La visite à Taïpei de Nancy Pelosi, speaker de la Chambre des Représentants de Washington (ndlr: Royal-Artillerie s'adresse aussi aux enfants grands), a agi comme révélateur des difficultés intérieures dans lesquelles se débat le pouvoir actuel chinois. Sa réaction carrément hystérique laisse comprendre que l'inconfort enduré n'est pas dans les seules questions stratégiques. Mme Pelosi ne s'est pas privée de le faire remarquer. L'économie est affaissée par l'intrusion de plus en plus profonde des commissaires politiques du parti communiste dans les entreprises, même moyennes, au moment où les enjeux industriels et commerciaux exigent une réactivité qui est maintenant sous contrôle (et pas par la strate la plus intelligente du parti). Ne parlons pas de la caporalisation des universités sous contrôle qui augure mal de l'avenir de la recherche en Chine. L'épargne des ménages, si importante dans la mentalité chinoise de prévoyance, est parfois investie dans des spéculations mal maîtrisées qui ont levé au Henan une forte contestation de petits clients, réprimée avec une violence disproportionnée par les nervis du parti. La promotion immobilière de masse qui a séquestré de gros acomptes de clients sur plan, est partout en péril (une source francophone). On parle en milliards de renminbis. L'emploi industriel stagne partout ou régresse, laissant à découvert une masse d'ouvriers mécontents, pas encore convertis aux coups d'accordéon du capitalisme sauvage, et qui peuvent précipiter en une révolte du type Boxers. Tout celà à trois mois du XXè Congrès du PCC où Xi Jinping doit s'affirmer ou disparaître (une autre source francophone mais payante).
On sait, malgré tous les efforts de la censure d'Etat, que le groupe informel des Shanghaïens est vent debout contre la politique d'arrogance internationale. On sait que le premier ministre Li Keqiang et le personnel politique attaché à lui sont contre le bridage de l'économie domestique au motif de contrôle resserré du développement dans la vieille tradition de dirigisme qui a échoué partout ailleurs. Mais deux points sont (à mon avis) plus dangereux pour l'avenir de Xi Jinping - complètement défoncé au culte de la personnalité - c'est la gestion catastrophique de la pandémie Zéro-Covid et l'échec de la politique étrangère basée sur la revanche des nations opprimées par l'Occident. Aucun pays étranger ne coopère de bon cœur avec la Chine populaire. Les relations sont de pur intérêt et le plus souvent par l'achat des décideurs (la liste est trop longue), ou par contrainte géopolitique.
Par exemple, parmi les pays de l'ASEAN, aucun pays (sauf le Cambodge survendu par Hun Sen) ne collabore volontairement. Même le Laos communiste doit lutter contre la sinisation du fleuve Mékong. La captation de la Mer de Chine méridionale interdit toute fraternité, des pouvoirs sûrement, mais des peuples encore moins. Les Chinois sont apparentés à des pirates. L'intrusion chinoise en Afrique à coup de milliards se heurte aux fondamentaux que nous connaissons bien. Si les intérêts des présidents divergent de ceux de la Chine, comme en Angola, tout le plan de conquête est ruiné en trois coups de queuillère à pot. En fait les établissements chinois en Afrique sont aussi fragiles que pompeux et ils constituent un futur butin pour les classes politiques montantes. Plus grave, pour le ministre des affaires étrangères, est la cagade du Pacifique. Fort d'accords plus ou moins extorqués aux dirigeants des îles Salomon, les loups guerriers de la diplomatie chinoise se sont mis en tête de passer des accords avec tous les autres Etats de l'Océan pacifique, et furent si sûrs d'eux qu'ils montèrent un gros raout aux îles Fidji pour officialiser leur entrée fracassante dans l'arrière-cour des alliés. Pas un Etat n'a signé dès lors qu'il fut clair que la Chine populaire deviendrait le meilleur partenaire dans la sûreté des atterrages et pour le contrôle social des populations. Ça n'a pas tardé puisque aux Salomon le gouvernement vient d'officialiser la censure préalable de la presse publique comme en Chine populaire. L'Australie qui a senti sur la joue le vent du boulet s'est sortie les doigts, comme les autres nations de la région. Une (re)fraternisation des nations éparses de l'Océan pacifique est en cours après qu'elles ont mesuré l'enjeu stratégique de l'espace maritime qu'elles représentent ensemble pour des méga-puissances de la taille de la Chine.
