mardi 28 août 2007

Diplomatie volontariste ou velléitaire

Sarkozy aux ambassadeursLe discours aux ambassadeurs du président Sarkozy ressemble à une loi-cadre de notre politique extérieure bien que les termes soient moins diplomatiques que ne le réclame normalement l'exercice. Cela nous change des rares discours du prédécesseur mêlant dans le même paragraphe le choux, la chèvre et le loup ! La feuille de route qu'emportent avec eux nos représentants diplomatiques, n'est sans doute pas la plus simple ! Jusqu'à se demander dès fois si cette propension à déclamer publiquement les programmes n'est pas la force même du ressort nécessaire à leur mise en oeuvre. Je fais ce que je dis !

L'action est lancée sur neuf axes. On en attendait sept pour faire un chandelier. Derrière les "comités de sages" et les mots "identité, valeurs, nation" qu'en est-il ?

Le G8 passe à 13. C'en est donc fini de la connivence occidentale qui permettait une fois par an aux équipes alliées de travailler ensemble sur les gros problèmes de la planète et d'évaluer les menaces posées par les exclus. Le G13 deviendra un forum médiatique comme un gros Davos, une occasion pour tous de passer à la télé en compagnie des plus grands. Finalement la dilution inévitable des convergences et les paillettes parfois agaçantes de la mise en page, finiront par le tuer. Est-ce le but ?

Union européenne. La construction institutionnelle devient une "priorité absolue". Le traité simplifié, qui a expurgé la constitution giscardienne de ses ambitions pour ne retenir qu'une mécanique, doit passer, au moins pour concourir à la gloire de l'originateur. Il n'est pas interdit de penser qu'il améliorera notre pouvoir décisionnel au Conseil. Tout le reste est assujetti aux conditions de mise en oeuvre et au dévoiement probable que la Commission opèrera. L'adjectif absolu nous indique qu'il sera ratifié par le Congrès de Versailles, excluant le risque référendaire au motif justifié qu'un second refus formel tuerait l'Europe.

A nos amis souverainistes, je ferais observer que pour obtenir un référendum sur cette épineuse question - sans prétendre ignorer que la réponse populaire est rarement donnée à la question posée - il vaut mieux gagner l'élection présidentielle. C'est ça la République, le vainqueur d'un jour divise, écrase et commande pour 5 ans !

L'Iran n'est pas admissible au club atomique.
Depuis l'effondrement du régime baasiste à Bagdad, la République islamique d'Iran n'est menacée par personne qu'elle puisse réduire au silence par l'arme atomique, la Russie étant trop grosse pour elle. Dès lors on peut partager l'opinion de beaucoup de chefs d'Etat de la zone, Israël et Egypte compris, que la quête nucléaire iranienne vise à favoriser son hégémonie sur tout le Moyen Orient. Qui ne serait d'accord avec cette précaution élémentaire d'un refus catégorique d'ADM pour un régime aussi agressif que celui de Téhéran ?
Il ne s'agit que de lui vendre la contrepartie. C'est un pays de bazars.

Irak et Etats-Unis. Même sous Chirac nous sommes restés des alliés responsables en dehors de la dispute irakienne, collaborant dans les domaines du terrorisme et de la traque afghane. Par contre les éclats inqualifiables de notre opposition à la guerre préventive d'Irak nous ont coupé de la discussion à bâtons rompus et sans arrière-pensées entre nous, ambiance nécessaire quand justement on veut se dire les quatre vérités.

C'est d'abord ce climat plus serein que le président Sarkozy veut établir avec notre allié de référence. A partir de quoi il pourra poser à son homologue américain la question qui fâche : « Al Qaïda vous a attaqué le Onze Septembre et vous a fait 3000 morts ! L'hydre n'a pas été réduite significativement depuis, ses responsables vous narguent, et vous avez rajouté 3000 morts de votre bord dans une guerre déjà perdue. Quelles sont vos intentions pour savoir si et comment nous pouvons vous aider. » Parce qu'en définitive ce sont les OPS français qui ont mis la tête de Ben Laden au net dans l'alidade de visée, par deux fois, pour se voir refuser l'ordre de tir ! Les Américains n'ont encore "rien vu".

Kouchner en Irak par Chappatte
Proche Orient. Il est significatif que dans cette partie du programme on se paye de mots, laissant de côté toutes précisions concrètes. Les acteurs sur zone sont tous en décomposition et il est inutile d'avancer des pions. Aussi « soutiendrons-nous toutes initiatives utiles » si d'aventure ...

