mardi 16 janvier 2024

A la recherche des libertés perdues

Michael Emerson dans le rôle d'Harold Finch
Depuis sa première édition en 1949, le roman "1984" de George Orwell est régulièrement réédité, en France sept fois après l'originale de Gallimard en 1950. Il ne faut pas une imagination débordante pour saisir l'actualité des manœuvres de pouvoir mises en situation depuis un demi-siècle pour notre bien. Notre bien et celui de ceux qui nous entourent est le leitmotiv irréfragable qui justifie le grignotage continu de nos libertes basses, comme on dit ici des choses personnelles. J'écoutais ce matin l'expression du mécontentement des agriculteurs qui se sentent écrasés par la chape bureaucratique sous laquelle rien ne cède et qui croît inexorablement, à mesure que de besoin pour notre bonheur, et le leur sans doute. Les hommes de l'Etat norment en permanence tous les compartiments de la vie en société, et ce sont moins les élus de passage qui s'adonnent à l'alourdissement de ce carcan que les invisibles de l'Etat profond, le "deep state" tant honni outre-atlantique.
Un certain âge donne la possibilité de remonter le temps sur une longue période et de comparer les libertés basses des années cinquante et celle des années vingt de maintenant. Ça donne le vertige, rien que dans l'encadrement des comportements publics. En faire la liste serait une purge car tout le monde a déjà compris. Mais le plus agaçant est sans conteste le grignotage de la liberté de penser.

Non, pas de la liberté d'exprimer publiquement une pensée conforme ou non-conforme à l'air du temps comme en Amérique, mais la liberté de la pensée intime elle-même. Observez attentivement les "curés" de la République poser des questions sur les plateaux télévisés à des interlocuteurs qui n'en sont pas, et vous allez vite deviner que le clerc veut à tout prix faire exprimer par l'autre une pensée non-conforme, éminemment coupable, à la seule fin de le condamner publiquement sur la base des lois. Une opinion peut être un délit ! Combien de fois, s'exclamera-t-il : "vous voulez dire..." ou "vous pensez que..." ou "on sait ce que ça cache..." et les cuistres de la Bienpensance iront jusqu'à la "Bête immonde...", qui ne fait plus recette depuis longtemps tant la formule est usée. On a bien compris que je ne vise aucunement la retransmission de débats philosophiques sur l'introspection, si rares par ailleurs, même en nocturne, que je n'en dirai pas plus sous peine de lasser.

La dernière liberté menacée est celle qui fut apportée à l'homme par les ingénieurs du XXè siècle, celle d'aller seul, en famille, où bon vous semble, sans être tributaire d'aucun moyen collectif : l'auto-mobile. Ce moyen de se déplacer sans en référer à quiconque coupe à angle droit "1984". Aussi, les gens qui veillent à notre bien sont-ils tous hostiles à cette incitation sauvage d'aller n'importe où, et trouvent les bons prétextes à confisquer de l'espace de circulation qu'ils ne modèrent pas. C'est évident dans les grandes et moins grandes agglomérations, et il n'est pas loin le temps où les longs trajets individualisés seront freinés de toute façon possible, voire spécialement taxés comme les nouveaux radars routiers le permettent déjà. La bonne conduite sera de monter dans les trains de la CGT et Sud-Rail, au lieu de prendre le roadster décapotable, coudalaportière. Et puis, de vous à moi, vous serez enregistré par le Système depuis la première caméra près de chez vous jusqu'à destination, quelle que soit la distance ou le temps dépensé. Vous serez devenu une vraie Person Of Interest en même temps que Samaritan aura racheté la Machine de Finch, comme en Chine populaire. Alors quoi ?

A part les groupements fonciers cantonaux de la Montagne Noire, je ne vois pas.

13 commentaires:

  1. Un signe ? Dans sa conférence de presse de ce soir 16 janvier, M. Macron annonce la prise en charge par l'Etat des "écrans" qui sont proposés à la jeunesse. Je ne croyais pas avoir autant raison que dans ce court billet.

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  2. Bien vu ! Mais croyez-vous que la révolte puisse encore gronder à part celle qui se résume à la paresse électorale ? JYP

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    1. Je ne crois pas que l'abstention soit le bon curseur du mécontentement. Dans un prochain billet pour le 20, je soutiens que le peuple ressent intimement les tressaillements de son insécurité collective sans qu'il soit besoin de l'abrutir. C'est ce qui se passe chez nous, malgré les dénégations officielles répétées, avec l'intime conviction d'un remplacement de la population autochtone par des populations allogènes peu soucieuses des premiers.
      Le "peuple" est en tension, c'est indéniable et il suffirait par exemple d'une ratonnade en Corse (on en est assez près) pour que des répliques surgissent en d'autres lieux. Le problème du pouvoir est que sa police partage l'intime conviction précitée. Les émeutes estivales ont fait beaucoup de mal au moral.

