Accéder au contenu principal

Éthique d'infanterie

patrouille
Entre ces deux photos il y a deux embuscades dont une très meurtrière sur les circonstances desquelles nous revenons plus bas. L'heure des Rambos est passée !
patrouille
Le corps expéditionnaire français n'est pas en mission pour Paris-Match ou VSD mais pour défaire la Pieuvre et réprimer l'insurrection afghane qui la sert. C'est une besogne : revenons donc au règlement de combat de l'infanterie et travaillons proprement, en se gardant des quatre péchés capitaux du colonel Royal que l'on trouve dans son livre "L'Ethique du Soldat Français" : ...

- la perte de repères qui conduit aux comportements déviants ;
- l'orgueil ou le désir de gloire qui conduit à la faute ;
- la peur qui conduit à l'aveuglement ;
- la vengeance qui entretient la haine.

(1) La perte de repères est possible si la finalité de la mission s'estompe au bénéfice de l'impulsivité. Un certain recul psychique des cadres est à cultiver pour hiérarchiser les valeurs surtout dans des opérations complexes menées en zone de population.
(2) L'orgueil est le plus souvent guéri par la blessure sur faute d'orgueil et le désir de gloire ne commence qu'au grade de capitaine.
(3) La peur est maîtrisable par le drill en acquérant les bons réflexes quand tout se brouille.
(4) La vengeance manifeste une faiblesse mentale, et en pays de vendetta comme l'Afghanistan, elle est particulièrement néfaste pour l'image en ce qu'elle met le soldat qui s'y abandonne de plein pied avec le terroriste.

Appliquons donc le code éthique et cultivons une certaine modestie dans un pays dont nous ne comprenons aucune langue : il ne s'agit plus désormais de faire des crânes pour impressionner la rue Saint-Dominique et le Faubourg Saint-Honoré, ni d'avoir Ben Laden dans l'alidade et l'y maintenir en attendant l'ordre de stop qui ne viendra pas, mais d'honorer sa mission. Par exemple en Kapissa : la stérilisation des vallées de Nijrab, Tagab, Kapisa et Afghanya sur le piémont de l'Hindou-Kouch, accès alternatifs depuis la zone tribale pakistanaise vers Kaboul ; à partir de deux bases avancées à Tagab et à Nijrab ; c'est tout.

mirador de Nirjab
On patrouillera largement mais avec circonspection sous protection acier le plus loin possible (même si les Américains font pareil), avec des appuis (feu et air), en montrant de la considération à la population locale sans être naïf, et en gardant l'oeil sur les crêtes pour y déceler les cailloux qui bougent. L'important est ici de blinder des accès tactiques importants pendant un temps donné, en ramenant à la fin tout le monde à la maison. J'espère que pour y atteindre la chaîne hiérarchique a été renouvelée, vue l'accumulation d'insuffisances du commandement.

Pour avoir servi comme appelé au "front¹" (il y a longtemps) dans une unité sous-équipée par le ministère Pompidou mais engagée du second jour (129°RIM), je fus de ceux qui applaudirent à la professionnalisation des armées - sans doute aussi parce que je haïssais le principe de la levée en masse prémices des massacres que nous avons commémorés hier. Aussi fus-je surpris par les circonstances dramatiques de l'embuscade du 18 août 2008 qui mirent au premier plan des tacticiens de caisse à sable à qui l'on avait confié des vies professionnelles, mais peut-être plus encore par la seconde du 18 octobre où, engagés à trois contre un (dixit l'EMA), nous avons laissé un poste Milan aux pouilleux !
Ce n'est pas tant l'abandon du poste de tir en parfait état de marche avec 2 missiles(!) qui est grave que la preuve de sa non-protection ; sans compter le trophée offert aux insurgés qui excellent dans la guerre psychologique.
Ces messieurs forts en thème devraient étudier la technique pachtoune d'embuscade qui a fait ses preuves contre les Soviétiques en cliquant ici.

Contrer cette technique de combat participe d'une préparation basique qui commence par le renseignement, renseignement acquis par ses propres moyens, à un certain coût. Le 18 août toute la vallée d'Uzbin était dans le coup ; tout au moins "savait". Les interprètes se sont éclipsés avant l'ouverture de feu et les hommes de Sper Kunday se sont armés et ont renforcé les rebelles au crépuscule dès qu'ils ont vu que le combat traînait en longueur ! Les observateurs expliquent d'ailleurs ce paradoxe de victimes uniquement femmes et enfants dans les dommages collatéraux provoqués par un appui-feu trop débordant, par le fait que les hommes sont dehors à tirer avec les insurgés.
Quatre missiles Milan ont saccagé le village de Sper K. plus tard.

un jeune afghan, un soldat
La vieille technique coloniale d'immersion pour être informé est périmée, autant que celle de vouloir pacifier un territoire en montant des groupes d'autodéfense dans chaque collectivité locale. Les calculs américains convoquant 200000 hommes pour "tenir" le pays sont puérils. L'Afghan des campagnes penchera du côté du plus fort avec la conviction innée qu'il est lui-même le sel de cette terre. Les questions islamiques sont secondaires ; « un Afghan, quel qu'il soit, se sentira toujours plus proche d'un taliban que d'un soldat international » ; on est ici en plein débat patriotique !
Si les populations urbaines, leurs élites éduquées, les marchands et leurs enfants comprennent qu'une ouverture au monde garantit un mieux-vivre, les populations rurales, accablées de misère et d'arriération clanique - on dénonce comme taliban le village voisin détesté, un jour de noces -, obéissent au réflexe de xénophobie pour mettre leur malheur à compte d'autrui sans chercher à voir plus loin. Qu'y verraient-ils ?

rory stewartC'est bien pourquoi les recommandations d'un Rory Stewart à mettre le paquet derrière l'ANA² et les gouverneurs provinciaux sonnent juste. Arrivera finalement ce que les Afghans voudront. On ne peut pas "dresser" un peuple de 33 millions de montagnards. Il n'en demeure pas moins que nous sommes en Afghanistan pour protéger la France du terrorisme islamiste en participant à la destruction des foyers afghans et pakistanais (bientôt) et pas pour y importer la démocratie comme a voulu nous le vendre l'Administration Bush.

Nous nous battons pour les tours de La Défense, pas pour la réélection d'Hamid Karzaï. Ceux qui réclament notre retrait sont irresponsables ou, sans enfants, vivent dans un trou perdu de la Creuse. Ces gens nous haïssent à un point qui ne nous laisse d'autre choix que de les exterminer ... mais dans les règles codifiées.
Le colonel Benoît Royal dédicace son code éthique ce mercredi soir jusqu'à 20h à la Librairie Julliard, 229 boulevard Saint-Germain (M° Solferino). L’ouvrage (124p. chez Economica Ed., 18€) démontre, à travers une vingtaine de témoignages inédits, tour à tour émouvants, surprenants, voire dérangeants, que l’enjeu de l’éthique du soldat au combat n’est rien moins que le jugement de l’opinion publique internationale et par conséquent que la légitimité des opérations elles-mêmes. Nécessité de presse fait loi.

Note (1): Ligne Dortmund-Munich des FFA, forces françaises d'Allemagne
Note (2): Armée Nationale Afghane


patrouille VAB


Si l'article vous a plu ou déplu, vous pouvez aussi le faire suivre à un ami en cliquant sur la petite enveloppe ci-dessous :

Commentaires

Enregistrer un commentaire

Modération a priori. On peut utiliser dans la rédaction du commentaire les balises "a", "b" et "i" pour formater son texte.