Il est un exemple frappant, celui de la carte orange francilienne rebaptisée électroniquement Pass Navigo. L'une comme l'autre sont nominatifs et sans limite d'utilisation autre que les zones tarifaires souscrites pour une période donnée. Pourquoi ? Simple réflexe bureaucratique : il faut identifier l'usager bénéficiaire. On ne peut, que je sache, voyager à 2 sur le même trajet à la même minute avec une seule carte. Vous avez la carte ou pas. Pourquoi est-il interdit de passer la carte à quelqu'un d'autre quand vous ne voyagez pas ? C'est une carte de transport, pas d'identification ! Et bien non, l'esprit de flicage est enkysté à tous les guichets, passer la carte est un délit ferroviaire punissable d'une forte amende. Vous contrevenez au flicage national de normalisation.
Prenons cette fois l'exemple d'une recherche d'emploi. A la moindre requête, On vous évalue, vous jauge. Qu'il faille produire un curriculum vitae pour un poste de responsabilité, soit ! En êtes-vous capable, saurez-vous diriger les autres, détenez-vous ces compétences ? D'accord. Mais pour un emploi non qualifié, seule devrait compter la période d'essai (la plus courte possible d'ailleurs). Qu'est-il besoin de connaître la vie antérieure du candidat quand il ne s'agit que de tâches d'exécution. C'est au pied (et en haut) du mur qu'on voit le maçon. Non ! Le moindre bureau, le moindre comptable d'entreprise voudra savoir. Il faut savoir ! Dès fois que vous voleriez la pioche !
A ce point de l'article, je critique la participation de royalistes à la guéguerre anti-CPE, mesure qui visait à simplifier au minimum les relations entre les candidats non qualifiés désirant travailler et les employeurs ayant des heures de travail disponibles. Les cohortes universitaires (donc non concernées par le contrat) ont participé à la défense des Bureaux ! Tous ces bureaux qui "gèrent" la force de travail à travers les obscurités du Code le plus lourd du monde, se trouvaient dépossédés d'un soupçon de pouvoir par le CPE. Dommage de nous être égaré à défendre la Matrice.
Les Bureaux prolifèrent, il n'est de jour qu'on n'annonce l'ouverture d'un nouveau. Les prochains seront lancés sur les "Quartiers" pour la coordination du plan Amara, dotés de 20 millions d'euros chacun, ce qui est énorme mais bien dans l'air du temps où il faut faire "gros". Allant au plus près, j'ai dénombré les "bureaux" présentés dans le bulletin pratique annuel de ma commune de 33330 habitants :
Les services classiques d'abord :
- Accueil (3 agents au comptoir en permanence), Archives, Etat-civil, Urbanisme, CCAS (Action sociale), Education-enfance, Police municipale et Services techniques (bâtiments, ordures, voirie, jardins, cimetières et marchés), Conciliateur de justice.
Les services de confort :
- Bibliothèque, Sports, Logement social, Crèches (6), PMI (protection maternelle et infantile), Foyer des migrants, Busphone à la demande, Dispensaire municipal, Pôle emploi (et Cyberemploi) qui doublonne avec l'ANPE et l'AIDE intercommunale, installées sur la commune, Foyers-restaurants (2), Maison de retraite publique, Bains-douches (ce n'est pas un night club).
Les services d'apaisement électoral :
- Info retraités, Prévention jeunesse (centres de vacances), Trésorerie locale, Centres de loisirs (6), Pépinière d'entreprises, CLIC (Centre Local d'Information et Coordination) des retraités, Ecrivain public, Conservatoire municipal de musique, Musée municipal dédié à l'activité locale de base, Théâtre municipal, maisons de quartier (5), salles des fêtes (2).
Sont aussi présents sur la commune les bureaux départementaux courants comme la CPAM, le Planning Familial et la Caisse d'Allocations familiales.
J'en ai certainement oubliés ou pas vus au niveau de la coordination d'ensemble.
