Ne voulant le laisser dans l'embarras je me suis aventuré à lui répondre, en trois volets comme d'habitude en France. La question est maintenant : Existe-t'il un quatrième caractère unique de cette monarchie différente ? Appel donc aux lecteurs de ce blogue.
La monarchie capétienne a trois caractères uniques :
* Elle est d'essence divine par l'onction du sacre
** Sa dévolution dynastique est régie par des lois automatiques
*** Elle n'est la vassale d'aucun empire passé ou futur
* La monarchie capétienne est d'essence divine par l'onction du sacre de Reims, pratiquée sous l'influence d'un rite hébraïque divinisant les rois d'Israël. Le sacre en lui-même conférait au roi, outre les attributs de la chevalerie suprême, la protection divine qu'il remboursera en protégeant la maison terrestre de Dieu, l'Eglise catholique. D'autres dynasties ont été sacrées ou bénies dans le même but de protection contre les vents mauvais de l'histoire ou les ambitions domestiques.
Mais l'onction ajoute quelque chose d'unique :
- d'abord elle fait le lien avec le premier roi catholique Clovis Ier qui fut oint par l'évêque saint Rémi à Reims par la grâce d'un miracle, celui de la sainte ampoule apportée dans la nef du sacre par la colombe du saint Esprit.
- ensuite elle crée le corps mystique du roi qui participe de l'éternité.
Le roi devient bien plus que le lieutenant du Christ sur terre, il revêt aussi des pouvoirs thaumaturgiques qu'il s'empressera d'exercer à chaque grande occasion. C'est le toucher des écrouelles.
La papauté refusera toujours l'onction du saint-Chrême aux autres monarques européens.
Paradoxalement l'onction du sacre libéra la monarchie française de toute sujétion vis à vis du vicaire du Christ sur terre (le pape) puisque la relation était établie directement avec l'étage supérieur, un peu comme il en va de l'empereur de Chine, interlocuteur privilégié des puissances célestes.
Deux conséquences historiques :
- le royaume ne pouvait d'aucune manière basculer dans la Réforme à peine de s'y dissoudre. La rupture avec l'Eglise catholique aurait représenté, outre le parjure, l'abandon de la relation céleste privilégiée. Ce caractère divin de la monarchie capétienne est peut-être un des freins les plus forts à sa présente restauration.
- deuxième conséquence, les poussés d'urticaire chronique du gallicanisme.
** La monarchie capétienne est régie par des lois de dévolution dynastique automatique, ce qui enlève (normalement) aux hommes toute ingérence dans le cycle répété des règnes. Ce sont les fameuses lois fondamentales qui sont un corpus juridique construit au cours des siècles et non pas un socle mythique (de la légende arthurienne). Ces lois ont été décortiquées dans une note précédente sur ce blogue et actualisée dans une autre.
Pour les "mérovingiens" du lectorat rappelons-les brièvement. Elles sont (d'après nous) au nombre de 7, comme les piliers de la sagesse :
C'est le faisceau soudé des trois premières lois ci-dessus qui est unique en son genre. Bien des pays ont cherché à juridiser son équivalent afin d'en terminer avec les disputes successorales, sans vraiment y parvenir, les circonstances du moment l'emportant le plus souvent. C'est donc une force du modèle capétien d'avoir résisté aux ambitions de tous ordres par ce dispositif cohérent et puissant. Il continue néanmoins à générer des oppositions assez vives dès qu'il brime les ambitions toujours légitimes de l'une ou l'autre maison qui se sent appelée à poursuivre le rêve capétien.
Nous rappellerons que cette automaticité induisant la prévisibilité, apporte la professionnalisation de la fonction : le dauphin ou l'héritier présomptif, est formé très tôt au métier de roi sans arrière-pensées. En application de quoi, les désordres dynastiques actuels seraient préjudiciables à la formation du souverain futur.
*** La monarchie capétienne n'est la vassale d'aucun empire. Le roi de France est empereur en son royaume. Il n'a aucun répondant autre que Dieu lui-même. Deuxième distance établie avec le Vatican, comme avec toute fédération européenne. Ceci date du partage de l'empire carolingien par les serments de Strasbourg entre Charles II le Chauve et Louis le Germanique en 842. Toutes les terres de la rive gauche du Rhin passaient sous la domination des Français, pour autant qu'ils les conquièrent. Les serments de Strasbourg furent le symptôme d'une fracture géopolitique de l'Europe du IXe siècle. Ils signalèrent la constitution de deux blocs: le Regnum, futur royaume de France, et l'Imperium, futur Saint Empire romain germanique qui se présentera comme l'héritier du vieil empire romain de l'antiquité.
L'indépendance française de tout empire renaissant sur les cendres de Charlemagne était affirmée. La transcendance apportée par l'onction du sacre en faisait autant vis à vis du pontife romain. Le même Charles le Chauve le fit savoir sans détours au pape Adrien II qui l'admonestait vertement dans une lettre, en lui déclarant « que les rois de France ne s'aviliraient jamais jusqu'à se regarder comme les lieutenants des papes, et qu'il eût, à l'avenir, à se départir de lettres de telle substance. »
Ainsi la monarchie française n'avait à répondre de rien à personne ... sauf à son peuple. Et c'est finalement ce rendez-vous qui fut manqué à la fin du XVIIIè siècle.
Sourire de l'histoire, Charles II finira empereur d'Occident, couronné par le pape Jean VIII, et battu à Andernach par les fils de Louis le Germanique qu'il avait dépouillés (876).
Il y a eu deux autres monarchies françaises, d'un modèle différent du modèle capétien : L'empire napoléonien et la monarchie libérale dite de juillet. Aucune des deux ne se réclame des caractères ci-dessus.
On restera moins affirmatif sur la monarchie mérovingienne qui aurait, malgré le coup d'état de Pépin le Bref, drageonné jusqu'à nous à ce que prétendent certains généalogistes distingués.
Les mânes de Childéric III, seront-elles celles de la renaissance d'une monarchie régnante qui ne gouvernerait pas ?
Votre dernier paragraphe serait-il une allusion sybilline au Grand Monarque qui d'après les initiés, nous arrive dessus au grand galop ??
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