mercredi 3 septembre 2008

Chimère de l'indépendance

Georges PompidouQuand l'Angleterre renouvela en 1967 sa demande d'accès au Marché Commun à Georges Pompidou, celui-ci attendit la disparition du général De Gaulle pour reconnaître qu'elle avait des raisons techniques de le faire, la plupart parfaitement mercantiles, toutes positives à l'examen des flux commerciaux et financiers : dans ses échanges vitaux, le continent avait supplanté de beaucoup le Commonwealth dont la part avait dégringolé de 50 à 20% entre 1954 et 1971.
Mais la seconde ou première raison du gouvernement anglais qui frappait depuis 1961 à la porte de Bruxelles, était la crainte de voir se construire en face d'elle un géant économique continental formé de la France et de l'Allemagne renforcées du Benelux, qui ne tarderait pas à sortir de la sphère mercantile pour pénétrer celle de la diplomatie. Il faut se souvenir qu'alors la France était la 4° puissance économique mondiale et l'Allemagne fédérale la 3°. L'Axe franco-allemand, au bénéfice de la France qui détenait la primauté diplomatique, devenait la promesse d'une menace future. On n'imaginait pas alors l'émergence des grands empires asiatiques. Les Anglais décidèrent donc de pénétrer les institutions européennes pour contrôler le processus fédéraliste, voire le bloquer de l'intérieur s'il dérapait.

carte UELe président Pompidou mit l'affaire aux voix (référendum d'avril 1972) pour ne pas ajouter l'illégitimité à la rupture politique d'avec son glorieux prédécesseur, et accepta l'Angleterre dans le Marché commun au motif quasiment public que la Perfide Albion ferait moins de difficultés à l'intérieur de l'Europe qu'en restant à sa périphérie où elle agirait à temps et contretemps comme une sorte de 51° état uni d'Amérique, ce que Washington promouvait alors presque ouvertement.
Les deux convergeaient donc sur un point : la politique européenne efficace s'exercerait à Bruxelles.
Nota : Il est un site documentaire remarquable sur les questions européennes : European Navigator.

Trente-six ans plus tard, l'Action française décrète la mobilisation nationale pour sortir de l'Europe, du moins pour faire sécession de l'Union européenne en appliquant les dispositions de l'article 50 du Traité de Lisbonne. Nous lançons la guerre d'indépendance en passant par une phase de résistance à l'emblème de la Sten, afin d'aboutir à la capture de la chimère maurrassienne de "La France Seule".

Dans un billet précédent nous avons ouvert l'inventaire de nos dépendances en commençant par celle de notre relative misère. Nous n'y revenons pas ; notre indépendance au sens perçu par les maurassiens est un leurre au XXI° siècle.
Qu'est-il besoin pour la mouvance d'Action française de se jeter dans le énième combat perdu d'avance ? Nous les avons tous faits depuis 1934. Trois quarts de siècle d'échecs. mis à part le sauvetage de Mayotte qui est devenue depuis l'île de la tentation au sein d'un archipel de pauvreté.

Sammies de 1917La France n'a pas besoin d'indépendance pour conserver son âme. Elle n'est plus indépendante depuis 1917 quand débarquèrent à St Nazaire les Sammies de la reconquête. Elle a surtout besoin de remonter en puissance. Et ce n'est certainement pas en poursuivant une vocation de grand ventre mou impécunieux en plein milieu du territoire de l'Union européenne qu'elle y parviendra.

La France doit se reconstruire par elle-même en utilisant toutes les cordes à son arc - comme le disait Bertrand Renouvin au CMRDS de Lignières - et, sans vergogne aucune, toutes celles qu'elle peut atteindre dans les enceintes décisionnaires internationales, ONU, OTAN, OMC, OCDE, OSCE. Ce projet oblige sans doute à renouveler une grande partie du personnel politique et de la haute fonction publique et militaire qui n'est plus au niveau requis par les enjeux.

