Partie III : Dispute et division de la baronnie
La maison de Peyrefort fera hommage au roi de France pour Hierle juste avant la guerre de Cent ans. Elle s'alliera plus tard avec les Seigneurs de Ganges réunissant enfin dans la même main tout le pays d'Hierle et sa seule porte d'accès au Sud. Cette position forte acquise sans grand effort, aiguisera l'arrogance des nouveaux Justiciers envers leurs vassaux.
C'est pendant cette période troublée de la guerre anglaise que la baronnie sera finalement divisée.
L'ancienne branche Estienne de la maison d'Anduze descendit un matin de son castrum de St-Martial et prit l'une des trois vallées, profitant d'une dispute entre deux frères Peyrefort qui avaient expatrié leur différent à Paris ! De toute l'histoire de la baronnie, c'était la première fois que le régime féodal ne se régulait pas localement par application du droit en vigueur en Languedoc (Nîmes, Montpellier ou Toulouse), mais par une décision de justice prise à l'autre bout du monde, au Parlement de Paris. La décision fut évidemment contestée, le dernier Seigneur justicier debout marqua sa victoire chèrement acquise en révoquant franchises et libertés coutumières de ses vassaux et et de leurs communautés (municipalités) ; et le pays d'Hierle passa au parti des Anglais !
La guerre finie mais pas les désordres, il était temps de retrouver la confiance de ses sujets et le 14 juillet 1451, le baron Peyrefort octroya une charte à la ville de Sumène, la plus remuante, lui permettant de se fortifier contre six vingt moutons d'or comptant, et le droit de leude sur toutes marchandises vendues à Sumène par des étrangers à la baronnie. Le grignotage ne cesserait jamais entre bourg et château à l'avantage du premier. Les franchises consulaires des bourgs construisaient un Etat distinct de la baronnie originelle, même si toujours imbriqué dans celle-ci.
La veuve du dernier baron d'Hierle n'ayant eu que des filles, vendit le pays en lots vers 1517. C'était la fin du Moyen Âge. Une dizaine de hobereaux fortunés se taillèrent des seigneuries dans ce qui avait été un simple baronnie militaire franque. Les lambeaux furent transformés en marquisats (4), vicomté (1), baronnies (3) dont une, la plus petite des trois, reprit le nom de Hierle ; et au XVIIIè siècle il y avait en plus douze Justices n'attendant que l'occasion d'être érigées elles aussi en dignités brillantes. La gloire d'antan de la maison Bermond, libérale et cathare, sentait maintenant le talc de Luzenac de perruques trop nombreuses.
Le modèle féodal s'était corrompu. L'adage fondateur "Nulle terre sans seigneur, nul seigneur sans terre" avait été amputé de sa seconde moitié. La noblesse se déracinait.
Il était bien vu dans les salons de la Renaissance, de critiquer le système comme une relique médiévale, le taxant même de période obscurantiste. A partir de sa division, il ne restait pas deux siècles à l'entité d'Hierle avant que de disparaître complètement, engloutie par la vanité des parvenus à bouclettes.
Le fromage des clercs
Neuf siècles de cessions, partages, réunions, franchises, rachats, divisions de droits, avaient fait le lit de la Chicane qui trouvait son pain dans l'inextricable. Certains reprochent aujourd'hui aux Croisades et à l'importation de moeurs byzantines le pourrissement du droit commun, bien que le Bréviaire d'Alaric n'ait été qu'une adaptation du code Théodose. C'est vrai qu'à comparer les actes juridiques du haut Moyen Âge qui sont limpides, et les rédactions aussi obscures que pompeuses des minutes du bas Moyen-Âge, on mesure la distance mise par les cuistres entre les savants et les administrés pour le renforcement du pouvoir des premiers.
Le foisonnement des règles était devenu un désordre inexplicable, fleuri d'injustices en tous genres, au bénéfice des mêmes qui se revendiquaient à bon compte les héritiers de droits immémoriaux. Agrippée à ses privilèges fiscaux, la noblesse sciait l'arbre qui la portait. A la terre, elle ne croyait plus !
Petit rappel sur la noblesse.
La noblesse constituée en état regroupait les personnes ayant acquis des charges à privilèges essentiellement fiscaux, ou les ayant reçues du souverain en rétribution de services éminents, d'une part ; et de l'autre, les possesseurs de seigneuries ou fiefs, les seuls nobles féodaux que des siècles plus tard on pouvait reconnaître encore à ce qu'ils possédaient des droits honorifiques comme la forme exclusive de leurs girouettes ou le crénage de leurs murs, prélevaient la censive et percevaient des droits utiles regroupés sous le terme de banalités.
Sans diminuer le mérite de quiconque, la différence était de taille (sans jeu de mots), et bien des droits injustifiés voire usurpés !
La République déboulant sur ce mescladis en promouvant l'utopie universelle et son corollaire immédiat, l'envie, allait démonter les pyramides féodales, anéantir les privilèges anciens au profit de nouveaux, et retourner à la centralisation forcée et à l'unification romaines.
Le vieux code romain devint le code Napoléon.
Avec cela, on allait fabriquer un homme nouveau, égalisé, interchangeable, déracinable et finalement corvéable à merci où qu'il aille, au prétexte de la liberté de tous et d'abord celle des puissants et affairés, cent fois plus qu'auparavant.
La boucle était bouclée, et la Hierle féodale allait disparaître pour de bon cette fois, en rentrant "dans le rang".
Il n'en reste rien, sinon que son territoire forme l'essentiel de l'arrondissemnt occidental du département du Gard, curieuse excroissance sur une carte que vous comprenez maintenant ; sous-préfecture du Vigan. A noter que la voie ferrée stratégique de Sommières à Tournemire aujourd'hui désaffectée, qui permettait de basculer rapidement des moyens militaires du sud à l'ouest du Massif Central, emprunte l'axe de la voie romaine Provence-Rouergue, construite pour ces mêmes raisons.
Remerciements
... aux âmes tranquilles de Louis Bousquet et d'Isidore Boiffils de Massanne, érudits passionnés d'archives introuvables, sans qui notre histoire, hors les grandes batailles, ne serait qu'un trou noir.
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Sur les Anduze, j'ai trouvé la généalogie sur le wikipedia portugais, je vais le traduire pour e français.
RépondreSupprimerhttp://ca.wikipedia.org/wiki/Senyoria_d'Andusa