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Mammouth démocratique

la VertuJ'avais appris à l'école des Frères que la démocratie était le régime de la vertu, et je le redis souvent, pour m'en moquer un peu, autant du moins qu'ils mettaient d'ironie à nous l'apprendre.
Sans méconnaître qu'aucune des autres formes d'organisation politique n'est exempte de reproches quant à la promotion des malhonnêtes ou des médiocres, on peut ouvrir les yeux sur l'actualité parlementaire de ces derniers mois pour s'étonner. Alors que la Nation avait montré un intérêt revenu pour la chose politique dans une participation plus grande aux scrutins 2007, la représentation nationale joue contre son camp, par sa cupidité.
Elle fait notre travail.
...

La course aux prébendes a fait rage aux législatives de juin à tel point que les programmes déroulés normalement par les candidats pour convaincre leurs électeurs furent carrément mis sous le boisseau si tant est qu'ils aient même existé, le ralliement à untel en tenant souvent lieu. Pour savoir qui finalement aurait quoi, toute l'énergie des candidats fut dépensée dans leur reclassement partisan, le plus près possible de la motte de beurre. A gauche pour une position présidentiable au PS, on était hollandais, royaliste, fabiusard ou strauskyste selon les détestations du moment et les livres annoncés sous presse ; à droite, on se tâtait entre sarkoziens du canal historique (les plus éreintés dans la distribution des maroquins!), sarkoziens centrés (de la lignée Gaudin-Méhaignerie), bonapartistes galouziens (une poignée d'irréductibles obligés de baiser l'anneau du petit reître, ceux qui hurleront plus tard à l'ADN).
Le goût immodéré des castings télévisuels du président a emporté bien des convictions résiduelles, chacun revenant à la soupe à la fin, bien sagement.

Restait le Marais. Les deux tiers avaient déserté le camp de François Bayrou à tout bon motif - ils voulaient faire triompher leurs idées! - cachant mal leur qualité de rationnaires du parlement. C'est la clique des fuyards de l'UDF emmenés par le triste homoncule Morin, qui rallieront l'UMP en tant que harkis bon chic bon genre, et qui cherchent depuis lors à passer pour un parti afin d'encaisser les subsides promis par la loi électorale à ceux qui font leur trou ! Ce n'est pas leur cas, ils exigent donc que la loi inique soit changée. Ce sont simplement des crevards et leurs camarades de banc les ont envoyés se faire voir à la Mairie pour préserver une image meilleure de la majorité présidentielle. Il faut savoir au moins se tenir à table.

L'honneur reste au MoDem qui n'a pas dévié de son axe.
CavadaIl n'est dès lors pas étonnant que la greffe de carriéristes mal élus n'y prenne pas. Le calcul de probabilités électorales ne peut laisser indifférent l'ambitieux qui met tout au service de "l'ardente obligation de sauver le peuple" que lui ont confiée les voix insistantes de la République à la pleine lune. Par tous moyens, il doit répondre à cet appel de détresse, faille-t-il trahir si les sondages lui font obstacle. Trahir pour sauver Paris ? Trahissons ! Ainsi l'animateur retraité de la Marche du Siècle (sic), un certain JMC, élu au parlement européen sur un scrutin de liste (donc sans contact charnel avec l'électorat) a entendu l'appel de l'UMP le soir au fonds des bois du 12ème arrondissement, où l'on n'attendrait plus que lui pour éjecter l'evzone de service. Et ce petit monsieur, infatigable phraseur des plateaux, se propose de convaincre François Bayrou de venir avec lui à Canossa chez le prince. Si celui-ci refuse, ce sera donc par la faute de son obstination que JMC rejoindra la petite horde des fuyards de M. Morin ! Sioux !

De très bons auteurs nous ont montré depuis l'Antiquité que la démocratie se pervertit naturellement ; essentiellement parce qu'elle n'est pas applicable à l'imperfection de la nature humaine et reste une construction théorique, nous dirions simpliste. Le bon sauvage ne l'est pas. Il est égoïste, macho, intéressé. Le contrat social dans lequel on moule les sociétés humaines est à la merci de la Force s'il n'est pas transcendé. L'arithmétique démocratique fait ressurgir les clans. Dans notre société du spectacle permanent le concept est devenu un "opérateur" idéologique qui dépolitise la vie publique pour déclasser les vraies questions sociales au rang de phénomènes sociaux. Dans l'exploitation (consentie) de la masse inorganisée des individus par les oligarchies économiques qui viennent de se renforcer avec l'arrivée aux affaires de M. Sarkozy, on traduit toute aspiration politique au sens noble, en recherche inconsciente de bien-être, et le bien-être est satisfait nous dit monsieur Leclerc par la consommation de biens. D'où la dictature du pouvoir d'achat dans le discours.
Pire, les oligarchies étatiques qui policent la masse des consommateurs d'ordre et pour compte le bizness, brandissent à leur manière l'égalité des droits pour consolider l'inégalité des conditions d'application. Les régimes spéciaux ont été institués pour compenser les inégalités de traitement et conditions des catégories retenues. Mais surtout, le régime est foncièrement pervers parce qu'il fonctionne à l'homéopathie : on y infuse le mal au prétexte d'un mieux.