Reste les routes de la Soie. Le projet va de pair avec le China Dream qui n'est rien moins que le retour de la souveraineté chinoise sur toutes les marches de l'empire du Milieu. Aparté: le Turkestan oriental appelé Xinkiang n'en faisait pas partie, mais on se rattrappe avec les îles de la Mer de Chine et le Tibet en oubliant l'Amour (on l'a déjà dit). Le plus gros effort du projet One Belt One Road était de parvenir à livrer l'Union européenne en traversant toute l'Asie centrale en train. Des infrastructures considérables ont été financées dans ce but ainsi qu'un parc de matériel roulant impressionnant. L'inversion de flux provoquée par la guerre d'Ukraine contre laquelle Pékin n'a rien dit, s'ils ne l'ont pas involontairement encouragée en s'affichant solidaires de Poutine à la fin des Jeux d'hiver, entame gravement la rentabilité du projet. Pareil pour le passage du nord-est qui devait acheminer des vraquiers chinois et internationaux vers les ports européens de l'arc atlantique : la situation potentiellement conflictuelle de l'océan arctique rehausse les primes d'assurance à un niveau rendant l'alternative peu intéressante. Nul doute que des opposants à l'autocrate à demi-fou - qui a fait inscrire sa pensée dans la Constitution - susciteront des doutes quant à ses compétences au prochain congrès. On sait qu'en fils de prince, il n'a pas fait d'études.
Revenons sur l'affaire de Taïwan. Nous en avons parlé beaucoup ces dernières années (voir le libellé "taiwan"). Si la coterie de Tonton Xi en avait dans le pantalon, elle n'organiserait pas une parade navale tous canons dehors autour de l'île rebelle mais plus simplement, elle capturerait les îles nationalistes à portée de fusil de ses côtes. Il faut quand même qu'il y ait un sérieux doute de succès pour se priver d'une victoire aussi emblématique. Quelles sont-elles ces incongruités stratégiques ?
Quemoy (Kinmen), l'archipel de Matsu et Wuchiu Yu entre les deux, sont des possessions taiwanaises à quelques encâblures de la côte chinoise, qui datent de la fin de la guerre civile. Le problème est peut-être que l'écrasement ou l'incinération des habitants (car on ne voit pas l'Armée populaire de libération se lancer dans un combat au corps à corps) soulèverait un profond ressentiment contre Pékin chez les populations de la province maritime du Foukien qui sont les mêmes que les insulaires. Une carte vaut mieux qu'un long discours et les articles de la Wikipedia sont très bien faits. Relire pourquoi pas Le scandale de Quemoy. Pas besoin d'épiloguer, ça saute aux yeux !
Tout ce que vous vouliez savoir sur Quemoy sans jamais oser le demander c'est par ici ; sur les Matsu c'est par là, et pour les Wuchiu ici aussi.
Au final, Xi Jinping n'a pas grand chose de décisif à apporter au XXè Congrès du parti, sauf l'emprisonnement d'opposants au motif de prévarication, des armées augmentées et rénovées, des promesses de grandeur et un futur qui chante. Cela risque de ne pas suffire après dix ans de pouvoir impartagé et la ruine du plan "un pays, deux systèmes" par la répression de Hong Kong. D'où l'agitation désordonnée pour faire croire à une menace extérieure prégnante justifiant sa politique tous azimuts de desserrement des fers de l'oppression occidentale à laquelle il veut croire. Wang Yi, ministre des affaires étrangères, vient d'annuler sa rencontre avec son homologue japonais au prétexte d'un communiqué désobligeant du G7. La diplomatie chinoise patauge et s'énerve. L'hystérisation n'est peut-être qu'à ses débuts.
On sait, malgré tous les efforts de la censure d'Etat, que le groupe informel des Shanghaïens est vent debout contre la politique d'arrogance internationale. On sait que le premier ministre Li Keqiang et le personnel politique attaché à lui sont contre le bridage de l'économie domestique au motif de contrôle resserré du développement dans la vieille tradition de dirigisme qui a échoué partout ailleurs. Mais deux points sont (à mon avis) plus dangereux pour l'avenir de Xi Jinping - complètement défoncé au culte de la personnalité - c'est la gestion catastrophique de la pandémie Zéro-Covid et l'échec de la politique étrangère basée sur la revanche des nations opprimées par l'Occident. Aucun pays étranger ne coopère de bon cœur avec la Chine populaire. Les relations sont de pur intérêt et le plus souvent par l'achat des décideurs (la liste est trop longue), ou par contrainte géopolitique.
