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Héritage et compétences

C'est une question fréquente dès que l'on propose une monarchie successible héréditaire : "Le fils de ..., en situation de régner, restera-t-il le fils de ... ou s’imposera-t-il naturellement ?"
Les dernières élections américaines viennent de "consacrer" le fils Bush, ramené pour l'Histoire au sobriquet de "Dubbleyu". Le régime va l'expulser lentement.
Il y a bien plus longtemps, on se souvient que lors de l'avènement de Louis XVI, le peuple de Paris avait orné la statue de Henri IV au Pont Neuf d'une pancarte "Resurexit" exaltant la popularité du jeune souverain qui succédait à un long règne de 50 ans, difficile et souvent mal compris ! Le nouveau roi avait bien plus de connaissances livresques que le Vert Galant mais ni son tempérament ni sa poigne, et bien moins d’expérience que le défunt roi. Pourtant on le pressentait au niveau requis ; il représentait le retour de l'espoir, la compassion, la jeunesse d'esprit. Il avait d'ailleurs convaincu dès les premiers jours, en rappelant le Parlement (à la botte de Conti), ... ce qui serait finalement sa perte.

Le principe successoral avait-il pleinement joué son rôle ? Apparemment oui. Tant d'eau a coulé sous le Pont Neuf qu'on est en droit de contester maintenant le dogme qui veut que le principe prime le prince, car ce sont les princes qui ont perdu la vieille dynastie et non le principe monarchique, lequel par quatre fois fut exhumé pour relever la France, si l'on ajoute aux deux empires, Vichy et la Vè République gaullienne.

Le principe est actif comme on dit en chimie. Encore faut-il que le prince le soit aussi. Ou alors on parle d’autre chose.

Si le monarque est actif, par hypothèse dans les limites que lui octroie la constitution actuelle, il subit une exigence de compétences qui déborde la culture d’un simple honnête homme, à peine de devoir passer la main à son conseil privé, lequel peut fort bien corrompre l'institution en quelque conseil de barons dont la convergence ne garantira pas la qualité, ou pire encore, en oligarchie, agissant sur son propre agenda.
Les pouvoirs régaliens que le prince exercera sont peu nombreux mais chaque fois complexes. Dans un billet précédent, nous avions relevé la diplomatie, la guerre, la justice et la sûreté. Nous sommes déjà loin des chrysanthèmes et autres roseraies. Notons en passant que la dérive mortelle serait à mon sens l'extension de ces pouvoirs régaliens qui accroîtrait dans des proportions insoutenables l'exigence de compétences et obligerait à morceler l’institution.
Il ne suffit donc pas de confier nos espoirs au sacre.
Le bon sens indique qu'après une solide formation classique et multilingue, l'impétrant doive faire une école militaire et son droit, soit finalement juste un peu plus que ne font les fils d'Angleterre.

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Remplacer ce cursus somme toute soutenable par des études économiques permet de faire bouillir la marmite en attendant l'accession, mais préjuge d'une certaine distanciation dans le pronostic politique. C'est à quoi nous sommes confrontés.

Les conseillers gratuits qui staffent nos chapelles arguent de la profusion de compétences disponibles autour du futur roi, pour le décharger d'une si lourde préparation. En quoi ils se trompent. Le monde du XXIè siècle tel qu'annoncé, exige pour son administration des dirigeants de haut niveau capables de jauger la qualité des experts et de trancher rapidement. A l'évidence G.W. Bush n'en fait pas partie et ce n'est pas le haut niveau de son entourage qui aurait pu le "sauver". Seule une éducation poussée peut permettre d'obtenir cette vivacité même si elle ne la garantira jamais. Nous ne sommes plus à l'époque de Richelieu et Mazarin, même si le fusible du "premier ministre" existe toujours chez nous. La coordination de l'Occident dont la France doit être un acteur majeur malgré ses capacités mesurées, demande des choix clairs et lourds de conséquence. On ne peut se satisfaire de positions de compromis ménageant un consensus de conseil, non plus que de tergiversations motivées par le principe de précaution, sauf à accepter de voir ruiner nos efforts inlassables à maintenir la France dans le peloton des décideurs, à lui conserver une certaine autorité morale, très mal en point actuellement.
A moins que la monarchie revenue ne soit d'un modèle jusque là inconnu chez nous, du modèle scandinave.