C'est sur ce projet que les royalistes devraient travailler plutôt que de caresser le repliement fébrile de nos périmètres d'influence, car - on ne vous l'a pas dit - un pays peu puissant n'en a plus aucune de nos jours.
Ecusson du CDGDigression. J'ai toujours été réservé sur la pertinence stratégique des (petits) porte-avions français, mais je concèderais les crédits pour faire le second nécessaire à notre présence continue à la mer ne serait-ce que pour afficher notre puissance revenue. A condition bien sûr que tout le reste du travail de destruction et reconstruction ait été au moins entrepris, à débuter par une réduction drastique de l'Etat, insatiable moloch.

L'Union européenne se contrôle de l'intérieur. Reconnaissons à l'équipe française en charge ce trimestre d'avoir intelligemment stérilisé la logique de paix froide du Pentagone et de ses alliés polonais et israélien dans la question géorgienne, malgré le soutien que leur apportait la Grande Bretagne, à l'affut. Le partenariat stratégique euro-russe est indispensable au sous-continent et le report des négociations comme seule mesure de mauvaise humeur bruxelloise le confirme en creux. Le Kremlin a très bien saisi le message : l'Union ne saute pas dans le piège grossier des Etats-Unis. Qu'aurait pu faire la France seule dans une dispute qui l'aurait concernée très vite par ricochet énergétique puisqu'elle est la seule puissance du schmilblick sans ressources propres ?

Tora BoraIl y a d'autres champs d'inquiétude que l'énergie rare. S'il est une preuve que je ne souhaite pas voir apportée de la menace islamiste c'est bien un attentat majeur à Paris, comme en ont connu New York, Madrid et Londres. Or le premier, le plus terrible, a montré l'extrême nocivité d'un terrorisme bénéficiant de structures étatiques impénétrables. C'est contre la réédition de ce schéma étatique que nous sommes avec nos alliés en Afghanistan. S'y ajoute la crainte pas encore levée de voir le Pakistan atomique sombrer dans le chaos fondamentaliste. Même si le dispositif occidental en Afghanistan est très imparfait, la France seule n'est pas en mesure de parer cette menace grandissante, bien qu'elle compte une importante communauté musulmane passive mais attentive à ce qui se passe dans la Oumma. Nous ne pouvons pas être partout. En alliance, si !

Ne nous fourvoyons pas ! Les royalistes, et parmi eux les jeunes militants, méritent autre chose que ces combats de crypte à quelques-uns, et leurs efforts ne doivent être limités à la critique acerbe et continue de l'Etat et de ses affidés parlementaires. Dénoncer ce qui doit l'être, bien sûr, mais positiver aussi. Un projet de reconstruction de la France serait plus motivant pour eux et je n'en entends jamais parler. Est-ce faute d'imagination ?
Si nous devons d'abord dynamiter certains verrous bloquant notre réveil, ne les désignons jamais sans au même moment présenter la construction qui doit remplacer le dispositif détruit.
Eternels râleurs, réveillez-vous, il y a du mortier qui nous attend dans l'auge de la reconstruction française. La Providence nous observe et murmure : enfin, ils se bougent !



chimère de bronze
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4 commentaires:

  1. Je partage vos réserves dans une large mesure. Je vous trouve même bien indulgent : ce positionnement "sécessionniste", c'est bon pour faire de la politique dans un cour d'école, et encore... Il procède d'un désintérêt manifeste pour les réalités, et participe d'un "nationalisme aigri" qui se contrefiche en définitive de l'avenir du pays. En outre, faute d'être intelligible pour ceux qui ne partagent pas l'imagination de ses auteurs (Où est l'armée d'occupation ?), il ne contribuera pas à rendre les royalistes plus crédibles, bien au contraire.

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  2. "A la recherche de la cause perdue" pourrait être le titre de ce pas de clerc. Il y a un syndrome d'autodestruction.

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  3. Tous les pays de l'UE ne sont pas fédéralistes à tout crin. Les Français - s'ils ne sont pas fédéralistes eux-mêmes - peuvent agréger un mole de résistance "confédéré" autour d'eux.
    Pour ça, faut être dedans !

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  4. La France est fondatrice et l'inventeur de l'Europe politique. il ne lui est pas possible de faire sécession.
    D'ailleurs les Français ne le veulent pas. Les 55% de "non" au référendum de 2005 sont un amalgame de bric et de broc qui ne fait pas une majorité d'idées sécessionnistes.

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