jeudi 5 mars 2009

Le capitalisme-risque

Cet insolent de Malliarakis est indispensable à la blogosphère par son art du contre-pied et sa propension à instruire les masses laborieuses en français facile. Ces billets sont annoncés automatiquement dans la colonne de droite de Royal-Artillerie, le dernier est sur la refondation du capitalisme. A lire absolument ici pour les sonotoniques et pour les cannes et pianos blancs.

L'amalgame du capitaliste au havane est parfaitement déconstruit quand on résume le capitalisme à la prime de risque. L'homme n'a avancé qu'en prenant le risque de tomber de l'arbre ; ces héritiers actuels ne parlent que du principe de précaution qu'un peuple de trouillards a même fait constitutionnaliser en France !
C'est bien la minimisation recherchée de ce risque qui pervertit le concept de départ surtout si l'on accroît concurremment la prime, comme s'y sont abandonnées les grandes compagnies grosses de la Globalisation. Sans faire dans le pontifiant - le rapport taille-poids du rédacteur est correct - toute la crise financière démarre par ce décrochage entre le risque et sa prime. Mais si le concept fut perverti, il le doit aussi au programme socialisant de l'Administration Bush-Greenspan qui mutualisa l'insolvabilité des pauvres par l'argent pas cher et l'inflation des gages, et enclencha la réassurance facile des parasites de flux que sont les banques-casinos.

havanesRefonder le capitalisme, comme le proclame certains de nos bureaucrates qui ont lu le Reader's digest d'économie politique, ne peut que tendre vers la réduction de l'écart entre le phénomène "risque" qu'ils traduisent automatiquement par "danger" et sa rémunération qu'ils estiment bien trop supérieure à la leur. Dit plus simplement, ils feraient mieux de "refonder" l'Etat en se suicidant en masse et en laissant la reconstruction de l'économie mondiale aux grandes personnes qui veulent s'y lancer.
Les chats ne font pas des chiens ; les fonctionnaires sont mutualistes et oeuvrent collectivement. Leur inclinaison est donc de mutualiser dans l'assiette universelle des contributions fiscales, la perte de capitaux, ou la ruine si elle échet. Nous avons moult exemples sous les yeux de pays qui font déjà cotiser lourdement les enfants à naître d'enfants eux-mêmes pas encore nés ! Les décideurs ne passent pas un jour sans hurler au capitalisme irresponsable, lui substituant la destruction des chances de leur successeurs en ce bas-monde. Et vous regardez faire ça comme les veaux suivent les trains qui passent.

La mode revient du capitalisme d'Etat, le pire. La nationalisation anéantit tout risque pour les gestionnaires puisque c'est l'ensemble de la population qui prend le risque par bureaucrates interposés ; les mêmes d'ailleurs qui passent au "tournez manège" de la pantoufle¹ pour établir le commencement d'une fortune personnelle à compte d'autrui, rentrent dans les rangs de la fonction publique aussitôt qu'ils ont coulé l'affaire car c'est la faute à pas de chance, au marché, aux syndicats, au complot anglo-saxon ou à la météo contraire. Notre histoire de la V° République est riche d'exemples de crashes nationalisés. Et l'exception antérieure confirme la règle :
Quand les bureaucrates, choisis sur compétences prouvées en temps de guerre, investissent quasiment leur vie à faire marcher une machine aussi complexe qu'un pays ruiné par les hostilités, on sait qu'ils coordonnent un plan général, redistribuent les subsides où ils voient de leurs propres yeux qu'ils sont indispensables, orientent les initiatives publiques des secteurs nationalisés, et in fine aboutissent à une économie restaurée et compétitive comme nous la laissa la IV° République tant moquée. Mais nous ne sommes plus (ou pas encore) en guerre, et le modèle courant n'est pas de niveau quand on voit le temps qu'il leur faut aujourd'hui pour faire un canal Seine-Nord.

forum Davos
Curieusement les royalistes sourient au retour du capitalisme d'Etat en souvenir du colbertisme peut-être, mais surtout parce que d'instinct ils croient plus aux idées qu'aux individus. La liberté de chacun de se risquer dans le grand monde leur est suspecte. Gagner sa vie comme équilibriste, définitivement une affaire de juifs. C'est oublier bien sûr les grands libéraux d'Ancien régime dont on tait les noms. Que vient f... le roi dans le sujet ?

Justement rien. Il doit se garder de mettre les doigts dans les rouages qui ont leur loi propre et s'appliquer à assurer le minimum vital à la république, le gîte et le couvert de base que sont les quatre pouvoirs régaliens souvent cités sur ce blogue : justice, police, guerre et diplomatie.

En temps de crise grave où tous les repères tourbillonnent quand ils ne disparaissent pas, la Nation a besoin de points fixes, peu nombreux mais sûrs. Quand arriveront les désordres promis par les prospecteurs du Temps, le peuple mesurera la carence de ces quatre pouvoirs abandonnés aujourd'hui aux ravages de la démagogie et de l'envie. La justice n'obéit qu'à ses caprices et ambitions, la police est désavouée par les médias et commandée par des carriéristes, la guerre n'est pas préparée au motif qu'on ne la pressent pas et la diplomatie n'est qu'une dialectique convenue sans moyens de contraindre.
Sera venu alors le jour d'avancer une offre politique claire et construite autour de ces quatre points fixes auxquels l'économique n'appartient pas.


main de justice, sceptre et épée


Note(1): la pantoufle est une spécialité française de placer les hauts fonctionnaires d'Etat dans des entreprises publiques et des entreprises abonnées aux marchés publics, dans lesquelles ils font du lard en attendant qu'un poste budgétaire à la mesure de leur talent se libère dans un ministère.




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3 commentaires:

  1. Excellentissime à une réserve près !
    L'auteur n'aurait-il pas oublié un "petit détail", dans sa liste des pouvoirs régaliens ? La monnaie ? ...

    << Justement rien. Il doit se garder de mettre les doigts dans les rouages qui ont leur loi propre et s'appliquer à assurer le minimum vital à la république, le gîte et le couvert de base que sont les quatre pouvoirs régaliens souvent cités sur ce blogue : justice, police, guerre et diplomatie. >>

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  2. Battre monnaie ne fut pas réservé au roi. Ce pouvoir entre ses mains est une tentation d'absoudre une gestion insuffisante en manipulant les proportions de matières précieuses et vulgaires de l'écu.
    D'autre part l'économique et le monétaire vont mieux ensemble - c'est la dispute actuelle entre la BCE et les ministres des finances de l'Euroland - et dans le schéma de 4 pouvoirs, l'économique est laissé aux pouvoirs publics, ceux qui en répondent devant le parlement.

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