lundi 11 février 2008

Nylonkong galaxy

Paris la Défense

Les maîtres du monde ne sont pas de la Tricontinentale, des Yankees télévangélistes, des Baptistes ou des Illuminatis. D'ailleurs le dernier illuminati que j'ai éventré dans l'étable n'avait pas le sang vert-de-gris du lézard invasif d'Hollywood, et j'ai dû m'excuser moi-même puisqu'il ne pouvait plus le faire.
Non, nos maîtres sont de petits maîtres comme on dit en peinture. Ce sont les Kerviel Brothers, dès lors qu'ils sont agglomérés en ruches de plusieurs centaines d'écrans parfois. Des centaines de milliers au total, une mer humaine de neurones au calcul assisté par ordinateur. Leur activité fut lancée par le télégraphe il y a longtemps pour la fabrication virtuelle et complexe (ou moins) de réels profits faits sur du vent. Aujourd’hui nous avons la fibre optique qui irrigue les tables de roulette de ce casino galactique disposant d'une multitude de points d'accès. Mais l'exploitation de ce Marché au Fric a muté de la simple circulation de capitaux et du jeu spéculatif en une mission "tout ou rien" que rien ni personne ne stoppera à peine d'en mourir : le graissage de la boîte à vitesse de la Globalisation. Deux mots quand même là-dessus ...

I.- La globalisation de la production de biens et services et leur distribution planétaire consomment beaucoup plus de capital que lorsque les activités humaines étaient cloisonnées. Les acteurs financiers pompent ce capital dans les sociétés civiles par des machines adaptées au grand débit appelées bourses, et le font rémunérer sur la valeur qu'ajoute l'industrie des biens et services, gardant pour eux-mêmes la part du flux la plus grosse possible. Dit en passant, à l'étude des chiffres, on s'aperçoit que les flux générés par les Etats sont très minoritaires dans le total, et le chiffre réel de la spéculation mondiale à un instant T est ignoré à moins de hâter le triple pontage des imprudents. Pour mémoire, Kerviel a "joué" sur son écran en quelques coups de doigt le déficit budgétaire annuel de la République française !

corbeille de Genève

II.- La globalisation
a également démultiplié les facteurs de risques, et ces risques parfaitement identifiés sont distribués à l'échelle planétaire dans des systèmes qui s'apparentent à celui du fourgue. On travaille sur les junk bonds qui absorbent les emprunts pourris, les subprimes pour défaut sur appel, etc. et tant que les bolides roulent à la même vitesse sur l'autoroute de la finance internationale, il n'y a pas d'accident.

La crise des subprimes dont on parle en ville, a été déclenchée par l'agence de notation Fitch Ratings qui a déclassé le rehausseur Ambac (cliquer ici), sorte de réassureur des émetteurs de bons, quand ils les ont pressentis handicapés par la crise immobilière. Fitch a freiné : carambolage sur l'artère américaine et thrombose prévue sur le système autoroutier global.

D'où l'importance de la fluidification la plus ramifiée possible des finances internationales, et celle-ci n'est obtenue que par ce poumon d'acier gigantesque, l'armée immense des fourmis qui brassent ces flux en continu comme autant de mini-pompes synchronisées 24h sur 24. Cette armée a-t-elle un général ? On en doute tant la machine paraît tourner seule, sans intervention d'aucun ordre du jour. Les fameux gnomes de Zurich, chauves myopes en double-foyers, lustrines noires et gilets verts, n'existent plus.

Certains esprits rétifs au Progrès, dénoncent quand même la lente dérive des nations développées vers un gouvernement mondial,...
... hégémonique : démocratie forcée au fond de la gorge des nations qui s'en passeraient ;
... puissant : car disposant d'une force illimitée jusqu'au tonnerre atomique final ;
... inquisiteur : l'homme-citoyen est biométré sinon classé comme hominidé douteux, parfois combattant (?).

