mardi 24 avril 2007
Quatre vérités
J'aurais aimé éplucher les résultats détaillés du scrutin de dimanche dernier pour vous faire le plaisir de lister les villes ou territoires qui ont "élu" un candidat dès le premier tour en lui offrant 50% des suffrages, et ceux qui ont remboursé des petits comme la Nouvelle Calédonie qui a donné 5,83% à José Bové. Ce sera pour une autre fois. Les résultats sont accessibles facilement sur le site de Monsieur Baroin.
Je fais quatre observations que j'ai pour certaines débattues sur divers forums.
Le découplage du domaine régalien :
(suite du billet précédent, "Dérive monarchiste")
A l'exception notable de la requalification de la minorité des prévenus et des maisons de correction militarisées, le domaine de la justice n'a pas été abordé par les candidats, ni ce débat réclamé par l'opinion. De même, la dispute concernant les BACs et la police de proximité n’a été qu'effleurée. Le peuple veut plus de sécurité quelque soit le moyen d'y atteindre. C'est tout. Dans ces deux domaines, Justice et Sûreté, il y a pourtant des questions très importantes sur les limites des libertés individuelles en temps de "guerre larvée", questions soulevées par le Patriot Act américain aux Etats-Unis, mais pas chez nous. Trop compliqué.
Le "domaine réservé" du président, domaine coutumier et pas exactement constitutionnel, n'a pas été du tout abordé sauf de manière sarcastique pour relever les insuffisances apparentes du candidat socialiste lors de ses deux voyages promotionnels en Chine et au Proche-Orient. Les deux pouvoirs "réservés" sont la Diplomatie et la Défense. Pourquoi ont-ils été exclus de la querelle électorale ? Simplement parce qu'ils sont pratiqués l'un et l'autre dans des enceintes de choix rapides hors de portée du vulgum pecus. A quoi servirait-il de mettre sur la table électorale les problèmes posés par l'administration Bush dans la relation euro-atlantique ? A exprimer un mauvais choix, mauvais parce que tous les éléments d'analyse ne sont pas en libre accès, mauvais choix qui en plus lierait le futur président au motif faisandé du peuple souverain. Idem pour nos relations avec les producteurs d'énergie que sont les monarchies du Moyen Orient et le nouvel empire russe. Il n'y a rien à voir sauf à faire des études dédiées à ces questions complexes. Aucune de ces questions ne sera déterminante du second tour. Et que pensent les Français de leur défense ? Rien !
Ainsi s'est-on aperçu cette fois plus clairement, que les quatre pouvoirs de Justice, Sûreté, Guerre et Diplomatie n'étaient pas négociables dans les débats d'opinion(s). Or ces pouvoirs expriment parfaitement la permanence et la continuité de l'Etat fondamental. On y reviendra.
Le sursaut démocratique à l'étage sociétal :
Le qualificatif est moche mais "social" ou "public" sont galvaudés. La forte participation au scrutin trahit le goût populaire pour l'expression de choix politiques. En parallèle les préoccupations soumises au travers de toutes les doléances télévisées et les sondages, montrent que l'opinion s'inquiète de son quotidien et quasiment que de cela. Du travail correctement rémunéré, une bonne protection sociale, l'enseignement public gratuit pour tous, des conditions de fin de vie aussi dignes que la Nature l'autorise, un accès au rêve ouvrier : un bon logement chauffé et sa table garnie. Et point barre !
Si l'on rajoute quelques disputes entamant la morale collective comme l'euthanasie ou l'eugénisme, on voit que tous les débats ont tourné autour des questions sociétales. A noter que la colère des banlieues a fait l'objet de remarques dans les deux camps mais n'a pas été traitée au fond, même après les incidents de la gare du Nord.
Il apparaît bien que les gens se sont sentis très concernés par ces questions et il n'est pas présomptueux de préconiser qu'elles puissent être tranchées à l'avenir "démocratiquement" par des votations du type helvétique. Puisqu'on parle de VIè république, ce serait une bonne piste à y tracer. Evidemment qu'une vraie décentralisation de la vie politique améliorerait encore la démocratie directe.
A noter en passant que ceux qui bénéficient de la TNT ont pu suivre des débats d'un niveau un peu plus relevé sur des chaînes comme Direct8, avec des gens cultivés et avisés qu'on laissait parler.
Les ralliements obligés par le modèle de scrutin :
Le scrutin uninominal à deux tours exige de convaincre les électeurs dont le candidat est éliminé de la compétition de rejoindre l'un des deux poursuivants. Cette conquête de votes supplémentaires n'est pas immorale en soi s'il ne s'agit que de les convaincre un par un ! Les moyens modernes de propagande sont bien adaptés. Mais ça ne se passe pas comme cela.
