lundi 8 décembre 2008

L'insurrection grecque

parthenon by nightNul ne savait où éclaterait la commémoration des évènements de mai 1968. Avec un peu de retard à l'allumage, l'émeute a resurgi en Grèce. La configuration est très proche de celle qui prévalait jadis, les étudiants majoritairement de gauche et les anarchistes attaquent l'establishment engraissé par la fracture sociale, tandis que les nomenklatouristes des partis socialiste et communiste rallient le camp de l'insurrection pour s'en protéger.
Soixante boutiques incinérées rue Ermou, l'artère piétonne commerçante du centre d'Athènes ; 48 heures d'horreurs selon la presse ; n'ont pas été provoquées par la colère populaire exaspérée du meurtre de sang froid d'un jeune lycéen qui jouait à caillasser une voiture de police avec ses camarades dans le quartier d'Exarhia, la Goutte d'Or locale.
La marmite était déjà en pression et les anarchistes à l'affût dans la capitale mais aussi à Salonique, Patras et Heraklion : les banques ont flambé ! Pourquoi les banques ? :) ...

Le chef de la police doit annoter ses tablettes : laisser pisser le mérinos n'est pas toujours la bonne politique de sûreté urbaine. Des expatriés nous précisent que le caillassage des voitures de police n'est rien que d'ordinaire après le coucher du soleil, ce qui tend à prouver que la société grecque est travaillée au corps par la banalisation de l"insécurité, comme la nôtre, à la réserve près que nous parvenons à protéger les centre-villes. Jusqu'à quand ?

Mercredi dernier, les anarchistes peut-être déçus de l'éclairage médiatique, ont fait détonner deux bombes artisanales à la porte du bureau local de l'AFP. Pas de quoi s'émouvoir. Et les requérants d'asile faisant la queue devant un bureau samedi dernier, voyant de la fumée en ville, ont brûlé des poubelles et caillassé les voitures qui passaient dans la rue. La Grèce est au front de l'Immigration.

incendie à Athènes
Avec leur sens bien connu des responsabilités, les partis de la Gauche dure embrayent sur des actions de protestation, SYRIZA (radicaux) sort le mégaphone devant l'Université d'Athènes ce soir, KKE appuie bruyamment la grève générale de mercredi prochain, et les profs de faculté stoppent pendant trois jours. Sans connaître la politique grecque par le menu, on devine que la Gauche est surtout très irritée de n'avoir pas le pouvoir, elle qui détient seule la légitimité de tout gouvernement démocratique.
Pour la contrer, les ministres de Karamalis vont-ils passer colonels ?

Sans doute pas, dès lors que la Grèce, empêtrée dans ses contradictions depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, recherche activement l'internationalisation de ses problèmes intérieurs et régionaux, souveraineté du plateau continental de la mer Égée, indépendance de Chypre, parité militaire avec la Turquie. L'ONU, l'UE, l'OTAN sont les piliers de sa politique - à tel point qu'elle a triché pour intégrer l'Eurogroup - mais elle prend une ré-assurance en serrant les liens avec la Russie, les Etats-Unis (riche diaspora) et certains pays majeurs de la rive sud comme l'Egypte. Ses crises internes ne peuvent plus se résoudre simplement par la force ; elle doit composer avec l'opinion internationale. Et de cela ses contempteurs sont bien conscients.

Au fait, la population de la Grèce n'est pas assimilationniste et comprend très peu d'étrangers (1% de Turcs en Thrace, quelques Albanais). L'incendie du système n'a t-il que des causes endogènes inhérentes au combat bipartisan qui fonde la République. Faut-il rappeler les Glücksburg ?
Vous le saurez au prochain épisode.


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