A l'intérieur, le spectacle du gouvernement sera donné à un peuple de railleurs réputés, ameutés quasi-institutionnellement par les chansonniers de service. Aussi conviendrait-il de l'assurer de la maturité politique de leur souverain, car c'est le décideur supposé qui reçoit les lauriers ou l'opprobre, plus souvent que le décideur réel. Après des décennies de touristes politiques, à l'exception de quelques pointures ligotées par les partis, il conviendra de retrouver au moins un bon professionnel, même si on ne lui demande pas d'être le sauveur du Monde !

L'exigence de compétences se heurte aussi dans notre milieu, au refus de privilégier sur l'épure de la restauration, "l'homme providentiel". Cette méfiance s'explique parce que le syndrome de superman souille gravement la pureté mécanique du système monarchique capétien qui vit de son principe avant que de dépendre du prince.

Or demander des compétences aux héritiers ne vise pas à créer Superman. Il faut tant de choses pour obtenir un "super-héros", le charisme, la mâchoire, la force Krypton, l'intelligence, les aventures galantes et un bon profil à l'objectif. La nature peut bien produire ce James Bond dans une famille princière sans pour autant déclencher la confiance de la Nation. Or le pacte entre le roi et la Nation est celui de la confiance, sentiment qui est favorisé certes par l'affection suscitée par le glamour, mais qui ne dure pas si elle n'en est que le pur produit. Nos derniers hommes providentiels n'étaient pas de vrais choix mais des figures de confiance imposées dans des circonstances graves voire tragiques. Aucun d'entre eux n'avait du "glamour" au moment de leur accession, par contre ils détenaient des ressources réelles ou supposées en eux-mêmes, qui les désignaient au sauvetage de la nation : Napoléon Premier a duré quatorze ans, Louis-Napoléon vingt-deux ans, c'est le record, Philippe Pétain, la ténacité de Verdun, quatre ans, Charles De Gaulle, la ténacité de Londres, onze ans (ou sept si on le compte depuis 1962). Et tous ont été mis en faillite politique après qu'ils aient été convoqués au départ comme syndic de faillite du régime précédent. Superman avait pâli, vieilli et donné toute sa substance. Au suivant ! Au suivant !

Il y a un côté cannibale dans le rapport démocratique du peuple à son chef. L'électorat dévore le prince. S'il est de passage, on attend que le citron exprime tout son jus. Si le titulaire est au dessus des choix de la nation, le peuple, qui ne le craint pas, attend malgré tout de lui qu'il lui témoigne naturellement une forme d'amour, pour pouvoir le lui rendre ; c'est la théorie de l'affect que nous avons un peu développée sur ce blogue ; mais aussitôt dit, le peuple attend qu'il ne se laisse pas mener du bout du nez au quotidien par les hauts-fonctionnaires, les lobbies en tous genres, les experts en toutes disciplines, les pouvoirs transnationaux, tous intervenants que les Français ont appris à détester, parfois à tort.
Or de nos jours on ne peut se suffire "d'autorité" au sein d'un conseil. Même en son cercle restreint, il lui faudra démontrer, argumenter, prouver et emporter parfois l’enthousiasme. S'il est certain qu'il doive s'entourer de conseillers nombreux et affûtés, il devra être surtout capable de les choisir et de ne pas subir les choix de ses "amis". Les compétences de tous, roi y compris, devront être de haut niveau. Vaste question ouvrant sur de nombreux désenchantements.

Des mages de la Cause estiment que l'instauration d'une monarchie de type capétien en France ne pourra être pérennisée que si deux princes capables se succèdent aux commandes de l'Etat en donnant pleine satisfaction. C'est très compréhensible car il va falloir tout prouver après une rupture d'au moins deux cents ans et trois révocations ! Ces messieurs à la Thèse !

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Post scriptum

Nous entrons en campagne !
Royal-Artillerie, aimablement autorisé par
l'Alliance Royale, publie en fin de chaque billet, une des questions fréquentes auxquelles tout militant royaliste est confronté, avec ou sans commentaire du claviste.

QF.2 : Mais la royauté c’est dépassé ! On risque de revenir en arrière !

Quand vous êtes malade, ne souhaitez-vous pas retrouver, à l’avenir, l’état dans lequel vous étiez avant de tomber malade, à savoir la bonne santé ? Vous appelez ça revenir en arrière ? Vouloir l’instauration d’une monarchie en France, ce n’est pas vivre dans le passé, c’est s’appuyer sur notre Histoire et sur notre identité pour aborder plus sereinement l’avenir.

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