lundi 6 juin 2011

Libye : le temps de l'infanterie

L'OTAN prolonge de trois mois ses opérations libyennes, ce qui veut dire en clair que Kahdafi et son dispositif tribal ont gagné la première manche. A charge de revanche donc !

Le secrétaire général Anders Fogh Rasmussen, le chef du Quai d'Orsay Alain Juppé, le secrétaire d'Etat Hillary Clinton, le ministre des affaires étrangères Franco Frattini, ne cessent de brandir les défections quasi-quotidiennes des ministres, ambassadeurs, officiers de l'Etat libyen comme autant de lézardes annonciatrices de la ruine de l'édifice. Mais une autocratie ne vit pas sur ses ministères. A preuve, les ministres du gouvernement Fillon pourraient s'enfuir aux Kerguelen qu'on n'y verrait aucun changement. On n'arrête pas de pilonner au même endroit, preuve donc qu'on ne peut percer la carapace de l'Immonde !

Qu'en est-il vraiment est difficile à savoir tant la communication est maîtrisée par tous les protagonistes. Ni trop près, ni trop loin mais mitoyenne se trouve l'Algérie. Qu'y dit-on de l'affaire ? Curieusement pas grand chose alors que les titres sont nombreux contre le régime syrien ; l'autre préoccupation algéroise est l'agitation sociale, le différent avec le Maroc, frontière d'Oujda ouverte ou fermée, Polisario et ONU, etc... on y parle aussi de la reprise de la guerre Nord-Sud au Soudan. Libye ? RAS.
Or chacun sait que les voies de recomplètement des dotations traversent les frontières du Tchad et de l'Algérie saharienne. On fantasme sur des stocks russes ou ukrainiens.
Les plus lucides sont aux pays du Maghreb ceux qui signalent le trafic d'exfiltration d'armes lourdes des dépôts libyens vers les groupes d'AQMi au Sahel. Si AQMi se retrouve doté des mêmes armes que les moudjahidine afghans (et arabes) de jadis, bonjour la sécurité aérienne en approche et au décollage.
On peut dire sans se tromper qu'à l'exception de la Tunisie marquée du sceau du détonateur et qui peut craindre des représailles de dictateurs à la fin maintenus, les pays arabes d'Afrique s'accommodent de la guerre libyenne et de la pénétration de l'OTAN tant qu'elle ne déborde pas physiquement chez eux. Peu de changement dans la politique arabe, le nez sur les chaussures.
L'OTAN aura-t-elle sa revanche ?


Elle engage maintenant les hélicos de combat au sol comme si elle descendait à ras des dispositions d'engagement de la résolution onusienne. On dit qu'une bataille est gagnée ou perdue sur les derniers cinquante mètres, c'est un travail d'infanterie, et comme le débarquement nous est interdit, il faut bien impliquer les autochtones mais en les y préparant convenablement. Ces bandes de joyeux branleurs qui tirent au ciel à tout moment sont inutiles et pèsent sur l'Ordinaire. Jusqu'ici les autochtones s'avèrent incapables de vaincre, et la défection massive des cadres gouvernementaux n'apporte pas grand chose à l'insurrection s'ils se planquent pour la plupart en Italie (clic). On peut aussi mettre en doute leur professionnalisme inversement proportionnel au poids des médailles de poitrine.
Nous avons vécu deux mois de stratégie de l'élastique logistique sans qu'aucun camp ne sache comment résoudre la pénurie de dotations au bout de la corde tendue. Et l'un de reculer vers ses dépôts quand l'autre s'éloignait des siens, pour rejouer plusieurs fois la même pièce inversée. L'armée libyenne est une armée de guérilla de mauvaise qualité, organisée pour des rezzous, pas pour refaire l'Afrikakorps !

Et demain ?
Les belligérants appliquent la lâche maxime maoïste des armées dans le peuple comme le poisson dans l'eau - le terme moderne est "bouclier humain". Même les Tigres ne sauront trier les combattants des civils, et nous, Français, savons que même une infanterie "importée" posée au sol fait ce tri avec beaucoup de difficultés dès lors que les soldats du soir deviennent les paysans du matin. La seule voie d'achèvement de ce conflit atypique est la victoire au sol des gens du cru qui sauront détecter les galons sous le chèche, qu'ils soient insurgés... ou gouvernementaux ! Un peu cynique mais vrai. Pour les contrats à signer avec la nouvelle armée de l'air libyenne, souhaitons celle des premiers. Mais comment l'obtenir ?
En subrogeant un état-major OTAN et une instruction militaire au règlement de combat qui fait terriblement défaut aux unités (de part et d'autre).

Les volontaires benghaziens doivent être incorporés (et soldés) et suivre une instruction accélérée¹ où prévaut la cohésion, la discipline (générale et de feu) et le maniement des armes russes de tous calibres.

