Il s'agit de la taxation, déjà évoquée dans un billet précédent, des ordinateurs capables de recevoir des signaux télévisuels et donc connectés à un fournisseur d'accès Internet : qu'ils payent donc la Redevance, les salauds ! D'une pierre deux coups : on rentre une masse de fric qui allègera les contraintes budgétaires, et on sauve le Service de la Redevance qui va multiplier ses effectifs de contrôle, si vous pouvez imaginez le cirque !...
Cette mesure est, avant la taxe Lefebvre sur les vidéos en ligne (merci ILYS), le dernier épisode de la lutte de l'Etat, fondé de pouvoir des positions établies, contre l'Innovation. En effet le WWW se développe sur ses axes propres et construit des communautés libres constituées volontairement tout à l'extérieur des cadres administratifs qui corsètent nos sociétés à les étouffer. Les motifs sont nombreux, exaltés de l'émoi populaire dirigé par les médias et sont regroupés entre la piraterie et les vices. On n'avait pas encore trouvé à redire au visionage tranquille de signaux numériques publics sur un écran de 7 x 5cm. C'est fait !
L'accumulation des assauts donne l'occasion de remettre en ligne la Déclaration d'indépendance de Barlow. Même si le texte a un peu vieilli par endroits, elle reste d'actualité. A tout le moins prédisait-elle la revanche des Etats, dépossédés des clefs d'arbitrage qu'ils se sont arrogés en tout. La voici in extenso sous traduction domestique :
Déclaration d'indépendance du Cyberspace
par John Perry Barlow
promulguée à Davos le 8 février 1996
par John Perry Barlow
promulguée à Davos le 8 février 1996
Gouvernements du Monde industriel, vous, les géants fatigués faits de chair et d'acier, je viens du Cyberspace, le pays de l'Esprit. Au nom de l'avenir, je vous demande à vous, gens du passé, de nous laisser tranquilles. Vous n'êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous n'avez aucune souveraineté sur l'espace où nous nous réunissons.
Nous n'avons pas de gouvernement élu, ni ne prévoyons d'en avoir; aussi m'adressé-je à vous avec aucune autorité plus élevée que celle conférée par la Liberté qui s'exprime. Je déclare que cet espace globalisé de relations sociales en construction, est indépendant naturellement des tyrannies que vous cherchez à nous imposer. Vous n'avez aucun droit moral à le régir non plus que moyens de contrainte que nous aurions raison de craindre.
Les pouvoirs des Etats sont justes autant qu'y consentent les gouvernés. Vous n'avez jamais sollicité ni reçu ce consentement de notre part. Nous ne vous avons pas invités. Vous ne nous connaissez pas, pas plus que vous ne connaissez notre monde. Le Cyberspace ne s'étend pas à l'intérieur de vos frontières. Vous pensez-vous capables de le construire, comme s'il était un projet de travaux publics ? Vous ne le pouvez pas. Il obéit à une loi naturelle et grandit de lui-même par nos actions collectives.
Vous ne vous êtes par réunis avec nous dans notre grande conversation, ni créé la richesse de nos lieux d'échanges. Vous ne connaissez pas notre culture, notre éthique, ni les codes tacites qui procurent à notre société plus d'ordre que vous n'en obtenez par aucune imposition de vos règles.
Vous prétendez qu'il existe des problèmes entre nous que vous vous devez de résoudre. Vous utilisez cette revendication pour envahir nos enceintes. Beaucoup de ces problèmes n'existent pas. Nous identifierons les vrais conflits où qu'ils soient, les préjudices où qu'ils soient et les réglerons par nos propres moyens. Nous élaborons notre propre contrat social, et cette gouvernance résultera des conditions propres à notre monde, qui est différent.
Le Cyberspace consiste en transactions, inter-relations, et se déploie par la seule pensée comme une onde qui surfe sur la toile d'araignée de nos communications. Les nôtres forment un monde qui est partout et nulle part, mais jamais où vivent les individus.
Nous créons un monde où chacun peut entrer sans privilège ou préjudice de race, de puissance économique, de force militaire ou de lieu de naissance.
