Le fabuleux désordre administratif de la France d'Ancien régime s'accordait mal aux besoins d'un gouvernement moderne, et déjà en 1665, le roi Louis XIV avait étudié les plans du conseiller d'Argenson, sans y donner suite au moment, sans doute parce que la départementalisation affaiblissait par contrecoup les fiefs des grands du royaume et les notables, suffisamment concernés déjà par leur réquisition à la Cour.
D'un côté donc, les Royalistes vomissent le département "révolutionnaire", de l'autre les fédéralistes s'en trouvent encombrés entre les comtés qu'ils attendent sous le nom d'agglomération de communes ou autres syndicats territoriaux et les länder qui les libèreront du poids de l'Etat dans leur marche en avant vers l'Europe Unie. Mais au final qu'en pensent les citoyens ? Un sondage involontaire fut la question des plaques d'immatriculation automobile. Le Français veut garder son "13", son "66", son "40". Seul peut-être le "75" est disposable.
Quand vous demandez à quelqu'un quelle est la circonscription de ses racines, car il s'agit bien de sol en l'affaire, il cite sa ville de naissance sinon celle où il a grandi et en même temps son département. A part quand elle est monotypée comme l'Alsace, la Bretagne ou le Nord-Pas-de-Calais, la région n'est pas ressentie, les gens ne se sentent pas "midi-pyrénéens" ni "poitevin-charentais". La tendance technocratique étant en plus d'agrandir les régions en en diminuant le nombre, les possibilités d'identification reculeront d'autant.
Ce département dont le périmètre est à une journée de cheval du chef-lieu, a taille humaine. On peut remplacer le cheval par le vélo ! C'est mode ! En outre, il est le plus souvent "charpenté" par une rivière et ses affluents qui l'identifient visuellement sur le terrain. Mais autant le citoyen finit par "faire corps" avec son département, autant reste-t-il étranger à "ses" services préfectoraux, sauf la DDE dont tout le monde se moque. Que sait-il vraiment du conseil général ? Il ne connaît pas même son conseiller local en dehors du petit tapage des cantonales, et encore moins le Conseil général comme enceinte décisionnelle, en dépit de coûteux panneaux publicitaires qui ornent les moindres travaux routiers.
Le département est à l'usage une circonscription identitaire assez forte, bien plus que la région, et une circonscription administrative efficace par expérience. C'est bien la circonscription d'action politique qui est redondante et qu'il faudrait supprimer en économisant le conseil, les conseillers généraux et leurs services. Manque de chance c'est le morceau départemental le plus difficile à détruire puisqu'il est un nid d'élus.
Une dernière fonction semble bien aller au département c'est la circonscription électorale d'arrondissement. Rêvons, 3 députés d'arrondissement par département multiplié par 100 départements, cela ferait 300 sièges à pourvoir au lieu de 577. La réforme rapporterait de l'argent. Et si nous supprimions le Sénat par derrière, nous serions riches.
Qu'en pense monsieur Balladur qui préside depuis hier le Comité pour la réforme (patissière) des collectivités locales ? Sans doute qu'il ne pourra contenter tout le monde et le roi. L'effervescence démagogique, le clientélisme induit et la créativité des prébendes associatives aboutissent à un foutoir comparable à celui que tentait de résorber Calonne (1634-1802) à la veille de la Révolution. Chacun à son étage fait tout et mal, affiche ses compétences contre celles des autres, mobilise des équipes et des crédits pour les distribuer dans le premier but d'asseoir son autorité. Mais à la collecte, la taxe professionnelle est en revanche votée à 6 niveaux, déresponsabilisant les décideurs !
Deux intentions se font jour : l'une est la spécialisation des collectivités locales qui tranchera une bonne fois cette stupide universalité de compétences. Un maire est responsable de tout ! L'autre devra combattre le jacobinisme ambiant en faisant du cas par cas, dans l'analyse de chaque collectivité. Fusions, suppressions, divisions sont à prévoir, autant dire du sang et des larmes pour les porteurs d'écharpes sans parler de la fronde parlementaire inévitable.
Recréer le département de la Seine en agrégeant une partie de la Petite Couronne à Paris, c'est le travail de Christian Blanc. Supprimer l'échelon départemental dans de grandes villes comme Lyon, Marseille, Lille-Roubaix-Tourcoing, Toulouse, Nice, Nantes, Bordeaux, Rennes et Strasbourg paraît sensé. D'autres pays ont créé des villes-état non-capitales avec succès : Hambourg, Brême, Shanghai, Chongqing, Tianjin. Incorporer les régions pauvres à des voisines plus riches n'est pas idiot. Pourquoi "uniformiser" le mode de découpage ? M. Sarkozy prône la souplesse quand il affirme favoriser une "diversification des solutions selon les territoires".
Une troisième idée est plus sournoise : calquer le découpage administratif français sur celui de l'Allemagne. Ce serait méconnaître les spécificités nationales et la construction historique de ces deux états, frères aujourd'hui mais pas jumeaux.
Pour une fois depuis bien longtemps les réformes tourneront donc le dos au caporalisme républicain. Ce n'est qu'un début, continuons le combat de la diversité pour un plus grand Bien commun à l'échelon du ressenti, c'est-à-dire dans ma commune et un peu alentour. Le reste au roi qui n'est pas mon cousin.
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Les "comtés" sont peut-être le meilleur cercle politique de base, à l'image du Kreis allemand.
RépondreSupprimerOn veut appeler cela "pays" en France, ça prête à confusion.
Répondant à un forumeur de ViveLeRoi j'ai précisé ma position :
RépondreSupprimerJe suis pour conserver la circonscription administrative (préfectorale) et pour éradiquer la strate décisionnaire, le conseil général, jusqu'au niveau des services qui le servent - épluchage des fonctions préfectorales -, en conservant les circonscriptions d'arrondissement pour élire 300 députés.
En résumé, c'est pour moi le bon format exécutif de proximité.