Je pense que la réforme profonde de l'Etat ne pourra se faire qu'en temps de crise et que la fenêtre d'opportunité sera brève. Autant dès lors aller au fond des choses une bonne fois. Nous ne parlons aujourd'hui que du parlement. Même si l'Opinion (le peuple moderne) ne lui montre pas l'hostilité qu'elle avait à son endroit sous la III° République, elle le méprise et pour tout dire elle ne le ressent pas issu d'elle. Le conflit soulevé par le Traité Simplifié entre les doctrinaires du peuple souverain et les pragmatiques des chambres sans foi ni loi, a creusé un peu plus l'écart.
Remettre en route une monarchie passe par un recalibrage de la fonction législative et sa concentration sur les affaires publiques, exonérant donc les affaires régaliennes de son contrôle et souci. Il en résulte un abaissement des prérogatives du parlement d'un côté, mais de l'autre, une présence plus efficace sur son "coeur de métier". C'est ce que nous allons voir. Nous laissons le Sénat pour une autre fois.
Deux pouvoirs sont portés au Palais Bourbon, un pouvoir décisionnel et un pouvoir représentatif. Jusqu'ici il a été prétendu en France que l'un s'opposait à l'autre, plus on représentait large, moins on pouvait décider. D'où cette construction biscornue du scrutin majoritaire uninominal à deux tours par circonscriptions découpées selon les résultats à en attendre, destinée à fabriquer des majorités parlementaires ! En face de l'assemblée, une moitié de la France la regarde qui n'a jamais pu y entrer. Le pouvoir représentatif est gravement entamé.
Comment réconcilier les pouvoirs décisionnel et représentatif ? Par la force, mein Oberstgruppenführer ! Plus gentiment dit, en poussant les députés irrésistiblement à décider ! Si l'on y parvient, la proportionnelle est possible, et donc le pouvoir représentatif est amélioré, remettant dans le jeu politique les ailiers et les abstinents.
L'Alliance royale veut extraire l'Assemblée nationale de quatre collèges départementaux : entrepreneurs, salariés, familles et collectivités locales. Il y a quelque chose de non-dit pour les deux premiers collèges : je vois mal l'Assemblée fonctionner entre le bloc des Medefs et celui des CGTs. Ce que feront celui des familles et celui des collectivités entre les deux premiers, m'échappe ; surtout sur mandat impératif. En outre je doute que le bétonnage des collèges départementaux puisse inciter aux réformes dont ce pays a besoin. Sauf à nous expliquer le pourquoi de l'a priori et surtout le pronostic a posteriori, c'est peut-être sur ce socle politique nouveau que le parti royaliste sera le plus critiqué. Le reste, fors le roi qui est une solution plus qu'un problème pour une V° République en mutation continue, est déjà dans les tuyaux. Merci monsieur le Président.
Réparer le déficit démocratique par la proportionnelle oblige donc à réfléchir au fonctionnement d'une pareille assemblée en France, pays de présidents et de partis.
Ce billet n'a pas la prétention de présenter tous les systèmes proportionnels, il est des accès en ligne (1, 2, 3, 4, 5 et plus) qui s'en chargeront mieux que nous. Notons que les méthodes mathématiques impeccables déroulées au XIX° siècle au titre du Progrès ont généré les pires contestations motivées par la frénésie des magouilles partisanes révélées ou subodorées, toutes destinées à fausser en amont le procédé mathématique pur.
Si l'on souhaite une représentation des opinions politiques du pays, la proportionnelle intégrale sur une seule circonscription (la France) est le plus sûr moyen de les voir toutes dans l'hémicycle. Elle implique un scrutin de listes national. Son inconvénient est la distance ressentie entre le député et le citoyen, quoique nous soyons nombreux à ne ressentir aucune proximité avec notre député actuel. Tout dépend bien sûr de la fonction réelle du parlementaire. Pourquoi monte-t-il à Paris ? Pour défendre ses électeurs, sa communauté, contre quoi ?, ou pour assurer une fonction indispensable au fonctionnement sage de l'Etat, réfléchir et approuver des lois de portée nationale, surveiller le gouvernement. A Paris il est plus normal de réfléchir à l'intérêt général de la Nation. La défense de ses mandants est mieux logée dans une assemblée régionale ou locale.
