samedi 9 mars 2024

Dunes

#2246 - J'ai revu Dune 1 de Denis Villeneuve hier soir. Les cinéphiles sont impatients de voir son Dune 2, on comprend pourquoi : c'est irraccontable. Le mieux bien sûr est d'avoir lu les six bouquins du cycle de Frank Herbert (et pas un de plus, m'a dit un jour Juan Asensio, et aucune adaptation cinématographique avant celle de Villeneuve). Sans difficultés sinon, ça prend aux tripes ! Mais si une analyse approfondie de la guerre cosmogonique vous est nécessaire, ne cherchez pas ailleurs que la recension polémologique du colonel Goya titrée L'Art de la Guerre dans Dune. Travail sur-humain. Normal, c'est Dune et Goya.

Zendaya dans le rôle de Chani

S'il fallait sigler cette oeuvre d'un mot, je choisirais "adaptation". L'adaptation des Fremen aux yeux bleus. L'univers de Dune est à l'inverse du nôtre bien qu'il ne soit pas une prémonition de l'auteur sur une dégradation irrémédiable de notre environnement puisqu'il a écrit la série de 1965 à 1985. Mais aujourd'hui nous y sommes. Le seuil communément admis de 2°C d'augmentation de la température moyenne du globe est celui des capacités d'adaptation de la civilisation humaine. Voir au-delà, c'est carrément de la science-fiction, mais il est fort probable que les désordres des nations vont accélérer l'étude puisque l'affrontement annoncé des empires reconstitués va obérer la nécessaire régulation des gaz à effet de serre, repoussant d'autant la possibilité de stabiliser cette température moyenne. On peut faire un détour par le site Ecotoxicologie.fr pour caler ses propres idées sur ces phénomènes. La présentation didactique est tout à fait absorbable, avec beaucoup de liens pour qui veut approfondir ou se rassurer par la connaissance des fléaux (clic). Il y est dit qu'au-delà du chiffre magique, l'apocalypse n'est plus si loin : « Dans un monde compris entre 3°C et 4°C de réchauffement, le niveau de la mer pourrait s’élever de plus d’un mètre en 2100, sous l’effet de la fonte des glaciers et des calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique. Un tel scénario aurait des conséquences majeures pour les régions côtières, notamment dans les mégalopoles d’Asie, en Afrique et dans le Pacifique Ouest. Un monde où, si le réchauffement atteint 4,5°C, près de la moitié des espèces présentes sur la terre pourraient disparaître, en particulier la flore. Un monde où la température pourrait grimper jusqu’à 55°C à l’ombre en France dès 2070 et où les vagues de chaleur mortelles pouvant atteindre 80°C pourraient rendre de vastes territoires inhabitables en Chine, au Brésil, au Nigeria ou dans les pays du Golfe persique d’ici la fin du siècle. Un monde dans lequel le dégel massif du permafrost pourrait faire resurgir certains virus disparus ou inconnus et être à l’origine de pandémies comparables au COVID19. »

Feux gigantesques et pluies diluviennes sont le quotidien des chaînes d'actualités qui n'ont plus besoin de faire la propagande du GIEC. Le plus obtus des hommes voit les catastrophes sur l'écran bleu et les attend pour demain à sa fenêtre. L'ambiance cataclysmique économise la sueur des lanceurs d'alerte ; d'une certaine façon, ils ont gagné et ont perdu à la fois : sauf dans les recoins obscurs de quelques sites de "réinformation", le réchauffement climatique est d'acception générale dangereux, mortellement dangereux ; mais l'anarchie de la force partout victorieuse du droit va annuler les moyens de lutter pour le contenir sous la limite gérable.

A voir les satrapes fascinés par leur propre puissance qui gouvernent des espaces aussi menacés que la Russie, l'Asie steppique, la Chine, voire les Etats-Unis demain, on peut craindre que les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique fassent partout l'objet d'arbitrages au profit de la guerre immédiate plutôt qu'à celui de la "lutte finale" qu'on engagera bien assez tôt. Il est sage de parier sur un dépassement de seuil et de se préparer à survivre dans un environnement inconnu de mémoire d'homme, même si on vous rabâche que la terre a vu bien pire dans un passé lointain. Aucun témoin de ces périodes terribles n'a pu transmettre son vécu jusqu'à nous.
Il n'est pas plus intelligent de dire que l'implication des activités humaines n'est pas sûre dans le dérèglement climatique parce que cette assertion ne vous sera d'aucune utilité tant l'inéluctabilité de cette apocalypse semble forte ! Quelles que soient les causes du phénomène, elles comptent bien moins que leurs effets, dont la course effrénée aux territoires mieux tempérés sera le pire !

Alors pour bien commencer votre méditation sur l'état du monde que vous laisserez à Michel Drucker, vous devez aller voir l'opus second de Denis Villeneuve. La bande-annonce Dune 2 de la Warner est par ici. Quand la terre aura fini le cycle de son réchauffement, elle présentera l'immobilité perfide de la planète Arrakis et c'en sera fini de nous. Sortiront de terre les mutants.


(Cycle d'Arrakeen 2024)

Epilogue

Dans son rapport sur l'année 2023 Le Programme Copernicus (ASE+EUMETSAT+) indique qu'elle est la plus chaude jamais enregistrée et probablement dépasse toutes celles de n'importe quelle période depuis cent mille ans.
Marie-Adélaïde Scigacz présente ce rapport scientifique de manière à le rendre accessible au plus grand nombre avec cartes et abaques sans tomber dans le pathos habituel des clubs écologiques végétariens.
Le mieux est d'en prendre connaissance en cliquant ici et de savoir qu'après la glace, la pierre, le bronze, le fer, le silicium, nous allons entrer dans l'âge du four. Je redescends derechef au garage pour finir la construction de ma navette spatiale sur le modèle déposé de La Soupe aux Choux.

4 commentaires:

  1. A côté de vous Saint Jean n'est qu'un amateur... JYP

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    1. Sauf qu'il a été lu combien de cent millions de fois ?

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  2. De retour de chez Pathé où nous avons été plutôt satisfaits par les divers aspects cinématographiques de Dune 2. En revanche, j'avoue n'avoir pas été séduit par le parti pris syncrétique dans l'air du temps ni par l'avenir radieux promis par le peuple arabisant d'Arrakis... Sauf à y voir une métaphore de notre futur immédiat. Et, là, les prévisions d'Ecotoxicologie.fr ajoutent à notre angoisse. Bon courage si vous ne l'avez pas encore vu. JYP

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    1. Dans Slate, Ali Karjoo-Ravary partage votre perception arabisante et les défauts du film.
      Je n'ai pu encore le voir.
      https://www.slate.fr/story/218496/film-villeneuve-dune-infidele-esprit-anticolonialiste-roman-frank-herbert

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