Lettre de Mgr le comte de Paris
A Monsieur Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris
Paris, le 3 février 2006,
Monsieur le Recteur,
Au nom des valeurs millénaires de la France, héritier des rois qui l’ont construite, je tiens à vous exprimer ma solidarité de chrétien.
Comment ose-t-on bafouer par des dessins caricaturaux ce que l’on n’a jamais imaginé, la face du Prophète Mohamed.
La honte nous saisit face à l’intolérable atteinte perpétrée contre le sentiment spirituel enfoui au cœur de chaque musulman.
Dans ce monde déboussolé, le respect du sacré aurait dû être le fondement d’un oecuménisme partagé. Des hommes de bonne volonté s’y sont déjà employés.
Ce n’est pas l’acte de quelque irresponsable qui nous détournera de notre détermination de construire une paix juste.
Acceptez, Monsieur le Recteur, l’expression de ma profonde amitié mais aussi de ma tristesse pour cette action insensée.
Bien à vous,
Très chaleureusement,
Henri, Comte de Paris
Et la question se pose de la place de l'islam dans le royaume.
On ne peut zapper la question comme on le fait à droite avec des slogans de verrouillage des portes de la cité, "stop" ! Ou pire, avec ce que l'on appelle sournoisement l'inversion des flux migratoires, qui serait une forme de déportation, en attendant quelque nettoyage ethnique sans doute. Il ne s'agit pas seulement d'étrangers musulmans qui voudraient imposer la manifestation publique et tapageuse de leur foi exotique, mais d'abord de Français musulmans qui ne désirent que vivre paisiblement la leur. Ne convoquons pas au débat les cohortes musulmanes qui sont venues nous défendre et parmi lesquelles s'est développé souvent un réel amour de la France. Laissons cela pour une autre fois.
Ils se disent cinq millions. L'administration n'en sait trop rien parce qu'elle n'a pas l'outil statistique. Combien sont-ils simplement de culture musulmane, combien de fidèles pratiquants, occasionnels ou fervents ? Qu'importe ! Les catholiques sont dans le même cas d'incertitude statistique. En fait personne ne veut vraiment savoir. Gardons ce chiffre rond de cinq millions.
C'est une masse qui a de quoi décontenancer, dès lors que l'on exacerbe le sentiment national ou simplement le trigone agricole, chasse, pêche et traditions. Et pourtant elle est incontournable, pour partie enracinée. Ses adversaires cherchent tous les prétextes pour la combattre, le premier étant la sécularisation des préceptes religieux, en un mot l'islamisation de la société civile. Si nous commencions par regarder cela de plus près. Allons en Egypte mais comme le temps presse satisfaisons-nous du reportage d'un sociologue suisse, Patrick Haenni, qui étudia l'évolution de l'islam pendant trois ans au Caire.
Contrairement à une idée répandue en Occident, l'islam n'est pas figé dans le wahhabisme bédouin ou l'intégrisme rural. Il bouge beaucoup. Ce sont même ses défauts les plus criants qui servent de ressort à sa renaissance. La classe moyenne arabe a été choquée d'apprendre que le monde musulman était en pleine décadence et son retard sur le reste du monde quasiment irrattrapable (Rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement). A lieu d'accabler leurs traditions de tous les maux, les gens initiés à l'économie moderne, les marchands, banquiers, industriels, hommes d'affaires en tout genre, la plupart éduqués dans les universités occidentales, se sont interrogés sur les fondements originaux de l'islam en les décrassant des apports salafistes ultérieurs.
Or cet islam des origines s'avère convivial, interactif, progressiste, capable de surmonter la prédiction du clash civilisationnel et de prendre sa part de l'Universel sans avoir à l'arracher à quiconque. Pour peu que l'on s'abandonne à une honnête piété, le discours de Dieu s'éclaire et d'abord s'entend. Il suffit pour cela de petits ajustements de la vie quotidienne, et non pas de grands renoncements. On devient facilement un musulman pieux et un manager réactif sans rupture d'aucune sorte. Libéralisme et piété pour son équilibre intérieur. Car cet islam moderne est d'abord une aventure personnelle, la réalisation de soi. Il y a déconnection avec la politique idéologique portée par Nasser, encore plus avec le Djihad des fous de Dieu. On en est arrivé au positive thinking des Américains.
Foin des "califes supérieurement guidés" de l'âge d'or du Salafisme, les Lumières de l'Islam ! Abandonnées aussi les nôtres ! Voltaire et Rousseau ne leur sont d'aucun intérêt ni secours. Et le parallèle est facile avec les "born again christians" américains qui entendent Dieu chaque jour et ont réorganisé leur priorités : plutôt que l'Etat, la raison et l'égalité, le bourgeois musulman va choisir aujourd'hui la religion, l'individu, la morale, la responsabilité. Son sosie étranger, ce n'est pas l'universaliste français - ça fera mal à certains qui se prennent chez nous pour les interlocuteurs privilégiés du Proche et Moyen-Orient - mais le néo-conservateur yankee. Son inspiration, il la puise dans la littérature de management qui, empreinte de morale, contourne l'Etat omnipotent et impotent, et s’imprègne des valeurs de la culture d'entreprises efficace.
L'islam des Lumières que les Républicains français veulent acheter à travers des jardins d'acclimatation comme le Conseil français du culte musulman, va disparaître dans les coulisses de l'histoire, à peine né. Une fois encore le pouvoir est à côté de la plaque.
Nous devrions donc favoriser non pas le communautarisme (béat) de masse, mais l'essor de cet islam individuel qui a le premier avantage de se recentrer sur l'âme du fidèle et laisse de côté la sécularisation de pratiques parfois mal comprises, pour ne pas dire la subversion rampante de la nation par des intégristes en guerre contre nos coutumes sinon nos valeurs. Que nos managers, pieux musulmans, réussissent et tout le pays en récoltera les fruits. Que les salons féminins foisonnent comme au Caire ! Que l’appétit de réussir sa vie matérielle et spirituelle soit satisfait sur notre sol ! Que la morale personnelle retrouve droit de « cité » sans être enfermée dans une communauté distincte du reste de la nation, qui s'en plaindra ?
Il ne reste plus qu'à faire pareil du côté des chrétiens. Et les valeurs sulfureuses de la République seront enterrées, sans révolution dévastatrice. Et l’on pourra sans être montré du doigt, apprendre la belle langue arabe au collège comme l'avait demandé Boutros Boutros Ghali, président [heu...sorry, ex-secrétaire général) de la Francophonie.
Approfondir ?
Patrick Haenni chez L'Expansion
Al Ahram (en anglais) sur le sémillant télévangéliste islamopop Amr Khaled
Le soufisme en cliquant ici ou là.
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Cher K,il est en effet à déplorer,que seuls les "excités" soient sur le devant de la scene.Il y a tout un courant "réformiste" qui peine difficilement à émmerger,demandant de toute urgence la réouverture de l'ijtihad.Le soufisme aussi,dans sa manifestation poetique est magnifique,notamment avec Ibn Arabi(1165-1240).Malgré tout,l'islam,dans son Livre Sacré,reste une religion marquée par la mentalité de l'Ancien Testament.
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