Si l'on souhaite quand même voir représenter le "pays profond" au palais Bourbon, il faut des circonscriptions électorales territorialisées au lieu de la liste unique. La circonscription de baillage est encore utilisée aujourd'hui dans le scrutin majoritaire uninominal ± d'arrondissement à deux tours. Quand la procédure est terminée, elle laisse de côté la moitié du pays au principe fondateur de la division démocratique ! On n'y peut plus rien, le complexe de majorité est dans les gènes de l'électorat. Les élections sont un match de coupe avec obligatoirement un perdant. Qu'elles ne le soient plus et la participation déjà faible tombera sans doute de moitié.
A accepter la division démocratique, il me semble que le système de scrutin uninominal au tour unique est le plus clair, le plus simple et partant le plus honnête : le premier arrivé monte à Paris. Qui peut contester un tel résultat ? La critique la plus forte contre ce procédé est qu'il laisserait de côté un total de bric et de broc souvent majoritaire en voix. A quoi nous répondons que c'est d'une part la situation actuelle dès que la procédure est instrumentalisée par les partis politiques, donc douteuse, et d'autre part que de la simplicité naît la confiance. On peut accorder une fraction des sièges de députés au total des brics et des brocs afin de les laisser parler, et sauver l'image du pouvoir représentatif.
On pourrait aussi faire des listes régionales ouvertes ou bloquées qui concourraient sur un nombre de sièges nationaux affectés préalablement à chaque province, voire constituer le parlement de Paris d'une partie des conseillers provinciaux, voire de leurs délégués. D'une manière ou l'autre, arriveraient sur les bancs de l'hémicycle des représentants aux opinions plus variées qu'aujourd'hui.
En dehors du mode même de scrutin, le ressort de la réforme du parlement est dans l'approche de la fonction par les impétrants. Aujourd'hui, un candidat député a un projet de carrière parlementaire, cocarde, gros traitement, retraite surprivilégiée, studio à Paris, meublé, draps chauffés. Il faut que la motivation redevienne politique et que le sens de la défense du bien commun prime la "gloire", l'avidité, la corruption passive. Réduire déjà fortement le traitement serait tout indiqué en surévaluant le "sacrifice" à consentir pour servir ses concitoyens. Etre intraitable en cas de corruption (en interdisant le sursis dans ce type d'affaires dès lors que le prévenu est parlementaire) pourrait redorer le blason de la représentation nationale. Si les députés sont pris au sérieux par leurs électeurs, peut-être le seront-ils en séance.
Dans un esprit de "banalisation" de la fonction parlementaire, je verrai bien le mandat unique, non répétible ; voire répétible une seule fois après marchandage constitutionnel. Par contre je ne vois aucune raison de limiter le cumul des mandats dès lors qu'on n'y fait plus fortune. Certains sont mieux disposés que d'autres à la chose publique. Le mandat à un seul coup aurait le grand avantage de renouveler le sang du parlement, d'éviter les dynasties, tout en se "privant" des compétences acquises d'expérience dont on n'a nul besoin dans cet exercice du pouvoir, et peut-être de mettre fin au comportement de potache en hémicycle qui a le don d'agacer singulièrement le contribuable spectateur des débats.
Ceci étant posé, voyons maintenant la mission du représentant élu, dans le cadre d'un projet institutionnel semblable à celui de l'Alliance royale qui détache les pouvoirs régaliens de affaires publiques :
Contrôler le gouvernement des affaires publiques par le vote des budgets ministériels, Voter le budget régalien et la liste civile en bloc, Approuver les projets de loi soumis par le gouvernement, Voter la confiance au gouvernement, le censurer, se saisir de projets de loi et d'enquêtes veillant à défendre l'intérêt général.
Comment faire converger les députés issus de la proportionnelle pour sauver le pouvoir décisionnel ?
Le règlement ne doit compter que sur lui-même pour favoriser les convergences. Même si l'on peut espérer une prise de conscience de la puérilité des comportements antérieurs qui auront conduit à rappeler le roi et l'ordre, il faut baser la motivation du député sur ses intérêts propres. Le premier est la réalité de la prébende. Il faut la prendre en otage. L'homme est ainsi fait que les honneurs et le numéraire qui s'y attache, priment la sagesse. On gouverne par les vices mieux que par les vertus. Il convient donc d'aggraver les conséquences du "mauvais esprit" partisan et celles du blocage idéologique de principe.
Censure par le shadow cabinet
Il est une première disposition simple :
Toute motion de censure parlementaire contre le gouvernement devrait être déposée par un gouvernement alternatif en attente. La motion serait conduite par le chef-candidat au gouvernement, celui-ci étant formé avant l'ouverture du scrutin (tout au moins les postes ministériels), et ce afin de prendre les affaires du pays en charge sans aucun délai à l'issue de l'éventuel succès de la censure. Finies les expositions médiatiques des chefs de l'opposition sur motion perdue d'avance.
