mardi 23 août 2022

Il suffit de passer le Pont

Roman de gare estival - chapitre 8
Bientôt libérés de pointage à Copenhague, Med, Alf et leurs amies attaquent la partie exotique du voyage vers le grand nord.

Øresundsbron
Le pont ? Il faut le voir en photo avant que d'y passer. Le mégapont de l'Øresund est le marqueur inoubliable du voyage en Scandinavie. Mille mètres suspendus au-dessus de l'eau et trois mille cinq cents mètres enfouis sous l'eau, ça vous la coupe ! Prouesse d'architecte certes, mais aussi un pied fabuleux pour les ingénieurs et le designer. On y va !

Le quadrille s'était confirmé à Copenhague et le lendemain de la rixe, Alf était passé au poste prendre des nouvelles des nationaux. Il apprit que les résultats revenus de l'hôpital étaient bons et donc qu'ils pourraient faire mouvement dès demain s'ils le souhaitaient, sans récidive bien sûr.
- Quand on a su que des Français se battaient en ville, on est venus vite, mais ce n'étaient pas les Français habituels, dit le capitaine du poste en souriant.
- Ils sont comment d'habitude, demanda Alf en rejoignant l'Amazon.
- Plus exposés au soleil ! Et ils ont des série 7 ou des classe S noires ! Bon choix l'Amazon, tout forgeron sait réparer ça et ça rend sympathique par ici.
- Il y a encore des forgerons au Danemark ?
- Oui, le dimanche pour faire des animations pour touristes. Vous montez où ?
- Kirkenès si Dieu veut !
- C'est loin, bonne route quand même ! Prenez une carte d'automobile club pour la Suède dans une station-service, comme le Riksförbundet M Sverige, ça aidera en cas d'imprévu, même pour deux roues crevées.
- Merci beaucoup. Salut Capitaine !

Et Alf rejoignit les autres à l'auberge de jeunesse pour annoncer les préparatifs. Il ne restait que 2400 kilomètres avant la mer de Barents, selon le Michelin.

C'était vrai, le passage du pont de l'Øresund valait à lui seul le voyage, et Alf avait trouvé de la documentation à l'Office de tourisme, ce qui leur avait permis de préparer le saut du détroit. Il traduisait la brochure anglaise à haute voix : depuis l'île danoise de Seeland jusqu'en Scanie suédoise : 7850 mètres de long avec les précurseurs à niveau et souterrain. L'infrastructure totale avec les voies d'approches routières et ferroviaires faisait seize kilomètres. L'architecte s'appellait Georg Rotne, il est suédois et son nom est entré dans l'histoire des travaux publics comme Gustave Eiffel. D'accord, répliquait Med, nous avons quand même le majestueux pont de Normandie et le viaduc anglais de Millau tout d'élégance ! Et Liliane de couper l'effet en précisant que le mégapont Hong Kong-Macao ne faisait que cinquante kilomètres au dessus de la Rivière des Perles. Et à Macao il y a des casinos, mdr !
- Oui, ce n'est pas Chaudes-Aigues, on savait déjà, répliqua Alf, qui leur avait narré leur passage dans la seule ville au monde à n'avoir pas inventé l'eau chaude.
Le quadrige s'était formé naturellement, Med et Martha, Alf et Liliane, mais Med semblait plus accroché car sa cavalière avait des arguments peu courants, au Plessis-Robinson s'entend ! Un profil de statue grecque, le nez dans le prolongement exact du front, de grands yeux curieux de tout, la gorge haute et petite, le reste dans les canons, et une conversation volubile mais créative. Liliane était brune aussi. Moins grande, elle faisait sans doute le même poids compensant la toise par des rondeurs bienvenues. Avec un visage d'ange moins expressif, elle était le type d'Alf. Mais lui avait un caractère de marin, sans attaches fortes, et s'il montrait chaque jour une galanterie de premier jour, il ne la badait pas comme Med badait Martha. A les regarder parler et s'affairer, on savait qu'elles ne venaient pas d'une souche lotharingienne, mais plus sûrement d'Italie méridionale. C'est du moins ce que pensait Alf.