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  3. Pensez-vous que le "peuple" ait réellement conscience de ce que vient de confirmer discrètement le dernier rapport de l'Insee sur la démographie de notre pays (https://www.insee.fr/fr/statistiques/6687000) : une fécondité des natifs en chute libre et, pourtant, une augmentation de la population globale (cherchez l'erreur) ? Cela ne s'appellerait-il pas le "grand remplacement" ? A moins que ce ne soit simplement un besoin de main d'oeuvre...JYP

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    1. Avez-vous vu la manifestation "xénophobe" de Bastia ? Affluence monstre pour une ville moyenne. C'est en province que le furoncle sera percé.
      Le "grand remplacement" de Renaud Camus est un complot d'un quelconque cabinet noir attaché à notre dilution dans un espace "onufié". Je n'y crois pas. C'est la fréquentation des hommes de pouvoir qui m'assure qu'ils ne sont généralement pas au niveau de ce genre de mission si tant est qu'elle puisse exister.
      Par contre, comme vous le suggérez, il y a un vrai problème d'abandon des travaux difficiles ou salissants par les Français de souche qu'il faut bien confier à d'autres. Elémentaire et vieux comme l'Antique.

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  4. Brecht avait raison, "il faut dissoudre le peuple" ! JYP

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    1. Proudhon avait fait de longs développements définitifs sur "le peuple".

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  5. Et pendant ce temps, la dette se creuse, se creuse...! Lorsque l'addition tombera, le robinet social se tarira et la, on en reviendra à Darwin. Façon "Walking dead". Vu l'augmentation du nombre de licenciés à la Fédération Française de Tir, je ne suis pas le seul à penser cela.

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  6. Sur la chaîne parlementaire est passé hier soir un DébatDoc sur la surveillance de proximité, avec reconnaissances algorithmique et faciale. Le "crédit social" s'étend en tache d'huile.

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    1. La situation en Corse (et ailleurs) rappelle un texte de Guillaume Bernard publié sur le site Atlantico début 2013 et dont voici un extrait (je ne retrouve pas le lien) : « … rien ne sert de faire la politique de l’autruche. Encore une fois, il faut prendre les leçons de l’histoire, non pour être prisonnier de modèles passés mais pour en tirer une expérience. Or, il faut bien se rendre compte qu’une société en crises, c’est un corps social qui peut se diviser jusqu’à basculer dans la guerre civile. Celle-ci n’est d’ailleurs pas nécessairement sanglante. Elle peut être larvée. Mais elle fait toujours des victimes, surtout si elle prend la population à court, celle-ci n’étant pas préparée à la voir surgir ni à la mener. L’horreur de la guerre civile, c’est que quiconque est susceptible d’être un ennemi, en particulier le voisin. Pour éviter une telle situation, il faut une cohésion inébranlable du groupe social pour réaliser une série d’objectifs successivement réalisables. Encore faut-il définir le corps politique avec un ou des critères suffisamment objectifs et réels pour qu’ils puissent être forts et efficaces. Faut-il préciser qu’aboutir à la guerre civile n’est pas souhaitable et que la politique du pire est la pire des politiques… ? Mais ne pas désirer un conflit n’a jamais fait disparaître les causes de son apparition. […]

      Pour notre société contemporaine, la question est donc double. D’une part, il est nécessaire de déterminer s’il existe ou non des forces sociales qui ne visent pas à se fondre dans l’ordre social mais à le transformer en s’accaparant le (ou un) territoire (phénomène de type maffieux). De telles forces seraient alors susceptibles d’être la cause profonde de conflits violents. D’autre part, il est indispensable de ne pas réduire son analyse politique et sociale à des questions de statistiques (même si la vérité des chiffres a son importance) car un ou des événements apparemment négligeables peuvent être symboliquement forts et se révéler être la cause circonstancielle d’un embrasement. »

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    2. Pour le moment, je ne vois pas de "forces sociales" organisées mais une masse informe traversée par des corporatismes égoïstes. Les prémices d'une guerre civile ne sont pas encore apparus. Par contre des désordres récurrents comme ceux des Gilets Jaunes sont tout à fait possibles. Il faut suivre de près le mécontentement paysan.

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  7. Le mécontentement paysan est effectivement important et pourrait bien dégénérer lorsque nos paysans prendront conscience que l'UE et la PAC ne sont pas leurs réelles amies. JYP

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    1. Les anciens savent que la PAC les a sauvés des importations à bas prix de l'agriculture commerciale des pays neufs, mais les jeunes comprennent que la sur-réglementation du ministère français de l'Agriculture est en train de les tuer. Il faut dissocier les deux technocraties et comprendre que les crétins sont d'abord les nôtres.

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