Viennent ensuite en renfort les associations (donc a priori gérées par des bénévoles) : la liste est longue ; j'en ai dénombré 20 pour l'action sociale, 10 pour la santé, 70 pour la vie culturelle et les loisirs, soit une centaine, toutes actives ; la foire annuelle aux associations est populeuse et très courue. Le problème n'est pas avec elles, mais avec les services municipaux ou antennes départementales qui dupliquent les domaines d'action ou d'intérêt, subventionnent pour surveiller, et finalement chapeautent tout ça. La différence d'attitude est nette : les bureaux avancent la main paume en dessous pour montrer leur pouvoir - ils n'en cèdent jamais une once - et évaluent en continu leur environnement et les individus qui s'y meuvent pour adapter l'action politique et la communication qui la soutient. Les associations tendent la main simplement, attentives à la situation momentanée du requérant et à sa cotisation ! C'est tout ! Le cas-type c'est les Restos du Coeur. Il y en a un aussi chez moi, pour pallier aux 35h des bureaux peut-être ?
Une société gérée par les associations est plus libre qu'une autre gérée par les Bureaux. Un ami revenant des Etats-Unis m'a bien expliqué cela. Les associations de votre quartier de résidence s'occupent de tout, jusqu'à l'école des enfants, et vous devez cotisez à chacune d'entre elles. Il va sans dire que ce mode de gestion sociale met tout le monde sur un pied d'égalité, et parfois suscite des accommodements temporaires avec les usages si apparaît une perturbation dans la population agglomérée sur cet espace. Administration huilé. Peut-être que le monde associatif correspond moins à l'individualisme français exacerbé par l'existentialisme sartrien, mais en vérité, c'est un exercice sain de démocratie de proximité immédiate, qui forme vite à l'exercice de choix politiques plus larges. Dans notre propagande pour une helvétisation, ça le fait ! :)
Bien sûr, au-delà du quartier ou de la ville, la société moderne sophistiquée dans ses échanges complexes, ses interactions, appelle la régulation des comportements économiques et moraux, à peine de sombrer dans le chaos. Le Président vient d'y ajouter le moteur de la foi ! Mais quand cette régulation s'uniformise sur tout l'espace politique, au principe d'égalité devant la loi, on atteint vite à la bureaucratie, que nous définissons ici simplement par, une arrogance qui applique en détail des choix décidés très loin au motif qu'ils sont écrits, là, sous les yeux morts du préposé ! L'article #. dans son paragraphe §. quinties 2. dispose que ... ! Taisez-vous !
Le Bureau commande, alors que l'association écoute, ne serait-ce que par politesse.
Alors quand on étouffe sous les règles, décrets, amendes et frais moralement indus, le pouvoir alarmé au souvenir de révoltes antérieures, dérégularise, élague, simplifie, au grand dam des Bureaux qui agitent aussitôt leurs bras syndicaux, prevenant le bon peuple qu'il va se retrouver, sans eux, tout nu, livré au monstre libéral. Cette éducation du peuple à la protection des Bureaux est infusée en intraveineuse dès l'école. A commencer par le bon exemple de la grève à tous motifs que nos enseignants donnent à nos chères têtes bouclées et frisées. Et chaque année se succèderont dans l'éducation des masses ces défilés corporatifs qui ne font que participer à la protection des Bureaux, rarement à contester leur pouvoir.
Vivre libre ou fier est hélas une posture.
Aucun de nous, sauf à être très riche et abrité aux Iles Vierges, ne peut rendre sa carte d'identité, sa carte Vitale, son permis de conduire ou de chasse. Ceux qui y parviennent volontairement ou pas sont craints dès qu'ils sont découverts par le flicage de la normalisation nationale.
Faites l'expérience de vous installer en autarcie dans un terroir reculé et comptez le temps que mettra la brigade cantonale de gendarmerie pour venir vous évaluer. Moins de 30 jours. Vous héritez de quelques arpents d'un oncle éloigné et vous décidez d'y vivre. Oubliez la mise en culture de votre petit bonheur plus loin qu'un modeste potager et trois lapins ! Il faut des autorisations pour "faire" le paysan, et se préparer aux cotisations, règles et droits qui en découlent ! La campagne est une illusion pour babacools, un livre ouvert aux regards, à tous les regards. Mais c'est plutôt en ville que les Bureaux veulent voir.