Le raisonnement qui consiste à penser que l'électeur lambda est quasiment incapable de se déterminer en son âme et conscience et qu'il a besoin de guides, remet en selle les battus et leurs appareils auxquels est confiée la tâche du ralliement. Et là, c'est le marchandage de souk. D'autant plus sûrement que derrière se profilent déjà les élections de 577 députés au scrutin uninominal à deux tours qui par sa nature, ouvre grand la porte à toutes les combinaisons.
Ainsi le discours de madame Royal à Melle, dimanche soir, était-il intéressant voire séduisant - elle a pris le temps de le peaufiner - sinon même convaincant. Mais nul n'est une île, encore moins le chef de l'Exécutif. Et lorsqu'on voit le ramas d'idéologues sectaires qui se pressent à son soutien et obtiendront obligatoirement ses faveurs en cas de victoire, notre enthousiasme à peine né s'éteint. Déjà que sur douze nous avons qualifié au premier tour une moitié de communistes et trotskystes à la surprise du monde entier, Cuba y compris, on voit se mettre en marche à gauche les morts-vivants de l'archéo-socialisme, et déjà retentir au soir du premier tour sous la coupole du Colonel Fabien le slogan ridicule du "fascisme ne passera pas" ! Ce ne sont pas des Kärcher qu'il faudrait importer.
Le vote militant :
Tout électeur sauf un peut exprimer son refus de choisir entre deux candidats dès lors que cette alternative ne peut être tranchée en conscience. Il vient au bureau de vote, glisse un bulletin blanc dans l'urne et dit "aucun n'est le bon pour moi" ! Il peut aussi bien y glisser un voeu que l'on découvrira au dépouillement. Si deux cent mille personnes expriment le même voeu le même soir il finira par être connu. Les résultats donnent 536000 bulletins blancs ou nuls, il y a donc de la marge.
Le un, celui qui est interdit de vote blanc, c'est le militant politique, qui par son engagement a vocation à briguer tout de suite ou plus tard des responsabilités politiques, locales, régionales, nationales et pourquoi pas, accéder un jour aux étages du Pouvoir.
A ces étages il n'y a aucun vote blanc. Le responsable est convoqué tous les jours à exprimer obligatoirement un choix, et souvent dans des alternatives que sa conscience repousse ou même qui interpellent ses compétences immédiates.
Il n'est pas mauvais que les jeunes militants s'exercent à exprimer leur choix même s'il est déplaisant, ça développe l'analyse critique fondée sur l'examen des faits et situation réels. Il y avait autrefois dans l'armée une méthode dite de raisonnement tactique qui permettait de briser ce genre de noeud gordien. On ferait bien de s'en inspirer dans les cours de formation des cadres du parti.
Pour ma part, je ne voterai pas ViveLeRoi comme le proposent d'éminents responsables de la sphère monarchiste, mais Nicolas Sarkozy, pour barrer les allées du pouvoir à l'armée de freux de Madame Royal, des gens que je juge néfastes sinon hostiles au pays qu'ils font passer après leurs convictions politiques. Il faut toujours choisir ce qui est bon pour la France quelque soit le dommage collatéral éventuel au parti d'où l'on vient. Cela est impossible à un socialiste. Même le plus noué en doctrine comme François Hollande refusa à Lionel Jospin la réforme des retraites et la remise en cause des régimes spéciaux au motif que c'était néfaste aux classes d'électeurs du parti socialiste. Et pourtant Jospin avait une fibre trotskyste avérée ! Les exemples abondent, et dans la majorité chiraquienne aussi d'ailleurs !
Pour finir sur une pique - ça fait très sans-culotte - je décerne la plume de fiel à Laurent Fabius.
Sous le côtelé populaire du velours, cet éternel jeune premier ministre est ranci jusqu'à l'os de n'avoir pas succédé "naturellement" à François Mitterrand. Lors des tribunes du dimanche soir il appelait indirectement et fort adroitement à l'insurrection dans le cas où Sarkozy gagnerait le second tour, l'accablant d'intentions brutales. Ce n'est pas la première fois qu'il fait dans le pronostic actif !
Un seul me semble adaptable à la réforme nécessaire parce que ça l'amuserait, Jack Lang ! Un autre serait capable de la mettre en oeuvre, Strauss-Kahn. Mais mon choix est fait, et François Fillon que je verrai bien premier ministre, m'inspire confiance.
Au second tour on élimine !
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