? Au fait, jamais personne n'a bombardé la centrale atomique de Zaporijia, on n'y voit pas non plus de canons, les relevés satellites canadiens espacés d'un mois n'y montrent pas le moindre trou. Par contre les ancillaires hors-périmètre sensible dérouillent pour déployer au plus large un chantage à la terreur nucléaire. A défaut de pouvoir incendier la centrale qui risquerait d'irradier les nouvelles républiques séparées voire les oblasts russes selon le vent, Poutine déplace son chantage à nul effet en Prusse orientale en surdotant ses moyens offensifs à Kaliningrad. On cherche à comprendre le coup d'après. La Mer baltique devient un "lac atlantique" par l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN. Ce mec est un génie. Va-t-il poser un ultimatum neutralisant ses voisins en les menaçant de lâcher ses missiles hypervéloces ? Au premier coup de semonce sur une gare de triage polonaise par exemple, au "motif légitime" du transit d'armes occidentales, il perd le pont de Crimée. On peut aussi prévenir Minsk que tout coup parti de Biélorussie sera réputé tiré par l'armée de Loukachenko et le coup rendu. On peut aussi installer un protocole de passage des détroits danois pour le contrôle des cargaisons en recherche d'articles prohibés. On peut descendre les brise-glaces du golfe de Botnie pour couper la ligne de navigation de Saint-Pétersbourg à Kaliningrad. On peut engorger l'Øresund de navires de commerce à l'approche de bateaux de guerre russes. Il fait moins de quatre mille mètres au débouché avec des tirants d'eau à dix mètres sur les bords. Le passage sous le mégapont est étroit, obligeant les capitaines à passer au-dessus du tunnel de Drogden par mauvais temps, donc au ras de la côte danoise et de ses batteries. Les autres passages sont aussi compliqués, insécures, tortueux et plus longs. Il y a mille façons d'emmerder Poutine en dehors du régime de sanctions. Pourquoi s'en priver, il nous fait une guerre qu'il n'ose pas nous déclarer de peur de la perdre, mais il l'a déjà perdue. Même le joyau de Sébastopol est remis en question. Ses armées sont embourbées pour longtemps et désormais s'usent sur place à se défendre. Ses généraux le sentent-ils ? C'est sa seule crainte. Va-t-il y aller quand même pour atteindre au tragique qui marquera sa page d'histoire ? Il est cornérisé et d'autant plus dangereux.
(19/08/2022)
On fera son profit du récit de voyage de Timofey Neshitov parmi les communautés russes exilées sous Poutine et après l'invasion de l'Ukraine. Il décrit avec la précision d'un scalpel comment l'appareil soviétique, jamais coulé, a dressé en vingt ans cent quarante millions de chiens de Pavlov.
RépondreSupprimerC'est par ici dans le Spiegel, en anglais (sorry).