Ce billet est la version bloguerisée de l’article paru dans de n°2760 de l’Action Française 2000 sous le titre « La Chine snobe l’Union européenne »...
C'est un empire de quatre mille ans¹ qu'affronte la jeune confédération européenne en devenir. Tiraillée par des intérêts nationaux, par des valeurs humanitaires divergentes et des intérêts catégoriels transnationaux, elle est commandée jusqu'à ces jours-ci par un « jeune chien » qui fait laborieusement ses cent lignes d’Histoire.
Par chance pour nous, l'empire céleste a quelques mauvaises années devant lui et nous nous proposons de cerner ici quelques réalités, en attendant le président eurosceptique Václav Klaus.
Un milliard deux cents millions de chinois hans forment ...
- le sel de la Terre, une certitude intrinsèque qui est vendue dans le bébé ;
- une nation solidaire dont le liant premier est un patriotisme que l'on a pu jauger cet été à l'occasion des Jeux olympiques et du séisme au Sichuan ;
- un marché unique équivalent au nôtre en terme de pouvoir d’achat, marché tout aussi réglementé, dont les contraintes sont adoucies par la corruption et rappelées périodiquement par quelques balles dans la nuque de caciques.
S'y agglomèrent des dizaines de millions de ouïgours, mandchous, thibétains, mongols et minorités protégées. A l'exception des provinces occidentales travaillées par la territorialisation de leur gouvernement voire par la sécession, règne partout la pax sinica. Aucun autre espace de la planète n'est organisé ainsi, depuis aussi longtemps.
On pourrait donc considérer l'empire tout d'un bloc. Dans la réalité, l'Etat central compose avec les gouvernorats provinciaux qui détiennent le pouvoir réel au quotidien. Cette délégation remonte à la nuit des temps et fut renforcée dans les périodes de basse pression politique, pendant l'agonie de la dynastie Qing (+1912) et après la Révolution maoïste dite culturelle.
C'est tout l'art politique de Zhongnanhai (la Cité du Pouvoir) que de mettre en mouvement les engrenages, poulies et courroies de l'administration chinoise. Un patron de Corporation me disait un jour : qui peut conduire un char attelé de cent chevaux fous ? On a multiplié les cochers, mais dans la salle de conférence étrangère, le pouvoir diplomatique central parlera au nom de Shanghai, Canton, Nankin, Chongqinq, Wuhan, Xi'an, Tianjin, Shenyang et bien sûr Pékin sans les citer, quitte à négocier par la suite avec eux et à adapter les mesures d'application au résultat des accords intérieurs, ce qui laisse croire parfois à leurs interlocuteurs que les Chinois ne sont pas de parole, ce qui est faux ; les accords sont valides jusqu'au prochain lever du soleil.
N'ayant pas de souveraineté distincte de celles de ses membres, l'Union européenne ne peut aller aussi loin que l'empire dans les décisions régaliennes, mais lorsqu'elle s'y essaie, elle travaille avec ses propres complications. Le président semestriel européen ne peut user la patience céleste, et aucun autre gouvernement européen non plus, à cause de l'éphémère démocratique. Bien qu'élu, le président chinois est l'empereur à temps d'un système de pouvoir pérennisé sur un axe unique quasiment éternel. C'est leur projet capétien à la réserve près qu'ils ont atteint leurs frontières naturelles depuis des siècles malgré la béance septentrionale, et ne visent que la première place, qui leur revient de droit. En face d'eux se succèdent les politiciens d'un jour qui réinventent en continu l'eau chaude de la gouvernance avant de disparaître du balcon comme les bonshommes de l'horloge astronomique de Prague.
L’empereur de quoi, Son Excellence Hu Jintao ?
D'abord d'une classe moyenne comparable à la classe moyenne de notre Europe occidentale ! Selon le curseur (China Statistical Yearbook 2007), elle représente entre 105 millions de consommateurs aisés selon des critères fiscaux, et 295 millions moins favorisés décomptés sur des critères arithmétiques de train de vie rapportés au niveau moyen de la masse démographique. La classe supérieure n'est pas dénombrée fiscalement - on est toujours en pays communiste mais sans ISF ! – sinon Merrill Lynch l’estime à 415.000 millionnaires en dollars US (2007) et "The Hurun Rich List" de la même année identifie 106 milliardaires. Tous font la fierté de la Chine qui mesure ses victoires en comptant les Ferrari importées.
Mais le président chinois est aussi l'empereur d'un milliard de gueux qui font peur aux précités, jusqu’à les préparer à l’émigration. La presse française ne parle pas des milliers d’émeutes populaires qui secouent le pays. C'est l'inquiétude première du pouvoir chinois : l’entrée en ébullition des zones rurales et péri-urbaines par la précarisation à outrance des travailleurs, et qui pis est, par l'accélération des fermetures d'usines exportatrices. Les friches industrielles n'ont pas attendu la chute de Lehman Brothers pour grignoter les provinces maritimes. La concurrence effrénée entre usines du Guandong par exemple, exacerbée par une pression démente des importateurs occidentaux sur l'appareil de production, a détruit les compagnies les moins solides et déclenche des cascades d'impayés qui ruinent les autres. Les laissés-pour-compte subissant l'injustice du chômage en l'absence de filet social, deviennent violents, extrêmement violents. Les charges de la police anti-émeute ne sont pas toujours décisives comme nous l'a montré un reportage récent sur une émeute au Gansu.