On fait vite. L'unité d'instruction est la section à quatre groupes, ultérieurement portée sur véhicules. Tous les groupes sont à sept (1+6) ; trois de choc, un d'appui. La section est à 30 (2+28) à pied. L'unité élémentaire ne se dissocie pas, mais on peut la recomposer en trois groupes de chasse au besoin. Au bout d'une première période d'instruction de neuf semaines de six jours, l'unité est engagée progressivement sur la deuxième ligne de front dans un dispositif de compagnie à 100 (3x30+10).
On pourrait copier le programme des centres d'instruction d'infanterie européens qui marchent. Mais vu l'objectif d'engagement à très court terme, il serait utile, sans négliger les fondamentaux, d'appuyer sur les formations suivantes :
- Cohésion de l'unité de tous les instants
- Maniement des armes en ambiance de stress, discipline de feu
- Entretien de l'armement yeux fermés
- Conditionnement psychique poussé
- Manoeuvre différenciée des groupes (se situer dans un dispositif de combat)
Après l'engagement d'un mois, les jeunes unités seraient rappelées au centre pour un complément d'instruction et une spécialisation de cinq semaines dans un règlement de combat exécuté au sein d'un bataillon. Réengagées cette fois en première ligne, elles combattront deux mois, avant de retourner au centre pour cinq autres semaines.
Ces unités équipées alors des moyens nécessaires d'acquisition de l'information disponible devant eux devraient être commandées par des structures compétentes de niveau compagnie situées en retrait utilisant des "professionnels", eux-mêmes sous les ordres d'un état-major tactique OTAN extérieur.
La dernière période d'instruction viserait à qualifier les unités pour des manoeuvres au niveau brigade et éventuellement recompléter les tableaux. Restera à les aguerrir.

Si l'on veut compter, on formerait des compagnies d'infanterie qui comprennent les ordres au bout de 24 semaines (avec 15 jours de permissions intercalées). Si on commençait à la Pentecôte, le Conseil national de transition² aurait des bataillons professionnalisés vers la fin novembre. Ces gens de Benghazi que l'on dit ne pas être des perdreaux de l'année, pensent-ils qu'ils en auront terminé largement d'ici là ?


La résolution 1973 de l'ONU expire, si l'on peut dire, en septembre prochain. Il y aura beaucoup de morts sur la table ronde du Conseil de sécurité lors des débats si l'affaire n'a pas été conclue par l'OTAN. Si nous coupons tout chemin de retraite au clan Kadahfi, ils perfectionneront l'esquive et l'immersion populaire, et la situation de combat s'éternisera comme en Somalie. Mais s'ils voient la construction d'une armée libyenne "européenne", ils sauront que leurs jours sont réellement comptés car leurs compatriotes ne les traîneront pas en justice. Reste à peser sur leur détermination, mais au moment nous avons échoué.
Après la revanche, la belle ?



Note (1): Table horaire d'une journée au centre d'instruction, comme ça, pour voir.
05:00 Réveil et décrassage
05:30 Toilette, habillement
06:00 Premier repas et perceptions
06:30 Rassemblement
06:35-7:30 Ordre serré
07:40 Présentation à tous du programme de la journée
07:45 Mouvement vers le champ de manoeuvre (ou de tir) et exercice du matin ou tir à la cible
11:00 Collation sur place et repos
12:00 Instruction théorique tactique au tableau ou sur la caisse à sable
13:30 Exercice de l'après-midi mettant en pratique le cours
16:30 Fin de manoeuvre, retour au quartier
17:00 Toilette et rassemblement
17:30 Dîner
18:30 Repos (4j/7) ou prise de tour de garde (3j/7)
21:30 Extinction des feux

Note (2): On peut dire que le CNT a beaucoup glandé jusqu'ici sur la question strictement militaire.

3 commentaires:

  1. Le prince héritier dont les insurgés portent les couleurs (sans toujours le savoir) a mis en ligne son propre site web Mohammed el-Senoussi.

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  2. Press-TV, la chaîne iranienne de propagande, tient un dossier à jour sur l'insurrection libyenne, mais sur le drapeau tricolore de fond, elle a ôté le croissant et l'étoile des Senoussis.

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  3. Au jour anniversaire de la rébellion de Cyrénaïque, l'Etat n'a que des micros à parler dedans et aucune force organisée à soi. Il n'a pas d'armée digne de ce nom, mais des hordes ralliées ou pas le temps d'un avantage acquis ! Qu'était-il proposé en juin ?
    « Si l'on veut compter, on formerait des compagnies d'infanterie qui comprennent les ordres au bout de 24 semaines (...). Si on commençait à la Pentecôte, le Conseil national de transition aurait des bataillons professionnalisés vers la fin novembre. ».

    La construction de cette infanterie aurait pu être confiée à cinq centres d'instruction créés l'un après l'autre toutes les 9 semaines par clonage du premier, et débitant des promotions aguerries de 600 toutes les 24 semaines.
    A calquer la ressource sur celles de l'armée régulière d'alors qui puisait dans le même vivier, on pouvait avancer que le nouvel Etat libyen aurait disposé à la fin du mois de février 2012 d'une première brigade réglée d'infanterie, manoeuvrant en cravate, du type des tirailleurs nord-africains, et de deux autres à l'instruction, utilisables fin juin 2012, total 12 à 13000 hommes.
    Au lieu de quoi, le CNT qui ne représente plus que lui-même cherche à naturaliser libyens des pilliards de rezzou venus de tribus antagonistes. Pour récompenser chacun et se les attacher, on va distribuer des galons à des chefs de bande dont la notoriété est décidée par le nombre de tilts que leur nom déclenche sur Google.
    Mais si !

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