jeudi 10 août 2023

Plaisir du texte

Me retournant sur les six premiers mois de cette année, je me suis pris à constater que je n'avais acheté au kiosque qu'un seul titre, Le Canard Enchaîné ! A deux motifs, l'exhumation de scoop dont la rédaction est profuse et les mots croisés difficiles qui sont un test hebdomadaire de sénescence mesurable au nombres de jours nécessaires à leur achèvement. La Comtesse un peu aussi.

stylo Parker
J'ai cessé aussi de contribuer financièrement à certains sites en ligne qui tournent en rond sur les obsessions présumées de leur lectorat quand ce n'est pas leur enfermement dans le paysage d'un pays rêvé qui n'a plus grand chose de commun avec le pays vrai de vrai. Je maintiens mon aumône à la Fondation Wikimedia qui fait un travail remarquable d'encyclopédistes et s'il en reste, je cotise à l'effort de guerre ukrainien sur la plateforme UNITED24. Quand je vois sauter un navire russe avec mon pognon, je me ressers une lichette de Picon Mandarin Curaçao avec le grand tiers d'eau.

J'étais au seuil de penser que l'âge m'aigrissait en me tirant vers un dénigrement rampant de tout mon écosystème médiatique jusqu'à ce que je lise ses lignes de Philippe Bilger dans Justice au singulier du 10 août 2023 :

« Il serait dramatique que droite et extrême droite médiatiques, à force de prévisibilité, suscitent le pire des effets, l'ennui, réservé jusqu'à aujourd'hui aux sempiternels propos progressistes ne se questionnant jamais eux-mêmes et sourds aux apports extérieurs. Combien de fois, face à certains débats, la fatigue est quasiment immédiate parce que le citoyen, le téléspectateur savent au mot près ce qui sera dit ! L'écoute n'est pas interdite qui laisse un peu de place à la présence d'autrui dans son propre univers » (source).

Et c'est bien là le drame : on se fait chier à lire autant qu'à écouter ! Le plus épuisant est bien sûr dans la presse d'opinion que je ne lis plus du tout, sauf chaque 29 février.

Soupir sur la portée : j'excepterai certains rédacteurs des gémonies à l'exemple d'Eugénie Bastié qui déroule un logique tranquille sur des sujets puissants sans provoquer quiconque, et je n'en citerai pas d'autres pour ne pas en oublier en les oubliant tous. Difficile quand même de ne pas lire Sébastien Lapaque.

De ma bibliothèque, dont le désordre n'a rien d'artistique ni d'ordonné comme le font les vieux singes qui n'ont plus rien dans la cafetière, parfois des livres tombent au gré du plumeau. J'ai rouvert La Colline inspirée de Barrès, et je partage avec vous cet extrait :

« Si vous portez au loin votre regard, vous distinguez et dénombrez les ballons des Vosges et de l’Alsace ; si vous le ramenez plus près sur la vaste plaine, elle vous étonne et, selon mon goût, vous charme par ses superbes plissements, par de longs mouvements de terrains pareils à des dunes. C’est un pays sans eau en apparence, mais où l’eau sourd et circule invisible. Des prairies qui s’égouttent un ruisselet se forme et se débrouille vivement dans les rides enchevêtrées du terrain. Au fond de ravins sinueux, le Madon, l’Uvry, le Brenon développent en secret les beautés les plus touchantes, cependant qu’ils rafraîchissent une multitude de champs bombés et diversement colorés, des pâturages, des vignobles clairs, des blés dorés, de petits bois, des labours bruns où les raies de la charrue font un grave décor, des villages ramassés, parfois un cimetière aux tombes blanches sous les verts peupliers élancés. Sur le tout, sur cet ensemble où il n’est rien que d’éternel, règne un grand ciel voilé. Les appels d’un enfant ou d’un coq apportés de la plaine par le vent, le vol plané d’un épervier, le tintement d’un marteau qui là-bas redresse une faucille, le bruissement de l’air animent seuls cette immensité de silence et de douceur. Ce sont de paisibles journées faites pour endormir les plus dures blessures. Cet horizon où les formes ont peu de diversité nous ramène sur nous-mêmes en nous rattachant à la suite de nos ancêtres. Les souvenirs d’un illustre passé, les grandes couleurs fortes et simples du paysage, ses routes qui s’enfuient composent une mélodie qui nous remplit d’une longue émotion mystique. Notre cœur périssable, notre imagination si mouvante s’attachent à ce coteau d’éternité. Nos sentiments y rejoignent ceux de nos prédécesseurs, s’en accroissent et croient y trouver une sorte de perpétuité. Il étale sous nos yeux une puissante continuité, des mœurs, des occupations d’une médiocrité éternelle ; il nous remet dans la pensée notre asservissement à toutes les fatalités, cependant qu’il dresse au-dessus de nous le château et la chapelle, tous les deux faiseurs d’ordre, l’un dans le domaine de l’action, l’autre dans la pensée et dans la sensibilité. L’horizon qui cerne cette plaine, c’est celui qui cerne toute vie ; il donne une place d’honneur à notre soif d’infini, en même temps qu’il nous rappelle nos limites. Voilà notre cercle fermé, le cercle d’où nous ne pouvons sortir, la vieille conception du travail manuel, du sacrifice militaire et de la méditation divine. Des siècles ont passé sur le paysage moral que nous présente cette plaine, et l’on ne peut dire qu’une autre conception de la vie, tant soit peu intéressante, ait été entrevue. Voilà les plaines riches en blé, voilà la ruine dont le chef est parti, voilà le clocher menacé où la Vierge reçoit un culte que, sur le même lieu, nos ancêtres païens, adorateurs de Rosmertha, avaient déjà entrevu. Paysage plutôt grave, austère et d’une beauté intellectuelle, où Marie continue de poser le timbre ferme et pur d’une cloche d’argent. Tous ceux qui ne subissent pas, qui défendent leur sentiment et se rattachent aux choses éternelles trouvent ici leur reposoir. C’est toujours ici le point spirituel de cette grave contrée ; c’est ici que sa vie normale se relie à la vie surnaturelle » (texte intégral).

Hier au jardin d'en bas, j'avais désenchevêtré trois brins de lavandin où s'était agripée une abeille charpentière noire et bleue, la plus belle de sa famille, afin qu'elle puisse poursuivre sa collecte sans encombres. Ce matin, elle gisait au sol sur le dos, surchargée de pollen jaune, morte. Elle avait travaillé jusqu'au bout. L'impermanence nécessaire au monde n'est que le fruit des extinctions programmées. Qu'attendent-ils tous ces nuiseux à la une ?

3 commentaires:

  1. De cette époque tristement verbeuse, Barres toujours :"Les Saints sont comme les diamants, ils se cachent".

    RépondreSupprimer
  2. Papilou de Normandie13 août 2023 à 21:17

    Bon je vous laisse avec ces enragés de chien de Satan ukrainiens....

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.

Les plus consultés

Compteur de clics (actif)