Or pour maintenir le degré d'insatisfaction populaire à un niveau gérable, l'économie globale doit créer environ douze millions d'emplois par an. Au dessous de 8 millions, les think-tanks (IFRI) prédisent de gros problèmes ; à zéro c'est la révolution.
Vu la gravité de la crise du commerce extérieur, on ne peut écarter l'hypothèse "zéro". On comprend mieux pourquoi Pékin lance en urgence un plan de relance de sa consommation intérieure de 4000 milliards de renminbis (560 Mds$). Nul ne sait sur quoi se fonde ce chiffre sauf à le rapprocher de l’encaisse de 585 Mds$ de bons du Trésor américain qui jouent à "je te tiens tu me tiens par la barbichette" entre les deux concurrents majeurs de ce Monde.
L'Europe peut-elle gagner en Chine quelque chose en temps de crise ?
Jusqu'à hier elle y poussait ses lignes de production, ses avions, ses techniques d'ultra-pointe ; l'autre négociait pied-à-pied les savoir-faire pour un jour s'en passer. L'une pousse encore son ingénierie bancaire et les techniques d’assurance, l'autre se méfie maintenant de leur toxicité et découvre le principe de précaution. Mais le vrai marché n’est pas là : le marché juteux, c'est … « la révolution » :
Après les pillages éhontés des cadres locaux, on sait que le détonateur est de nature sanitaire. Les pires désordres observés sont provoqués par les carences de l'Administration en matière d’hygiène. La vie chinoise la plus humble déroule un échange confucéen entre l'homme ici-bas tourmenté et le Ciel, cosmos immobile qui gouverne sa Nature. La santé physique et mentale est donc importante. Le Chinois y consacre beaucoup de temps. Or les excès de la révolution industrielle gouvernée par la productivité et la cupidité de tous ont détruit l'environnement des zones de production et des bassins drainants : l'eau en Chine est "dégueulasse". Tout le monde la bout, même claire.
L’eau est traitée comme une commodité inépuisable (elle descend de l’Himalaya) et capricieuse : quand il n’en manque, il y en a trop et mauvaise de surcroît !
L'amélioration de la qualité de l'eau serait un facteur d'apaisement, mais au stade de déliquescence des infrastructures, c'est véritablement un plan Marshall qui serait nécessaire. Le Yang-Tsé-Kiang ne chasse plus ses limons à cause des Trois-Gorges. Le Huang Ho n’atteint plus la mer ! Tous les fleuves, quand ils ne charrient pas des eaux usées brutes, des jus d'usines ou des boues d'épandage ravinées par la pluie, diffusent des nitrates, des pesticides, des métaux lourds en quantités supputées phénoménales.
Un programme de grands travaux de régénération hydraulique sur tout le territoire aurait trois avantages :
(1)- il montrerait à la population qu'on prend soin d'elle. Pour l'instant ce n'est nulle part le cas ; on l'exploite et la méprise derrière les vitres fumées de la Benzie ;
(2)- les travaux créeraient des postes de travail peu qualifiés en nombre et détendrait le marché de l'emploi en région ;
(3)- nos entreprises françaises sont appréciées dans le domaine de l'eau ; même si nous ne fournissons plus la planification, ni les pompes ni les tubes, nous pouvons offrir les logiciels, les pupitres, les télétransmissions, les alarmes et les moyens de sûreté des ouvrages techniques ; ceci sur des milliers de sites.
L’un des princes français les plus en vue se dit très préoccupé par la question mondiale de l'eau, jusqu'à soutenir la Fondation Chirac qui organisait à l'Unesco une grande conférence sur l'eau à laquelle participèrent des autorités venues des quatre coins du monde.
Son discours fut remarqué. Son expertise mise à disposition du Plan marshall chinois l'associerait dans le cas d'espèce à la réhabilitation d’un cinquième de l'humanité pour pas cher. L'éventuel succès de ce Plan délivrerait un brevet universel à ses acteurs pour continuer la lutte de l'accès à l'eau propre dans le reste du Monde.
Cf. les déclarations successives du prince Charles-Philippe d'Orléans :
- Eau, source de conflit entre les nations
- Le risque mondial de pénurie d'eau
- Vers un marché mondial de l'eau
Note (1) : 4000 ans si l'on remonte à la période Xia (-2205 à -1767), sinon l'empire du Milieu ne s'est constitué en puissance et administrativement "que" sous la première dynastie des Qing (-256 à -206)
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