Le ministère de l'Intérieur va financer en 2008 des milliers de caméras de voirie urbaine pour "évaluer" en live le comportements des braves gens, dès fois qu'ils ne le seraient pas tous ... Se créeront des bureaux pour regarder les nombreux écrans qui transmettront les images ; et des bureaux pour diriger ses bureaux et contrôler l'usage des images, dès fois que l'opérateur passe sa journée à pister le mari de sa maîtresse ou sa propre femme, et laisse traverser Ben Laden incognito en dehors des clous. En Angleterre, les Bureaux ont poussé le vice jusqu'à poser des haut-parleurs à côté des caméras de surveillance pour interpeller en direct le contrevenant, avant même qu'il ne contrevienne : "Vous, sir, avec le manteau en poil de chameau et casquette rouge, veuillez emprunter le passage-piétons qui est à un mètre sur votre gauche !". J'entends un lecteur rire et pourtant, c'est vrai ...
Pour revenir un jour à une société libre et responsabilisée, capable de se passer de tous ces télécontrôles, cartes, badges et formulaires abscons, on mesure le fossé à franchir. Osera-t-on se rebeller tant nous sommes addictés au mors administratif ? L'infantilisation de nos habitudes, nos dévolutions, nos abandons consentis, nous l'interdisent. A moins d'une révolte générale, comme en Mai 68 : fameux ras-le-bol français qui précipite d'un coup comme le Ricard à la dernière goutte d'eau, tempête et casse tout, pour le déplorer ensuite en pleurant sur l'âge d'or enfui !
On étouffe ! Imagine-t-on la masse d'énergie humaine et d'énergie tout court, dépensées par les Bureaux, énergie qui ne peut être affectée à relever les vrais défis nationaux ? Le fonctionnement de la société française absorbe la moitié des richesses produites par l'activité de ses habitants. C'est énorme même si les pays qui nous entourent subissent un niveau de ponction étatique comparable. C'est surtout intenable longtemps, sauf à couler le pays dans le camp des nations subalternes qui attendent les ordres, caprices, bonnes et mauvaises intentions du Marché. Il est trop tard pour jouer aux quatre coins avec les grands d'aujourd'hui, nous avons laissé notre place par péché d'orgueil. Il faut lutter aujourd'hui pour recouvrer un premier rang continental, sur deux générations ! On y reviendra.
Pourrait-on démocratiser un jour les choix de la vie en commun "à l'américaine" afin qu'ils ne soient plus dictés par des professionnels de la gestion des masses, voire des manipulateurs de foules, et pire encore par des plumitifs ? Pourrions-nous recréer ce forum antique où se débattait le quotidien de la Cité les yeux dans les yeux, entre deux déclamations de poèmes ou de programmes ? Sans doute faudrait-il commencer petit, mais sans traîner en chemin, car les Bureaux un temps abattus, sont comme les phénix, ils renaissent vite. Nous avons perdu le plaisir de la palabre, mais ne saurions-nous pas le retrouver, dès lors que nos anciens purent s'y exercer pour gérer leur quotidien commun ? En trois lignes, Charles Maurras évoquait nos "libertés basses" très simplement :
« L’ancienne France votait beaucoup. Cela est oublié. Cela reste vrai tout de même. On y votait sur quantités d’objets pour lesquels le Français moderne reçoit avec respect les choix et les volontés des Bureaux. Dans telle commune du Valois ou de la Provence que je pourrais citer, les chefs de famille se réunissaient le dimanche devant l’église pour élire tantôt des magistrats chargés de la collecte des impôts, tantôt des maîtres chargés d’enseigner grammaire et calcul aux enfants » (Charles Maurras).
Il serait temps de s'en occuper sérieusement. Fermons les Bureaux !
A vous Nobel !
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Sur le forum officiel de l'Action française, un fil a été ouvert par un journaliste de l'AF2000 sur la puissance normative de l'Union européenne, donc des bureaux.
RépondreSupprimerCeci contredit votre billet.
Il faudrait réorienter "nos bureaux" au lieu de les détruire.