Tokyo International Conference on African Development.
La TICAD s'est réunie fin mai à Yokohama (Japon) comme annoncé dans un billet antérieur. Le plan d'action arrêté vendredi dernier est accessible en ligne (la version française sous .pdf).
Ils veulent mettre le paquet sur les infrastructures régionales de transport (routes et ports), sur les grilles de distribution stable de l'énergie électrique, sur l'irrigation. Le paquet est adossé à des banques régionales renforcées, ce qui est relativement facile pour le Japon qui avancera 4 milliards de dollars.
On note aussi une accentuation de la coopération Sud-Sud entre l'Afrique et l'Asie, déchargeant la vieille Europe.
En position 2, les actions de réhabilitation et promotion de l'agriculture n'attaquent pas la concurrence déloyale du programme alimentaire mondial au moment où tous luttent contre la pénurie de grains, mais l'on sait que celui-ci est maintenant sous surveillance, car c'est un destructeur d'avenir.
Un plan pour doubler la production de riz à vingt ans est lancé. Dans ce domaine aussi, le Japon sait faire.
Tout le reste, santé, gouvernance, éducation, participe du programme onusien Millenium (Millenium Development Goals) qui échoit en 2015 et dont l'avancement est mesuré avec précision.
Apparemment les débats étaient de bon niveau. La requête globale est strictement capitalistique, les chefs d'états africains demandant au Japon de rebasculer une petite partie de ses investissements asiatiques sur l'Afrique noire. Pour le moment ils sont canalisés sur l'Egypte et l'Afrique du Sud, dit en passant, deux pays sans pétrole abondant.
Fini les incantations tiers-mondistes et les vibrations marxisantes, le pilote est un pays de pisse-froid sans idéologie qui compte ses sous et n'a plus rien à apprendre de personne. Un sacré chemin a été fait depuis le temps des icônes de la libération africaine, Lumumba, Nkrumah, Mengistu, Touré, Kabila, et … jusqu'à Mugabe, qui ont coulé le continent de manière grandiose.
La recherche d’efficacité est indéniable : on attire le capital souverain pour allécher le capital mercantile. On place le premier sur les projets longs à faible récompense financière directe pour laisser le second faire son beurre plus facilement et se multiplier en faisant des émules locaux. Le drame est qu’il n’existe que très peu d’entrepreneurs noirs africains. Ils vont dans les sciences molles, le judiciaire, la sociologie, la fonction publique, le commerce ou la musique, pas dans la sidérurgie comme le font par exemple les Indiens.
Question timing, il est assez curieux de voir l'implication sérieuse du Japon dans le développement de l'Afrique noire, au moment où l'Europe s'invente des raisons pour "dynamiser sans frais" ses structures de coopération traditionnelles. La Françafrique, un temps vouée aux gémonies a été réhabilitée par le cabinet noir de l'Elysée, tout simplement parce qu'on ne sait pas faire autrement et ne dispose d'aucun moyen supplémentaire pour relancer une coopération lourde. Or le Japon n'est menacé en rien par le sous-continent noir sauf par contrecoup d'une faillite régionale. Encore y aura-t-il toujours moyen d'accéder aux mines ou aux plateformes pétrolières.
L'Europe, elle, peut s'inquiéter que les ravages de la misère ne rompent les digues démographiques si la destruction des terres arables se conjugue à la famine et si le renfort asiatique s'avère insuffisant. Hormis l'agitation peu crédible au Darfour et en Iturie, elle reste sur ses positions classiques et donne des cours du soir de gouvernance. Elle se vautre dans l’humanitaire à tout va mais à peu d’effet, une véritable fièvre blanche ! Nos sauveurs ne comprennent pas de se voir parfois barrer l’accès aux zones sinistrées, c’est pour eux un droit acquis. Sans ce droit, ils disparaîtraient des listes de subsides, dons et legs. Terrible !
Si la crise alimentaire éclate, les digues se rompront. L'émotion suscitée par les images des migrants noyés en mer, celles du Darfour prémonitoires de la catastrophe sahélienne, comme autrefois celles d'Ethiopie, obligeront les pays européens à ouvrir leurs frontières à leurs opinions domestiques qui comptent aussi de fortes proportions d'immigrés africains. Les drames vécus par les villages noirs, par les métropoles surchauffées d’émeutes et d’exactions, seront insoutenables sur nos écrans, et les belles résolutions de quotas ou d'immigration choisie s'envoleront à mesure que les sondages de popularité du pouvoir s'étioleront.
Il s'agira de solidarité humaine et du temps nos gouvernements n'en auront pas pour lancer un groupe de travail et tuer la question posée.
La question est à mon sens suffisamment toxique pour que, à défaut de disponibilités dévorées par la Dette et les avantages acquis des secteurs protégés, nous acceptions un forte baisse de notre niveau de vie afin de dégager les moyens d'un développement réel de l'Afrique noire, mesurable et visible par tous.
Et les autres me direz-vous ? Les sud-américains, les océaniens et même ...... les nord-africains ? Les uns sont bien trop loin pour entrer dans le champ de nos responsabilités, l’Afrique et l’Europe partagent le même quartier d’orange sur cette planète, les derniers ont des phosphates, du fer ou des hydrocarbures, et des fermes agricoles en bon état ; et surtout assez d'orgueil pour se débrouiller tout seuls.
Concentrons-nous sur l'Afrique noire et rajoutons notre contribution à celle du Japon.
Pour terminer, je ferais observer que les trois vieilles nations coloniales qui se sont longtemps maintenues en Afrique noire ont une longue expérience de cette zone d'intérêt et qu'elle peuvent identifier plus facilement que d'autres les freins au développement, quitte à les briser ensuite directement, soit par l'intervention innocente de tiers. Il faudra faire rentrer de force dans la calebasse les génies tyranniques et allumer la mèche.
C'est une sorte de guerre économique préventive que nous devons lancer contre la misère pour notre propre survie. Il ne serait pas extraordinaire qu'il y ait quelques pertes ciblées pour préserver le timing.
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Le Japon attaque la question par le dessus (management), la Chine par en-dessous (travaux publics).
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