Cela risque fort de ne point se passer ainsi. Les zones de turbulences (nul n'est parfait parfait) seront débranchées du poumon d'acier et livrées aux verges de la police onusienne dirigée par Kouchner & consorts qui fera rapport chaque année au Forum de Davos. Le reste, la partie "saine" de la planète Fric, passera sous la coupe du vrai gouvernement mondial. Mais celui-ci ne gouverne pas, il est informel, polymorphe et visqueux, et tout simplement, "vital". C'est la galaxie Nylonkong ! Des gnomes mathématiques sur lesquels le soleil ne se couche jamais, comme il en allait autrefois de l'Empire victorien.

Hong Kong


Hong Kong

Galaxie Nylonkong ? 3 planètes en équilibre sur la même orbite : Wall Street à New York City, NY, la City de LONdres et HongKONG, la dernière venue et la plus petite des trois, mais qui peut les rattraper si les caciques de Pékin la fusionnent avec Shenzhen.
Ces trois villes parlent le même langage, les mêmes jargons, lisent les mêmes journaux, partagent les mêmes codes culturels et mercantiles, leurs yuppies conduisent les mêmes voitures, regardent l'heure sur les mêmes montres, se meublent et s'habillent dans les mêmes marques. La galaxie NLK est unifiée ; les gnomes mathématiques transitent facilement d'une place à l'autre au besoin, sont disponibles et adaptés à la manoeuvre à la seconde même où ils s'assoient ou se dressent à la corbeille pour hurler leurs ordres. Ce sont eux les lézards que personne ne sait commander, et qui ne se commandent pas eux-mêmes. Attelés aux réseaux d'échanges instantanés de données, on peut parler de bio-informatique tant il est difficile de partager la responsabilité de l'action entre l'opérateur et le réseau de machines qui lui répond.

Car tout le problème est bien là. La galaxie Nylonkong pulse comme un corps de chair et n'a besoin d'aucun état-major pour fonctionner. Le seul ferment de désordre c'est paradoxalement l'émotivité, l'irrationnel. On sait aujourd'hui que les calculs de logique froide sont souvent annihilés par la rumeur infondée, le réflexe de Panurge, ou le "coup génial". Mais l'effondrement des cours de valeurs ou matières ici ou là ne tue jamais la bête, même si les traders mouraient par centaines en sautant des tours. Le système nerveux de la bête est trop dispersé, atomisée, sa peau cicatrisable instantanément ; pas d'oeil à crever ni de bec de pieuvre à briser, et tant d'antennes grouillantes qu'elle en est invincible.
Son seul ennemi ou maître, c'est ... l'EDF, ou ce qui en tient lieu en ces lieux !

Tournent autour de la galaxie Nylonkong des planètes captives que l'on identifie à la taille de leur bourse (au pluriel ça ne le fait pas) : Tokyo, Francfort, Sao Paulo, Shanghai, Paris, Sydney et quelques autres relais moins prestigieux mais actifs qui ne rêvent que de rejoindre le mainstream.
Quelques données globales en français mais un peu anciennes en cliquant ici.


On comprendra sans aller plus loin que les pays arrêtés sur place à contempler le vernis griffé de leurs chaussures éculées ne sont plus dans le coup. L'illustration du panneau de skylines parle d'elle-même ; encore avons-nous fait l'impasse sur Kuala Lumpur, Taipei, Montréal, Dubaï, Vancouver, Rio de Janeiro ou Seattle, il y en a des dizaines d'autres témoignant d'un dynamisme ardent qui nous apparaît à nous ... exotique hélas ! Et pourtant nous savons tout faire ; c'est ce à quoi l'on nous reconnaît à l'étranger, polyvalence, inventivité, réactivité, système D, talent, charme.

La skyline de Paris qui ouvre ce billet n'est pas ridicule, et je lui trouve une élégance toute française, ce quelque chose indéfinissable qui cherche la mesure en tout pour achever l'équilibre des formes. Avec ou sans le concours de nos Sociétés Générales, saurons-nous la continuer pour la hisser au niveau exigé par les combats du monde qui nous entoure et ne nous attend pas ? C'est une vraie et grave question pour les générations montantes.


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1 commentaire:

  1. Vous avez mis de côté Sydney
    Jakarta
    Bangkok
    Même Dacca
    s'y met.

    Mais pour quelques années encore les USA offrent les plus grandes skylines car ils sont les inventeurs du concept !

    D'accord avec vous qu'on est un peu à la ramasse ...

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