Par exemple, parmi les pays de l'ASEAN, aucun pays (sauf le Cambodge survendu par Hun Sen) ne collabore volontairement. Même le Laos communiste doit lutter contre la sinisation du fleuve Mékong. La captation de la Mer de Chine méridionale interdit toute fraternité, des pouvoirs sûrement, mais des peuples encore moins. Les Chinois sont apparentés à des pirates. L'intrusion chinoise en Afrique à coup de milliards se heurte aux fondamentaux que nous connaissons bien. Si les intérêts des présidents divergent de ceux de la Chine, comme en Angola, tout le plan de conquête est ruiné en trois coups de queuillère à pot. En fait les établissements chinois en Afrique sont aussi fragiles que pompeux et ils constituent un futur butin pour les classes politiques montantes. Plus grave, pour le ministre des affaires étrangères, est la cagade du Pacifique. Fort d'accords plus ou moins extorqués aux dirigeants des îles Salomon, les loups guerriers de la diplomatie chinoise se sont mis en tête de passer des accords avec tous les autres Etats de l'Océan pacifique, et furent si sûrs d'eux qu'ils montèrent un gros raout aux îles Fidji pour officialiser leur entrée fracassante dans l'arrière-cour des alliés. Pas un Etat n'a signé dès lors qu'il fut clair que la Chine populaire deviendrait le meilleur partenaire dans la sûreté des atterrages et pour le contrôle social des populations. Ça n'a pas tardé puisque aux Salomon le gouvernement vient d'officialiser la censure préalable de la presse publique comme en Chine populaire. L'Australie qui a senti sur la joue le vent du boulet s'est sortie les doigts, comme les autres nations de la région. Une (re)fraternisation des nations éparses de l'Océan pacifique est en cours après qu'elles ont mesuré l'enjeu stratégique de l'espace maritime qu'elles représentent ensemble pour des méga-puissances de la taille de la Chine.
Reste les routes de la Soie. Le projet va de pair avec le China Dream qui n'est rien moins que le retour de la souveraineté chinoise sur toutes les marches de l'empire du Milieu. Aparté: le Turkestan oriental appelé Xinkiang n'en faisait pas partie, mais on se rattrappe avec les îles de la Mer de Chine et le Tibet en oubliant l'Amour (on l'a déjà dit). Le plus gros effort du projet One Belt One Road était de parvenir à livrer l'Union européenne en traversant toute l'Asie centrale en train. Des infrastructures considérables ont été financées dans ce but ainsi qu'un parc de matériel roulant impressionnant. L'inversion de flux provoquée par la guerre d'Ukraine contre laquelle Pékin n'a rien dit, s'ils ne l'ont pas involontairement encouragée en s'affichant solidaires de Poutine à la fin des Jeux d'hiver, entame gravement la rentabilité du projet. Pareil pour le passage du nord-est qui devait acheminer des vraquiers chinois et internationaux vers les ports européens de l'arc atlantique : la situation potentiellement conflictuelle de l'océan arctique rehausse les primes d'assurance à un niveau rendant l'alternative peu intéressante. Nul doute que des opposants à l'autocrate à demi-fou - qui a fait inscrire sa pensée dans la Constitution - susciteront des doutes quant à ses compétences au prochain congrès. On sait qu'en fils de prince, il n'a pas fait d'études.
Revenons sur l'affaire de Taïwan. Nous en avons parlé beaucoup ces dernières années (voir le libellé "taiwan"). Si la coterie de Tonton Xi en avait dans le pantalon, elle n'organiserait pas une parade navale tous canons dehors autour de l'île rebelle mais plus simplement, elle capturerait les îles nationalistes à portée de fusil de ses côtes. Il faut quand même qu'il y ait un sérieux doute de succès pour se priver d'une victoire aussi emblématique. Quelles sont-elles ces incongruités stratégiques ?
Quemoy (Kinmen), l'archipel de Matsu et Wuchiu Yu entre les deux, sont des possessions taiwanaises à quelques encâblures de la côte chinoise, qui datent de la fin de la guerre civile. Le problème est peut-être que l'écrasement ou l'incinération des habitants (car on ne voit pas l'Armée populaire de libération se lancer dans un combat au corps à corps) soulèverait un profond ressentiment contre Pékin chez les populations de la province maritime du Foukien qui sont les mêmes que les insulaires. Une carte vaut mieux qu'un long discours et les articles de la Wikipedia sont très bien faits. Relire pourquoi pas Le scandale de Quemoy. Pas besoin d'épiloguer, ça saute aux yeux !
Tout ce que vous vouliez savoir sur Quemoy sans jamais oser le demander c'est par ici ; sur les Matsu c'est par là, et pour les Wuchiu ici aussi.
