La pénibilité de l'agit'prop royaliste devrait valoir aux militants une retraite anticipée, au moins des points de bonification. Cent ans de combat de société mené de main de maître par la crème intellectuelle du temps, relayé sur le terrain par des militants opiniâtres, courageux et bien formés, aboutit à l'enfouissement en décharge politique de l'idée de restauration monarchique qui, à entendre ci et là le niveau des questions posées par le vulgum pecus, n'est familière à quasiment personne dans ses principes les plus évidents. Les monarchies qui nous entourent nous évitent heureusement les quolibets sur la tyrannie du prince ou la mise en coupe réglée du pays par l'aristocratie nobiliaire. Mais que de clichés quand on nous aborde ! Sauf qu'on ne nous aborde pas si souvent.
Le candidat de l'Alliance Royale qui se débat comme un beau diable pour "populariser" le régime royaliste, ne perce pas dans les médias et reste dans l'ombre de la douzaine de candidats visibles. La quête des parrainages patine avant d'avoir atteint les 250 promesses, et il en faudrait 500 avant quinze jours.
Les esprits forts débinent la démarche de l'AR au motif que la monarchie ne reviendra qu'à la faveur (façon de dire) d'une rupture politique grave, consécutive à une crise majeure économique ou sociale ou pire, et jamais par l'élection. Les chapelles se préparent-elles à prendre leur avantage au moment critique de sauver la nation ? Beaucoup le croient. Avec quel prince, quel volontaire pour une sorte de "coup d'état", et selon quel processus, est une autre affaire, qui nous dépasse.
Ce projet indéfini apporte au mouvement une culture de la crypte qui est néfaste parce qu'elle empêche par essence la recherche d'un consensus populaire sur le retour du roi. Comme il faut bien occuper les jeunes qui, à cet âge, sont normalement impatients, on compense le déni de propagande de masse par l'action de quelques brigades urbaines qui collent et tractent, et produisent du matériel de très bon niveau sur Internet, même si l'outrance fréquente, inséparable du genre, amoindrit un peu la pertinence du message.
La vidéo ci-dessous est un modèle plus explicite.
Mais il n'y a pas que les jeunes qui soient impatients. Les vieux monarchistes aussi sont en droit de s'interroger sur la justesse de la voie d'accès tracée finalement en dehors d'eux. Les chapelles peuvent-elles se remettre en cause sur leur démarche militante, sur leur projet politique, au simple énoncé de leur nul effet à ce jour ? Il ne semble pas. Nous n'irons pas jusqu'à dire que la direction d'une chapelle est somme toute plus confortable que celle d'un plus grand mouvement politique, avec ses courants, ses ambitions personnelles, ses problèmes pécuniaires et forcément l'acharnement de ses ennemis, mais nous l'avons dit !
Or les contes de la crypte, depuis si longtemps que nous en tournons les pages, n'ont pas de happy end. Il n'est pas besoin d'avoir poussé à "bac plus dix" pour subodorer qu'en ce XXIè siècle, le retour du roi passera par un plébiscite ou autre voie de consentement du peuple, obtenu soit préalablement, soit après un accès d'aubaine. Soutenir autre chose est tromper son monde, et je pense d'abord aux jeunes militants qui se donnent à fond dans la propagande royaliste. C'est sur cet axe réaliste d'acclimatation de la monarchie que se situe la frêle Alliance Royale qui ces jours-ci est à la peine. Elle est handicapée par sa taille, par le schéma étatique complexe qu'elle promeut, et par son "indépendance dynastique", mais la ferveur demeure.
Il y a néanmoins une autre voie.
Si l'on accepte le postulat ci-dessus, il suffit de mettre en valeur ce que le peuple connaît déjà de la monarchie. Or il en connaît beaucoup. Toutes les familles royales d'Europe et jusqu'à la maison de Jordanie qui détient la plus belle reine du monde, sont ses familiers. Le peuple partage joies et peines des rois, reines, infants, princesses dès qu'ils règnent. Il se moque volontiers des mêmes s'ils ont été déposés.
