vendredi 11 février 2005

Ce Peuple qu'on abîme (V)

V./ Le Risorgiamento (2005-…)

La moitié de la France a du mal à admettre soixante ans après la Seconde Guerre Mondiale que la Communauté Européenne l’a sauvée d’un irrémédiable déclin, la forçant à se remettre en question, et en ouvrant un large marché de proximité à ses productions.
Six secteurs seulement se sont maintenus au rang international après bien des attaques provenant de l’intérieur même du pays :
- l’aéronautique et l’aérospatial
- la filière céréalière
- le génie nucléaire
- l’automobile
- le luxe inutile
- la biochimie

Les deux premiers doivent tout à l’Europe. Le dernier est encore très menacé.
Les activités ci-dessus s’exercent toutes sur le marché concurrentiel mondial. La tentation est grande parmi leurs acteurs de rechercher les meilleures équations de production et d’aller souvent faire faire ailleurs pour tenir et améliorer leur rang.
Il ne sert à rien de se dissimuler que l’Europe unie est un acteur économique de référence et de poids, alors qu’aucun de ses membres à l’exception de l’Allemagne ne peut émerger en force sur le marché mondial.

Pour bien comprendre il faut lister les PIB (GDP) en unités de compte comparatives :


N°1 : USA : 100
N°2 : CHINE : 58
N°3 : JAPON : 32
N°4 : INDE : 28
N°5 : RFA : 21
N°6 : GB : 15
N°7 : FRA : 15
N°8 : ITA : 14
N°9 : BRAZ : 13
N°10 : RUSS : 12
(GDP 2003 base dollars, source CIA-Index Mundi)

Où est la quatrième puissance du monde tant vantée lors de l’avènement de Pinarque Ier en 1995 ? Si rien ne bouge au-delà des incantations politiciennes, et cela semble être la maxime de la classe politique, la France finit dernière du TOP-10 dans très peu de temps, ex-aequo avec l’Italie, qui ne s’en sort pas si mal.
Il n’est pas outré de prédire que toute puissance économique inférieure au dixième de la puissance américaine sera tenue pour quantité négligeable par celle-ci, et devra faire où on lui dira de faire, dans le monde de demain.
Dans ce contexte il faut être myope (et rester poli) pour ne pas voir que sans l’Europe nous courions vers le statut enviable de réserve d’indiens la plus visitée au monde. Le pays est beau en plus !

A elles seules, les trois puissances continentales européennes (All+Fra+Ita) passent en 3ème position et avec le renfort de la perfide Albion, qui sait faire le même calcul que nous, surpassent l’Empire du Milieu.
Mais pour que cette puissance s’exerce dans d’autres domaines que l’industrie ou les services, et serve à nous protéger physiquement et culturellement, il faut que les compétences de chacune d’entre elles soient intégrées dans un ensemble qui se meut d’un même mouvement en permanence, comme le poing fermé transporte les cinq doigts où qu’il frappe. Au fait l’Espagne qui n’est que dans le TOP 20 apporte 8 points à notre coalition et le Bénélux 7. Avec six doigts à la main nous sommes redoutables.

Arrivé là, le lecteur comprend déjà que je tiens en piètre estime les souverainistes qui racontent des foutaises sur la France éternelle qui par son génie méconnu va s’en sortir haut les cœurs toute seule. A les écouter, à les suivre, à les laisser vaincre, nous finirions comme le Portugal, formidable pays d’Argonautes régnant jadis sur un empire planétaire, et qui est maintenant aux ordres des moins petits que lui, attendant le mandat de fin de mois.
Le dressage bruxellois du président Barroso épargne de longs discours sur les vertus de la force latente.

Et la France alors ?
Quid de son peuple prétendument abîmé ?
La France ne tiendra son rang que forte dans une Europe forte qui lui servira de truchement. Si nous avons encore des valeurs à faire partager par les gens de la planète Terre, pour leur bonheur, pour la justice, pour leur salut, pour n’importe quoi d’autre qui donne son meilleur sens à la vie humaine, sachons que seule l’Europe unie sera le vecteur disponible de nos ambitions, espérons-le, définitivement pacifiques.

Or l’Europe qui se répand comme on le voit maintenant et comme on l’annonce encore pour demain, se dilue, perd en force et conviction ce qu’elle gagne en statistiques. Cela sera un grand chantier de la "durcir". Il commence par un NON au référendum sur la Constitution de l'Europe molle comme une montre de Dali.