Nous créons un monde où quiconque partout peut exprimer ses convictions, aussi singulières fussent-elles, sans craindre d'être contraint au silence ou à la norme.
Vos notions juridiques de propriété, expression des idées, identité, mouvement et leur contexte, ne s'appliquent pas à nous. Elles sont toutes fondées sur des choses, et il n'y a pas de choses ici.
Nous ne nous identifions pas par des corps, aussi contrairement à vous, nous ne pouvons obtenir l'ordre par contrainte physique. Nous croyons que notre gouvernance émergera de l'éthique, de l'intérêt personnel éclairé, et du bien commun. Nos personnes peuvent être réparties à travers vos juridictions, mais la seule loi que voudrait reconnaître l'ensemble des cultures constituant notre espace est celle de la Règle d'Or. Nous espérons être capables de bâtir nos solutions propres sur cette base. Mais nous ne pouvons accepter les solutions que vous tentez de nous imposer.
Aux Etats-Unis, vous avez créé maintenant une loi qui répudie votre propre constitution et offense les rêves de Jefferson, Washington, Mill, Madison, Tocqueville et Brandeis : le Telecommunications Reform Act. Ces rêves doivent renaître chez nous.
Vous êtes effrayés de vos propres enfants qui sont les vrais indigènes d'un monde où vous vous sentirez toujours des immigrants. Parce que vous avez peur d'eux, vous avez confié à vos bureaucrates les responsabilités parentales que vous ne voulez assumer vous-mêmes par lâcheté. Dans notre monde, tous les sentiments et les expressions de l'humanité, de la vilénie à l'angélisme, sont parties d'un tout sans couture : la conversation globale des bits. Nous ne pouvons séparer l'air "mauvais" qui fait suffoquer du "bon" air qui portent les ailes.
En Chine, en Allemagne, France, Russie, à Singapour, en Italie et aux Etats-Unis, vous essayez de contrer le virus de la liberté en érigeant des postes de garde aux frontières du Cyberspace. Ils peuvent tenir la contagion à distance pensant quelque temps, mais ça ne marchera plus dans un monde qui bientôt sera couvert par les medias numériques.
Vos industries de l'information en phase d'obsolescence accélérée veulent se perpétuer en proposant des lois, en Amérique et ailleurs, qui revendiquent la propriété de la parole elle-même sur tout le globe. Ces lois déclareraient les idées comme produits de l'industrie, aussi nobles qu'une gueuse de fonte. Dans notre monde, tout ce que peut créer l'esprit humain est reproductible et diffusable à l'infini sans frais. La transmission globale de la pensée n'a plus besoin de vos usines pour s'accomplir.
Vos dispositions de plus en plus hostiles, colonisatrices, nous placent dans la même situation que celle précédemment des amis de la liberté et de l'auto-détermination qui avaient rejeté l'autorité de pouvoirs lointains et mal informés. Nous devons déclarer que nos êtres virtuels sont exclus de votre souveraineté, même si nous consentons encore à ce que vous régliez la vie de nos corps. Nous nous répandrons par nous-mêmes sur la Planète, si bien que personne ne pourra plus arrêter nos pensées.
Nous créerons une civilisation de l'Esprit dans le Cyberspace. Puisse-t-elle être plus humaine et plus juste que le monde que vos Etats ont fait auparavant.
Fait à Davos, le 8 février 1996
John Perry Barlow
John Perry Barlow
Le texte est un peu solennel, voire angélique, car il s'appuie sur la Déclaration d'indépendance des pères fondateurs des Etats-unis d'Amérique, pour faire prendre la mesure de la dérive entre leurs objectifs de départ et le résultat bureaucratique actuel. C'était avant le Patriot Act de 2001. Mais les Etats-Unis n'appliquent pas le tiers de la coercition légale à laquelle se livrent les Etats du vieux continent dans un processus d'infantilisation générale de leurs peuples.
La Communauté du Libre (celle du moins des Linuxiens) est sur l'axe de Barlow. Est-ce l'avatar gagnant de la vieille anarchie ? L'avenir le dira.
NRA4EVER
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