Pourquoi alors ne pas oeuvrer simplement au remplacement du chef d'état actuel dont le train de vie politique et le mode de choix nous coûte une fortune, par une famille royale - avenante tant qu'à faire - qui prendrait seulement pour l'instant les fonctions de représentation et d'unité nationale, et le titre de chef des armées comme dans les royaumes du Nord ? Pas plus au départ, ce qui améliorerait la position du premier ministre, ainsi qu'on cherche à le faire de tous bords en ce moment.
"Certainement jamais !" s'écrient déjà les conservateurs du dogme et des hypothèques qui l'écrasent. Le principe capétien, les lois fondamentales du royaume, l’indisponibilité de la couronne, le décret, le traité, la primogéniture masculine réversible, le bréviaire d'Alaric, le sacrifice des Chouans, le testament de Chambord et l'amitié de Soliman le Magnifique ! Le Frankreich est quelque chose de spécial qui ne se galvaude pas ! Mais qui se contemple en silence jusqu'au Jugement Dernier où nous aurons enfin raison !
Or une famille royale installée au bon motif de pérennisation de la fonction de chef d'état, fonction périmétrée à convenance, serait le meilleur vecteur d'une monarchie plus étoffée, plus doctrinale. Il suffirait que le temps laisse au génie propre à la famille en charge, le temps d'acclimater le génie propre à l'institution, capétienne bien sûr, pour que les générations suivantes abordent un jour aux rivages lointains de la vraie royauté.
Depuis le refus à l'obstacle du comte de Chambord, l'histoire nous a montré la vanité d'une restauration de but en blanc dans les principes anciens, même soutenue par une critique politique d'un niveau exceptionnel comme celle conduite par Charles Maurras. Or, c'est là où l'un et l'autre, pour des motifs différents, ont tapé dans le mur : la monarchie reviendra avec le roi. Le roi ne reviendra pas avec la monarchie. Je crois d'ailleurs que le défunt comte de Paris n'était pas étranger à l'idée de ce préalable.
Pourquoi ne pas repartir de cet énoncé de Lawrence Durrell : " La société est un organisme, pas un système. Sa plus petite unité est la famille, et en vérité la royauté est la structure qui lui convient le mieux, car la famille royale est un reflet de la famille humaine, et l'idolâtrie qui s'attache à elle est légitime... C'est une nécessité biologique que les rois. Peut-être sont-ils un reflet de la constitution même de l'âme ".
C'est une trajectoire plus courte vers sa cible que le "nationalisme intégral".
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Salut à vous, Catoneo.
RépondreSupprimerJe partage cette analyse. Il s'agit bien d'abord, d'une question de sentiments; tandis qu'Alliance Royale, dont l'effort est remarquable, tente d'imposer une totalité ainsi qu'une réflexion poussée dans toutes les questions politiques actuelles : réflexion dont le citoyen se détache de plus en plus.
Je souhaite une famille avenante, qui effectuera avec douceur cette transposition. Le plus difficile sera de se mettre d'accord sur le choix de cette famille...
J'ai bien une idée, mais elle ne vous plaira pas, et de toutes façons, il est trop tôt pour la présenter...
Thomas de La Garde
Je trouve votre billet pertinent...et impertinent, mais qui vous dit que le peuple, une fois le roi installé,ne voudrait pas conserver le "statu quo" de la représentation et ne pas désirer évoluer vers une monarchie plus étoffée ?
RépondreSupprimerCela peut être le risque. Non ?
Qui me dit ?
RépondreSupprimerPersonne, même en tendant l'oreille.
Nous serions quand même dans une meilleure position qu'aujourd'hui pour "finir" la monarchie, sur ses pouvoirs régaliens
Un peu, beaucoup, de pédagogie...
Pour l'instant, nous avons 17% de gens qui accepteraient un roi constitutionnel du modèle qu'ils voient à la télé.
C'est le point de départ.
Le reste est s'échauffer...