La censure provoquant l'alternance au gouvernement ne pourrait être suivie d'un refus de la confiance au nouveau cabinet sauf à entraîner la dissolution de l'assemblée.
En revanche aucune loi ne pourrait forcer le consentement du parlement. L'article 49-3 est inique dans une enceinte démocratique et donne la mesure du mépris du pouvoir législatif dans la constitution.
Dissolution budgétaire
De même pourrait-on considérer que le refus du budget régalien, qui serait l'acte parlementaire le plus grave, entraînerait la chute du cabinet désavoué et dissoudrait en même temps l'assemblée, la cohabitation de deux étages (régalien et public) hostiles, étant jugée mettre en danger la sûreté de l'Etat.
A l'étage des budgets ministériels votés par l'assemblée, on pourrait disposer que le refus d'un budget sectoriel entraînerait la révocation du ministre désavoué, mais une seule fois, le refus d'ensemble du budget "public" entraînant quant à lui la dissolution de l'Assemblée et quarante jours de viduité de l'hémicycle.
Pilori médiatique
Notons que la praticabilité du scrutin proportionnel est fonction de la recherche ultérieure du bien commun (voire intérêt général) par l'assemblée élue. Les représentants qui s'en écarteraient et manifesteraient des pulsions infantiles devraient être cloués au pilori de la presse (éternel 4è pouvoir qui promulgue l'indignité médiatique). L'empirisme organisateur prouve l'efficacité du procédé qui a ruiné tant de carrières. L'exercice de la démocratie parlementaire exige des qualités morales et une parfaite assimilation des rôles de chacun, selon que son parti participe ou non au gouvernement. Il importe que l'opposition joue pleinement son rôle en s'opposant systématiquement aux projets du gouvernement afin qu'il pousse sa réflexion jusqu'à ses derniers retranchements. En revanche, il devrait être réputé indigne de la part de partis coalisés de trahir la coalition avant l'échéance posée au moment de sa formation. Quelle liberté leur resterait-il, me direz-vous ? Celle de légiférer avec pénétration et sérieux.
Certes, on sait que les démocraties française et italienne ne sont pas matures (chantage des mini-partis coalisés, blocage par tsunami d'amendements, champagne en séance pour fêter la censure, claquements de pupitres, hurlements festifs, horions festifs, etc.) et que des artifices de loi électorale dénaturant complètement l'expression des choix populaires sont nécessaires pour y obtenir des majorités, parfois précaires, ce qui est le comble ! Ces assemblées "jouent" à la démocratie sur des schémas combinatoires usés qui ont multiplié les preuves de leur inanité et les déconsidèrent ; ce qui indique peut-être, qu'à la réflexion, la démocratie parlementaire n'est pas faite pour ces pays latins ! Il faut en tenir compte.
A ceux qui rêvent de mettre fin aux partis en France, je signale que ce pays est l'héritier des Gaules.
Reste à écrire le règlement d'assemblée ... pour lever le diable caché dans les détails.
Réclamation personnelle : Aucune question au gouvernement ne devrait pouvoir être lue en séance. C'est un exercice oral qui réclame de l'aisance - on est en France, merde ! - et pas une récitation de CM2 ânonnée par des néandertaliens, comme on le voit chaque mardi, à tirer dans le poste ! Que les cons restent assis !
Fin de la réclamation.
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Laissez-vous le Sénat de côté pour le supprimer plus tard ???
RépondreSupprimerAu-dessus des conseils municipaux il y a 6 chambres au moins, qui interagissent avec eux :
RépondreSupprimer- conseils généraux (département)
- conseils régionaux
- conseil économique et social
- assemblée nationale
- sénat
- parlement européen
sans compter les chambres de commerce et les chambres de métiers qui produisent beaucoup.
Le bicamérisme classique est dépassé, les "sages" ne sont plus uniquement au sénat. Economisons cette strate politique de dormeurs.
Depuis la 3è et la 4è République les régimes purement parlementaires sont mal vus à cause de l'instabilité qu'ils diffusent dans toute la classe politique.
RépondreSupprimerComment articulez-vous une juste proportionnelle et une stabilité du gouvernement ?
L'Italie nous montre que ça ne marche pas. Sommes-nous si différents ?
Si le parlement laisse passer l'instabilité - je ne crois pas qu'il la favoriserait par calcul - il devrait être déligitimé et dissous.
RépondreSupprimerMais il y a d'autres mesures moins extrêmes auparavant.