vendredi 11 février 2005

Ce Peuple qu'on abîme (IV)

IV./ Le bonheur à crédit (1981-2004)

Dans une stratégie de reconquête de leur pouvoir disparu dans les décombres de la IVème République, les Gauches françaises après avoir tassé dans leurs placards respectifs les cadavres exquis qui en empêchaient beaucoup de dormir, tentèrent de se rejoindre sur un programme commun de gouvernement qui par l’effet du plus petit dénominateur commun agrégea les plus vieilles lunes de l’idéologie marxiste-léniniste. Le peuple fatigué d’entendre qu’il ne sortirait finalement de l’épreuve du marché concurrentiel qu’en sacrifiant une partie de ses avantages sociaux et en travaillant plus énergiquement, le peuple peu disposé à lire dans le Programme les prémices naturels de son avachissement, laissa parler sa rancœur d’un Pharaon lointain et moqué, et choisit à une courte majorité l’archaïsme politique le plus ringard d’Europe, mais le mieux présenté.
La France cette fois encore se distinguait par la médiocrité de ses analyses collectives et son goût immodéré des mirages. Le corps électoral avait été formé à la revendication permanente et à la jouissance sans frein et à crédit. Il choisit le démagogue dans une ambiance de fêtes à outrance.
Que le nouveau président élu soit originaire du mouvement d’Action Française ne sera le gage d’aucun empirisme organisateur, au contraire s’appliquera t’on à mettre en usage les dogmes idéologiques du Programme, cherchant à en financer les extravagances par l’emprunt forcé camouflé en impôt et la nationalisation du crédit.
Le seul effet novateur de cette politique du déficit fut pour la première fois depuis des lustres de faire contribuer les paysans au pot commun de la nation. Jusque là ils étaient intouchables.

Comme à l’accoutumée, on poussa la réforme dans le sens social du « toujours plus » abonnant largement les masses laborieuses et démocratiques à l’état providence, comme pour les droguer.
Le massacre économique et moral du pays qui commençait à peine à se relever du "totalitarisme" gaulliste, ne s’arrêtera que lorsque les comptes de la nation montreront le chemin des abysses financiers qui s’ouvraient sous les pas du prolétariat dictateur.
Les « damnés chics de la terre » qui gouvernaient alors s’activèrent à conquérir les classes aisées et moyennes pour sauver leurs positions du désastre. Les feux étaient tous au rouge. Les comptes aussi.

On rappela les gestionnaires. Ils taxèrent pour survivre. Ils taxèrent le peuple bien sûr, les autres étaient partis.

Il s’avéra assez vite qu’au pharaon avait succédé l’avatar radical-socialiste de Laurent le Magnifique. Ses adversaires l'affublaient parfois de l'attribut "florentin". Il adorait cela et se vêtit bientôt des oripeaux autocratiques de l’image, puis sans aucun autre frein que les limites de son habileté, mit à sa botte la Justice qu’il découragea de poursuivre ses anciens amis francisquains, la Sûreté nationale qu’il dévergonda dans l’espionnage des conversations du tout-paris, et même la haute finance qu’il circonvint dans des initiations coupables promises à son premier cercle.
On chercha à déciller les yeux du peuple trompé en lui montrant que les avantages acquis au milieu de tout ce désordre ne pouvaient se payer qu’en accumulant les traites sur la tête de leurs enfants. Rien n’y fit, le peuple avait été shooté à mort ! Il ne voyait rien qu’on puisse lui arracher au moment et ne voulut se départir d’aucun privilège, quant à ses enfants ils se débrouilleraient bien tout seuls, comme il avait l'outrecuidance de le soutenir en évoquant des luttes qui n'avaient jamais existé que dans l'esprit enfiévré de racôleurs doctrinaires.

Mais le chômage rampant puis ouvertement déclaré comme une pandémie immaîtrisable montrait à tous que les voies ouvertes par la Vème République socialiste étaient pavées de chagrins. Alors ne croyant plus aux discours de préaux de ses élites politiques, le peuple balancera d’une élection à l’autre entre les interprétations ajustées d’une même politique de renoncement et de facilité. Jusqu’à se faire la démonstration que le mal n’était pas guérissable sauf à catapulter dans l’arène close de la nomenklatura gavée, quelque diable de Tasmanie qui la dévorerait. Ainsi crut-on un court instant qu’au pays des aveugles, un borgne ferait le roi !

On arrive aujourd’hui au terme du processus, la France est en tête de liste pour la confiscation par un Etat polymorphe putréfié sauf de la trique, des richesses produites par le labeur de courageux minoritaires, en tête pour le chômage chronique de ses travailleurs et la mise au ban des espérances de plus du double de ceux-là, en tête pour les jours non travaillés et les jours de grève. Les caisses de cet Etat sont claires jusqu’à en voir le fond, les coffres sont vides, chaque semaine le Trésor Public « convoque » les banques de la place pour couvrir l’échéance et sortir les salaires de ses nombreux agents. Un trillion d’euros de dette publique, d’argent que l’Etat doit à la nation qu’il a la prétention de gouverner, dette qu’il creuse sans cesse pour engraisser jusqu'à ne plus voir ses pieds quand il marche !

Jusqu’au jour où ce qu’on appelle « le service de la dette » - les intérêts des prêts consentis - représentera la moitié des dépenses de cet Etat, et que ses créanciers prendront peur ! Le premier à refuser les bons du Trésor de la semaine ne sera peut-être pas le premier à passer la frontière, car à ce signal, la bousculade sera générale.
Un mot, un seul, déclenchera la panique, un mot tel qu’Alexandrie dans une bibliothèque, ou Lapin dans un bateau à voiles, ce mot : « Argentine ».
Là-bas le péronisme stupide et triomphant d’un président syriaque s’acheva dans les cris et les pleurs du peuple au bord de l’émeute. Le pays dut sa survie à la confiscation de l’épargne privée accessible, celle du bon peuple donc, du moins sa fraction un peu fourmi dans ce pays de cigales, les plus avisés ayant depuis longtemps dépêché leurs avoirs aux paradis ad hoc.

Chez nous les comptes sont tous redevenus rouges aussitôt que la croissance économique qui masquait l’impéritie des gouvernements successifs depuis vingt-quatre ans, s’est estompée.
Les bateleurs qui nous gouvernent n’en finissent plus de communiquer sur la réforme incontournable sans vraiment l’entreprendre. Sauf à casser le système, ils n’ont plus les moyens de la vraie Réforme, et l’important n’est-il pas de « gagner les prochaines » d’abord ? Comme le fou qui se prend pour Spiderman et plonge du haut de l’Empire State, on peut leur demander à chaque étage devant lequel ils passent si « ça va ? ». Et eux de répondre bien sûr «que jusque là ça va ! ».

Le splash arrivant à la fin des fins, on prétextera de sa gravité historique pour confisquer avec des mines d’experts à sang froid et contre la promesse de tout vous rendre quand les poules génétiquement modifiées auront des dents, les économies populaires.

A moins que ce ne soit la génération suivante qui ne s’en charge, ayant un beau matin le sentiment de s’être fait volée au coin du bois par la précédente.
Ce pays autrefois moyen, pourra dès lors prendre le leadership des Petits qui grâce à nos références historiques s’en trouveront flattés!

(à suivre)

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