Parallèlement, la France qui fut au cœur du projet, s’est transformée en supermarché politique de sous-préfecture, et crève littéralement sous un état sur elle vautré et trois fois trop grand et lourd pour le pays relatif actuel. Les ambitions politiques qui fusent – il en faut pour avancer – sont clairement électoralistes et quelques part démagogiques obligatoirement puisque le système est fondé sur l’opinion du plus grand nombre possible, donc sur les convictions qu’on lui fait partager à la seule minute où il passe dans l’isoloir. C'est tout un art. Un art du trompe-couillon.
Et encore cela ne suffit-il jamais à trancher les avis contraires et mettre en œuvre la politique choisie démocratiquement puisque la fraction minoritaire se vengera de sa défaite par le sabotage systématique des projets annoncés ou même des décisions prises par la représentation du peuple légalement souverain !

La démocratie telle qu’elle se vit en France depuis 1875 est un théâtre d’ombres ou de marionnettes selon que l’on croit encore au grand Sanhédrin des maîtres de forge ou aux réseaux corruptifs d’une nomenklatura halée par les vacances et indéboulonnable.
Le pays pourrit par la tête.

Pour 61 millions d’habitants répartis sur un demi-million de km², il n’est pas besoin de toutes ces strates exécutives, législatives, administratives et ces assemblées qui ne représentent qu’elles-mêmes mais ne comptent aucun bénévole.

L’appareil de la république pourrait être diminué de moitié sans qu’on en souffre, à part bien sûr de désoeuvrement pour les fonctionnaires mis à pied, encore s’y sont-ils entraînés. Ce n’est pas qu’une économie budgétaire qui nous récompenserait de la réforme mais aussi et surtout la cessation du harcèlement administratif le plus souvent stupide – les chiffres sont les chaînes de l’esprit – qui freine tout élan, et vole du temps en permanence pour faire faire souvent aux usagers les ajustements de dossier que les bureaux multiples sont incapables d’administrer eux-mêmes. N'importe quelle administration transportée sans qu'elle le sache sur la lune pourrait y travailler en vase clos au moins un an avant que de s'apercevoir de son expatriation.

Il en va autant des corps représentatifs. Nous avons 346 sénateurs sans pouvoirs autres que de propositions, et 577 députés. En comparaison le Etats-Unis, sept fois plus puissants que nous, ont 100 sénateurs qui tranchent et adoubent les ministres du gouvernement de Washington, et seulement 438 représentants ; les deux réunis forment le Congrès qui vote le budget, à 538 !
Passons sur nos 1880 conseillers régionaux qui ne pensent qu’à s’augmenter dès que Raffarin aura le dos tourné ; et 3800 conseillers généraux de département qui sont peut-être les plus utiles car de plein pied avec les besoins du citoyen.

Comment voulez-vous courir vite si chaussant du 40 vous portez du 45 ! C’est exactement le problème de la France, elle a de trop grandes godasses pour atteindre la vitesse des autres concurrents dans le marathon mondial.

Ajustons-nous, ramassons-nous, condensons-nous. On peut encore les battre.

Un état central compact permanent, dialoguant avec une représentation nationale resserrée et compétente, élue pour un seul long mandat de neuf ans par exemple, les uns et les autres débarrassés des tentations démagogiques de l’électoralisme à tout crin. Des gens d'honneur puisqu'il en reste !

Au-dessous, faisons confiance au génie humain et laissons courir partout la liberté de faire dans les limites des lois et mœurs communément acceptées et défendues.

Combien faudra-t-il de temps attendre pour voir s’effondrer cette république à bout de souffle qui ne mobilise plus que la moitié de ses électeurs, qui pis est redivisés en chapelles dont aucune toute seule ne dépasse les quinze pour cent des votants, soit 7 ou 8% des ayant-droits à la carte d’électeur ?

La nomenklatura émigrée bientôt, sinon garée dans les hospices avec les baby-boomers jouisseurs qui n'en finiront pas de geindre sur leur moindre confort, les prévaricateurs bannis aux Kergelen avec le trop plein de nos prisons, la nation réconciliée avec un chef digne, honnête et respecté, viendra le jour de la jeunesse de France, celle qui ne se décourage pas, qui aujourd'hui s'expatrie sans hésitation dès qu'elle a un projet à porter, qui demain ensemencera à nouveau le pays de sa créativité, de sa persévérance, de sa pugnacité.
Et en deux générations nous redeviendrons le coeur battant d'une l'Europe unie et forte qui aura envoyé entre misaine et beaupré ses couleurs offensives juste au-dessus des nôtres.

(fin)

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