Ensemble vous décidâtes de zapper Stockholm que vous feriez au retour selon le temps imparti. Depuis Malmö vous remontâtes par la rive orientale du détroit vers Helsingborg où s'embranche la route qui monte au lac de Vättern. Des gîtes y étaient facilement accessibles où vous passâtes deux nuits, puis rejoignîtes la route de la côte du golfe de Botnie qui montait en Finlande en faisant étape à Söderhamn, terminus de la nationale 50, où vous aviez réservé un AirBnB dans une maison en bois par l'entremise d'une connaissance de Paris. Deux jours furent dédiés à la pêche, et ce fut barbecue-poisson midi et soir. Les deux couples commençait à fusionner de leur côté chacun et ce qui n'était au départ qu'une idylle de voyage, pour l'agrément de la compagnie et la gaîté des soirées, montrait chaque jour les prémices d'un compagnonnage, si on pouvait le dire ainsi. Med et Martha avaient des conversaztions soutenues sur des plans de maison et Liliane, qui avait un bon coup de crayon, dessinait des profils de maisons écologiques. Alf en revanche prenait du temps pour l'entretien de la voiture. Le défi n'était-il pas de l'amener jusqu'à Kirkenès, et de la redescendre. L'Amazon allait quand même sur ses soixante ans ! Son copain Romain-Jean de Calais lui avait fait un plan d'entretien en distance et temps. Il s'apppliquait à le suivre si ça ne dérangeait pas le programme. Pour le moment, les fluides eau et huile avaient gardé leur couleur neuve et le circuit de freinage avait été passé à la Penrite silicone, donc sans entretien. Il convenait quand même de vérifier tous les niveaux le matin à froid ; une simple routine. A Kirkenès il chercherait un pont de garage pour graisser les trains roulants et huiler le châssis avant de redescendre. Pour le moment il huilait les charnières de porte, le verrou de capot-moteur et de malle et repoussait chaque matin le graissage des axes de pédalier difficile à atteindre. Il avait aussi une boîte d'ampoules de phare car en Suède on roulait tout le temps en feux de jour et ça bouffait les bulbes. Quelle connerie par beau temps !

Sundsvall

Justement, la latitude se rappela à eux le matin du départ vers Sundsvall. Un brouillard tenace qu'ils croyaient venir de la mer, enveloppait tout et à la station-service la caissière leur avait recommandé de différer leur voyage tant que le bouchon d'étoupe ne serait pas dissous par le vent, car en fait, c'est la forêt qui poussait des nuages au ras du sol sous le vent d'ouest. Ils se le tinrent pour dit et partirent faire un brunch dans une cafétéria en face du poste à essence en attendant l'embellie. Le temps était vraiment moche et le soleil, bien blanc comme plein d'eau, ne parvint à percer que vers midi. Il fallait raccourcir d'autant l'étape du jour. Finalement au bout de deux heures de roulage ils atteignirent avant Sundsvall une sorte de motel au bord d'un lac qui louait des huttes. Sur la route, il ne passait plus un chat. La météo devait être sérieusement hostile, valait mieux attendre que les dieux du panthéon viking soient mieux disposés à leur égard. Il y avait déjà une famille hollandaise (d'après la plaque) et deux couples d'allemands, du moins à ce qu'on devinait des femmes blondes en short bronzées cirage. Oui, ils avaient aussi un van Volkswagen immatriculé "HH" à Hambourg. Le bureau du motel avait un espace "picnic" comme on pouvait le lire sur la plaque au-dessus de l'entrée du store et où on achetait, à prix raisonnable bien qu'un peu plus cher, le strict nécessaire pour survivre à une nuit et pas d'alcool. L'espèce humaine ayant cet avantage sur les expèces animales de sublimer ses pulsions, la nuit fut dédiée à l'amour, comme il se pratiquait chaque soir en ces lieux prisés de la bonne société venue de la ville proche changer les olives d'eau. Vers 9 heures le soleil rayonnait. Un café expédié avec des brioches un peu sèches et vous décidâtes de faire au moins quatre cents kilomètres pour rattraper un peu sur le programme initial, sachant toujours qu'il faudrait s'arrêter avant cinq heures pour trouver où coucher. On ferait les sandwiches au prochain bled. Et l'Amazon vrombit !

(la suite au prochain numéro)

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