Afrique. On l'attendait sur ce domaine car le continent noir est l'enfant chéri de la République. Les réseaux Foccart, Pasqua et Papamadi ont été démantelés sous la présidence précédente pour être remplacés par d'autres, plus strictement économiques. Les pivots militaires sont maintenus à grand frais mais la contemplation de la situation terriblement dégradée ne peut suffire, non plus que la remise des clés au NEPAD qui a fait la démonstration de sa vacuité en l'absence de tout investissement extérieur lourd. On sait bien que le développement de l'Afrique est primordial si on veut sauver les équilibres démographiques en Europe, mais ayant tout essayé, il est temps de passer à une vraie guerre, la guerre à la misère. Sans concessions ! Sera-ce la teneur du discours sarkozien annoncé pour le 25 septembre à New York.

Plutôt que de proposer l’électricité nucléaire aux « pays musulmans » (entendez aux Arabes et aux Iraniens qui sont capables de se payer l'équipement) il serait plus juste de construire une grille énergétique sur toute l’Afrique noire, pour débiter du courant à faible prix jusqu’au dernier village. Lénine disait que le communisme c’était « le pouvoir des soviets plus l’électrification du pays tout entier », pour les soviets on verra plus tard, mais pour l’électricité ça urge.

Russie. Le comportement hégémonique du Kremlin pose un faisceau de questions stratégiques graves. On peut regretter que le programme d'hier ne développe pas les intentions françaises, à moins qu'il ne s'agisse que de contrer le nouveau Csar en coulisses pour ne pas effrayer les intérêts économiques français en Russie. « Quand on est une grande puissance, on doit ignorer la brutalité » a-t-il dit néanmoins à l’intention de Vladimir Poutine. Mais dans cette question nous sommes impuissants seuls.

Défense. Notre position sur la défense en Europe n'est pas claire. « Avancer de front vers un renforcement de la défense européenne » ne veut rien dire. Il n'y a que deux objectifs à mettre en ligne : (1) une intégration militaire partielle mais réelle des forces françaises, britanniques et allemandes sur les théâtres d'opérations européens, et laisser rejoindre les autres ; (2) une mobilisation budgétaire importante qui ne peut être décrétée présentement chez nous en l’état de nos finances publiques. Cela implique de mettre de l'ordre sérieusement dans nos propres affaires.

Nous n'avons rien à dire en Asie, ni en Amérique du Sud. La France entre dans son costume de puissance régionale. Quand il aura été parfaitement retaillé, l'Europe nous disputera le siège de membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU. Mais est-il plus sûr pour notre nation d'être forts dans sa zone naturelle d'influence plutôt que faibles et dispersés de par le monde entier en y exerçant une vocation universelle que bien des peuples ignorent ? On ne peut courir le 3000 steeple avec des galoches de 45 si on chausse du 41. Je préfère le recentrage continental, quitte à se rédéployer dans une décennie si nous avons réussi le recalibrage.

« Une France plus forte chez elle est la condition de son influence au-delà des frontières » aurait dit monsieur de La Pallice. C’est basique mais c’est en résumé le reproche principal que fait Nicolas Sarkozy à Jacques Chirac, d’avoir tout laisser couler à l’intérieur au bénéfice de son agit'prop internationale. Ce qui l’obligea à ravaler ses rodomontades chaque fois qu’on demandait à la France de concrétiser ses positions. Je ne sais si le sursaut nécessaire se produira avec son successeur. Pour l’instant tout est calme. Les Français assistent blasés au spectacle, sachant bien qu’il n’y avait aucune alternative.

Bien dommage que l'Alliance royale n’ait pu accéder à la campagne officielle pour faire la différence et passer un message cohérent et nouveau. Il en serait resté quelque chose, surtout dans le domaine régalien.

Juste avant ce discours aux ambassadeurs, le chancelier allemand Angela Merkel était en visite à Pékin. Le ton n'était pas très diplomatique non plus et les Chinois qui jusque là comptaient sur l'indulgence du pays le plus puissant d'Europe au motif des échanges juteux dont il bénéficie, ont rencontré une "habituée" de la chanson communiste née en RDA, qui appelle un chat un chat et le ciel de Chine un cul de four. Elle sait que le buzz du protocole de Kyoto est lié aux Jeux olympiques de 2008 et elle ne se prive pas de ce levier écologique pour tempérer l'offensive chinoise vers l'Europe en l’obligeant à ralentir ses usines polluantes. Diplomatie active les pieds au sol au bénéfice de tous. Décidément on ne les refera pas nos cousins-germains !

2 commentaires:

  1. A vrai dire, la France n'a rien à faire nulle part, car elle n'est pas en mesure morale d'imposer ses avis ni même de prétendre en fournir.

    On peut le regretter, mais son échec que vous dénoncez, à établir depuis cer dernières années une position cohérente et solide continuera de peser longtemps sur l'influence générale, y compris le bénéfice économique, à laquelle sinon elle aurait pu prétendre.

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  2. Une puissance impécunieuse n'est pas une puissance.
    La France est devenue un brasseur de vent.

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