samedi 14 juin 2008

Pour la confédération

vieux drapeau confédéréLe non franc mais pas si massif des Irlandais - la moitié des électeurs s'est déclarée compétente - forme le jugement en appel des jugements de première instance néerlandais et français. Non que le traité full size de 2005 ou sa version compactée de 2007 ait été approuvé ou refusé, puisque chacun en ignorait la trame mais se fondait sur les explications de texte délivrées par les tribuns les plus convaincants ou les plus sympathiques, mais parce que resurgit le déficit d'honnêteté intellectuelle des élites que l'on relève depuis le traité de Maastricht. La question de fond a été soigneusement évitée depuis l'origine de la Comunauté européenne.

Le parti socialiste n'a pas tort de distinguer le contenu du projet européen et son cadre opérationnel. Les gens s'intéressent au contenu, aux valeurs, aux modèles sociaux, moins au rubikcube institutionnel. Mais quand même, parce qu'il y a une instruction publique ancienne sur ce continent, ils savent d'instinct que le cadre institutionnel peut influer grandement sur la vie du corps social qu'il contient. Le fond de la question peut se résumer dans une alternative :
confédération ou fédération.
Jamais le débat n'a eu lieu, sauf épisodiquement et en ces rares occasions, il fut pollué par des questions triviales. Si ce débat avait été conduit honnêtement - mais sans nécessairement convoquer l'adoubement référendaire général à son issue - il aurait débouché sur la confédération. Pourquoi ?

L'Europe est une mosaïque de vieilles nations. Les nations celtiques comme l'Irlande, le Pays de Galles, l'Ecosse et la Bretagne mégalithique sont bimillénaires. D'autres impacts civilisationnels sont encore plus anciens, les Rutènes du Rouergue, dont vingt mille archers furent engagés à la bataille de Bituitos en -121, sont là depuis 25 siècles ! Et il en va partout ailleurs presque ainsi.
KouchnerCes nations ont des langues historiques particulières plus ou moins vivantes et des langues véhiculaires différentes sur tout le territoire européen. Le parlement européen travaille en 23 langues véhiculaires ! La langue est un facteur de différenciation important qui prend de la valeur dès que la pression ethnique étrangère s'accroît, donc une résistance au brassage. Par contre il faut reconnaître aussi que si les histoires de tous ces peuples sont différentes, elles sont évidemment imbriquées pour ne pas dire fusionnées. Ce fut le point de départ de l'idée européenne. Même la Turquie a une histoire européenne très copieuse, à nos dépens souvent.

Les nations sans passé cherchent désespérément à s'en fabriquer un. L'exemple des Etats Unis d'Amérique est le plus frappant. Leurs campus universitaires sont le plus souvent gothiques, leurs enceintes de pouvoir antiques ou baroques, les dômes romains ou impériaux abondent, leurs élites apprennent le grec ancien et le latin. Les officiers de West-Point connaissent les guerres puniques par coeur.

Pourquoi faudrait-il donc créer quelque sorte d'homme nouveau sur notre continent ? Pour que dans trois générations nous soyons lassés de notre uniformité et recherchions l'oeil humide les traces de nos particularismes ?

irlande pluvieuse
Que le grand marché commun obéisse à des règles communes d'échanges des services et des biens est une excellente chose pour l'économie de ce continent, dans la lutte de globalisation. L'affaire du "plombier polonais" ou la directive "frankenstein" sont des marottes agitées par des politiciens un peu stupides qui n'ont que le populisme à leur arc et les brèves de comptoir en bréviaire. De même que les règles de gestion des migrations d'oiseaux ne peuvent être "cantonales" ! La coalition de nos armées et une certaine normalisation des moyens sont indispensables à notre sécurité - on s'en souviendra lors de la prochaine guerre. Et on peut multiplier les domaines où une gestion commune centralisée est bien préférable à la cohabitation de mesures locales en perpétuel ajustement réciproque. La gestion rigoureuse d'un grand espace nous a été enseignée par l'Empire romain ; ce n'est pas du Jean Monnet !

Mais il est aussi une floppée de domaines nationaux dont la dévolution ne participe que d'une idéologie.
Composition des fromages, hygiène des hôtels, protection des aigles de Bonelli, etc. et chaque jour nos gouvernements veulent en ajouter au motif qu'il faut tout faire ensemble. Cette idéologie est le fédéralisme. Son fils naturel est un étage de pouvoir supplémentaire, et la nature humaine étant ce qu'elle est, un champ nouveau de carrières politiques et administratives. Ainsi les cabinets ministériels nationaux, les fonctions publiques nationales et internationales, les think tanks, poussent à la fédération car elle crée du pouvoir et des prébendes. C'est aussi sûr que le coup de pied de Vénus chez madame Putiphar.

BarrosoJe termine sur le suicide de la démocratie. Si la légalité du suffrage universel comme outil décisionnel à l'étage régalien - et les traités internationaux sont à ce niveau - n’est pas en cause dans les chancelleries, sa légitimité est fortement contestée par la Bureaucratie éclairée qui met en route déjà la phase de déception des voeux irlandais comme Sarkozy le fit des voeux français. Reconnaissons que les Irlandais comme les Français ou les Néerlandais ont voté sur vingt sujets différents de la question posée, y compris sur leur lecture assistée du traité de Lisbonne. Il est néanmoins très amusant de voir ainsi le principe démocratique dont nos politiques ont plein la bouche, se vautrer de si belle façon. Non, l'électeur n'est pas compétent pour tout trancher, et ce n'est pas son agrégation en corps électoral qui crée la pertinence du procédé. Souvenons-nous en dans notre propagande. Utilisons l'autodestruction du système démocratique qui se déroule sous nos yeux.



aigle de Bonelli
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1 commentaire:

  1. A son congrès de 2004, la Nouvelle Action royaliste avait promu l'idée de la confédération pan-européenne.
    Je ne partage pas ce plan de dilution des coopérations dans un ensemble encore plus vaste que l'UE.
    On peut relire ce texte assez concis en cliquant ici (merci à Une Lettre Française).

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