Que les oligarques sont moins aimables, et la démocratie de niveau national ou régional est un vecteur potentiel de dictature, qu'elle soit du "prolétariat", des "mollahs", des eurocrates ou plus personnelle, comme en Septimanie !
Par contre elle reste un moyen efficace (et un peu lâche) d'arbitrer des choix sous la loi du nombre dans des circonscriptions d'immédiate proximité, si le souci du bien commun est privilégié localement dans les esprits, ainsi qu'on y parvient en Suisse. Les hommes naissant égaux en droits, il est présupposé qu'ils aient un avis sur le fonctionnement quotidien de leur cité et que l'on choisisse chaque fois la solution majoritaire en voix. Disons que c'est bien plus facile d'application ultérieure.

On mesure qu'il faudrait une sacrée culture politique de l'électorat pour y infuser le doute qu'au niveau national et qui pis est au-delà, la démocratie soit une escroquerie. Son modèle indirect, représentatif, le seul jouable au-delà du canton, ne vaut que ce que valent ses représentants. Et là il y a beaucoup à dire de la représentation nationale française, sans avoir à verser dans la polémique ou la critique de sa puérilité en séance. Que dire alors du parlementarisme européen ? La Babel de Strasbourg est un exil doré pour les battus du système uninominal, et une véritable supercherie, toute dans la main des greffiers.

palais bourbonL'intérêt général, le sens commun, sont complètement écrasés par le clientélisme inhérent à la démocratie, et les combines de partis. La réforme des cartes judiciaire et hospitalière, indispensable à la réduction de l'Etat pachydermique, est combattue à l'Assemblée au motif local, ce qui est un détournement de la fonction législative. En outre cette fonction est prise pour un métier, ce qui contredit le principe même de la République qui veut renouveler le vivier de ses législateurs de rencontre par la remise en jeu périodique des postes. Combien de nos maires, sénateurs ou députés meurent dans le fauteuil public, à demi-gâteux ? Cette défense du métier oblige au cumul des mandats pour "tenir" l'électorat de la conscription locale, sous le prétexte risible d'avoir un pied dans le pays réel. Il ne s'agit pour eux que de gérer la température de sa circonscription par une action quotidienne visible et le saupoudrage d'avantages divers, dès fois mesquins. On imagine mal les députés se suicider en votant l'interdiction de cumul. Même les bonapartistes comme Myard défendent le cumul !

Ce souci de la carrière et la pratique des réciprocités - la vie politique est un bazar oriental - offrent des lots de compensation à des politiciens désavoués par leurs électeurs mais connus du Bazar. Afin d'avoir des lignes verticales de suzerainetés, on a même créé des fonctions régionales qui bizarrement sont réservés aux politiciens écartés au plan national. L’important, comme dans le Milieu, est de bien se connaître d'abord afin d'échanger en confiance. Cette condition serait difficile à remplir si les têtes changeaient trop souvent. Le soutien, à défaut la connivence, plane jusqu'au-dessus du camp adverse. Et les représentants de se croiser avec l'air entendu qu'on prêtait aux aruspices de Rome !

La Représentation métastase en continu. Que sont toutes ces satrapies sans argent ni pouvoir législatif ? Les fromages de la division 2. Plus la machine partisane est grosse plus elle aimante d'échanges de bons procédés, et la région fait partie maintenant du bâti, les fondations restant les conseils généraux tant que Chirac sera au Conseil constitutionnel. Du canton à Matignon, un gros parti finit par devenir un Etat dans l'Etat ; et même si le système américain des dépouilles n'est pas francisé, le bourrage des fonctions administratives est la règle. C'est la chance des cancres et des cuistres et parfois même des voleurs, qui vont carriériser l'aubaine. Au résultat c'est une énorme machine politico-administrative qui sans vergogne mange sur la Bête, sur la Banqueroute.
Où gît dès lors le Bien commun ?
Dans les livres !

parlement strasbourg
Il faut dénoncer l'amoralisation de la représentation nationale, même si le dernier des justes doit être un communiste (ce qui est probable). Il faut démonter inlassablement l'escroquerie démocratique de niveau national, les cumuls indécents, les captations de fonctions en viager, et se garder surtout des "démocrates" qui finalement le sont bien moins que nous, si nous appliquons sincèrement la maxime de La Tour du Pin reprise par Boutang :
"le droit du prince naît du besoin du peuple".
Qu'a-t-il besoin de tous ces "avocats" ?

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Commentaires

  1. Le problème c'est que notre député ne représente pas sa circonscription, mais la Nation, tout comme le président, le gouvernement... Tout le monde représente tout le monde et la France n'est pas gouvernée.
    En Angleterre, pays de la démocratie, le député représente leurs circonscriptions. C'était aussi le cas sous la Restauration.

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  2. Le sénateur à vie (* 1/4 de siècle déjà au palais du Luxembourg) Jean Arthuis a ouvert les hostilités contre François Bayrou, au moment où celui-ci déclare sa flamme pour la mairie de Pau.
    Lui aussi veut rallier la cantine UMP, parce que le gentil françois serait devenu un épouvantable dictateur à la tête du MoDem-UDF et le désavantagerait!
    on pouffe !

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  3. Cette critique est justifiée. La difficulté sera de trouver le bon système pour révoquer cela !

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  4. Nous sommes toujours dans cette professionalisation du législateur qui invite l'élu à devenir un "fonctionnaire" du parlement.
    Soit la professionalisation est indispensable, et alors on devrait s'inquiéter plutôt de l'exécutif, soit elle usurpe le principe du mandat démocratique, auquel cas nous sommes en oligarchie déclarée.
    De toute manière c'est malsain car il n'y a plus dans les deux cas aucun garde-fous.
    Voir dans quel abîme le fondé de pouvoir de la "Oil & Gas" a plongé les Etats-Unis en seulement 2 mandats présidentiels de 4 ans, est un sujet d'étude pour les écoles de sciences politiques.

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