Au final, Xi Jinping n'a pas grand chose de décisif à apporter au XXè Congrès du parti, sauf l'emprisonnement d'opposants au motif de prévarication, des armées augmentées et rénovées, des promesses de grandeur et un futur qui chante. Cela risque de ne pas suffire après dix ans de pouvoir impartagé et la ruine du plan "un pays, deux systèmes" par la répression de Hong Kong. D'où l'agitation désordonnée pour faire croire à une menace extérieure prégnante justifiant sa politique tous azimuts de desserrement des fers de l'oppression occidentale à laquelle il veut croire. Wang Yi, ministre des affaires étrangères, vient d'annuler sa rencontre avec son homologue japonais au prétexte d'un communiqué désobligeant du G7. La diplomatie chinoise patauge et s'énerve. L'hystérisation n'est peut-être qu'à ses débuts.
Les historiens militaires font remarquer que les Chinois tant de l'empire que de la république populaire n'ont pas gagné de guerre à l'époque moderne.
RépondreSupprimerLa dernière guerre déclarée le fut contre le "petit frère rebelle" du Vietnam en 1979, qui se solda par une branlée mémorable et pour résultat palpable, la destruction du pont de la Nanxi par l'APL en retraite, qui coupa la voie ferrée Haïphong-Kunming. Ce vestige colonial bien entretenu offrait au Yunnan chinois un désenclavement facile vers le Golfe du Tonkin.
(plus sur la guerre sino-vietnamienne ici et le rail français en détails là)
La Chine populaire de M. Xi provoque les deux plus grandes forces aéro-navales de l'histoire, qui, elles, ont une histoire du combat d'escadre et des "passerelles" entraînées. Je veux parler de l'US Navy et de la marine nippone. Il ne suffira pas de promener de grands bateaux dans l'océan et de lancer des fusées au-dessus de Taïwan pour impressionner le commandement de ces flottes. Il faudra des années de manoeuvres à la mer et d'opérations amphibies en vraie grandeur pour commencer à faire peur. A moins que tout cela ne finisse par la destruction systématique de toutes les villes et infrastructures taïwanaises par un millier de fusées dressées au Foukien, une guerre à la russe sans imagination ni talent.
Pour Pékin, l'heure est au développement à marche forcée et pas à la guerre.
RépondreSupprimer600 millions de Chinois continentaux vivent avec moins de cinq dollars par jour (Li Keqiang le 28/05/20 en clôture de la réunion de l'ANP) (source).
La prise de Taiwan est elle seulement un objectif nationaliste à usage interne, ou est-ce surtout pour la Chine la possibilité d'avoir un accès direct au Pacifique, sans avoir à passer par les détroits peu discrets entre les iles de la première chaine ?
RépondreSupprimerVous avez raison. La flotte de la Chine populaire peut être facilement confinée dans les eaux souvent peu profondes des mers de Chine (méridionale et orientale) et en Mer jaune. Il n'est d'empire qu'océanique et Taîwan offre la position idéale pour s'affranchir de la chaîne de défense insulaire (du phare d'Agincourt à Kagoshima) qu'elle prendrait en enfilade à partir de la côte orientale de l'île.
SupprimerCette position menace directement non pas seulement les intérêts halieutiques du Japon mais la sécurité même de l'empire nippon. La réitération de la menace d'invasion chinoise au prétexte futile de réunification de gens qui ne le veulent pas, accélère le réarmement aéro-naval de ce qui fut la grande thalassocratie pacifique. La Force maritime d'auto-défense japonaise, qui a remis le pavillon au soleil rayonnant en haut de ses mâts, et l'US Navy sont capables de tenir tête à la marine du parti communiste chinois, qui se s'est jamais battue sur l'eau depuis le désastre de l'embouchure du fleuve Yalou en 1894. Les escadres américaine et japonaise ont une riche histoire de guerre navale et des équipages entraînés. La manoeuvre tonitruante chinoise autour de Formose ces jours-ci n'a rien démontré d'autre que l'hystérisation d'un épiphénomène, la visite de réassurance de Nancy Pelosi à Taïpei. Malgré l'abondance de moyens mobilisés, ils ont réussi quand même à ne pas se percuter entre eux !
Ce n'est pas en promenant du tonnage tout autour comme des Apaches qu'ils pourront rompre le cercle de chariots.
A lire l'analyse de la situation intérieure du Parti communiste chinois avant le XXè Congrès publiée dans The National Interest par Julian Spencer-Churchill et Liu Zongzo :
RépondreSupprimerHidden Weakness: Cyberwarfare Can Bring Down Xi Jinping