Justement, voici le témoignage décalé d'un spécialiste des lucarnes sur cette fameuse libération de Paris que tout le monde a oubliée autant que la complication qui faisait rage à l'époque ; celui d'un jeune reporter alsacien du nom de François Chalais : ...
« L'année de mes dix-neuf ans le monde m'a déclaré la guerre. Le monde est un lâche : j'étais seul, pas lui. A la suite de cet abus de pouvoir, j'ai dû passer quatre ans dans le cours desquels je cherche vainement un souvenir heureux. Quatre ans ? Hélas ! pour moi, l'Occupation dure encore. [...] On sait que quelque soit notre lendemain, il ne chantera plus. Le voici, ce lendemain. Des gens que l'on connaissait partent pour Sigmaringen. On rencontre l'un d'eux, à un carrefour; le plus violent, le plus hardi en paroles. Le plus pâle. Mais c'est celui qui ne tremble pas, Robert Brasillach, que l'on fusillera. Cet autre, le plus riche, il est déjà en Amérique du Sud. Sigmaringen ? Pas fou. Hitler c'est fini, combien de fois faudra-t-il vous le répéter ? Pas lui, en tout cas. Franco, à la rigueur ... Mais on ignore encore que c'est Franco qui a gagné la guerre. Un autre encore. Il paraît, maintenant, qu'il est cuisinier en Espagne. Ses enfants sont sans ressources. Qui s'en soucie ? Les enfants d'un traître... Le reste revient d'Allemagne pour se retrouver à Fresnes. Pêle-mêle, ministres, idéologues, écrivains, tueurs. Peu de millionnaires. Et des militaires, seulement s'ils étaient à la retraite. Ceux qui ne l'étaient pas se trouvent déjà aux avant-postes de la nouvelle gloire. La plupart des policiers ont été recasés. Le manque de personnel. [...]
Revenons à la Libération. De Gaulle paraît. A Notre-Dame, on lui tire dessus. Déjà. On le rate. Déjà. Il ne courbe même pas la tête. Déjà. La France entière est gaulliste. Enfin. Ne rions pas : il est important que les générations futures sachent que papa n'a jamais été nazi en Allemagne, fasciste en Italie, collaborateur chez Laval. La Marseillaise éclate, chantée par des moutons et des mouches. On comprend enfin, quel était le rôle des morts sous la torture : ils devaient servir de caution à ceux qui, n'ayant pas eu leur courage, étaient vivants.
Couvert de croix et de breloques, alors même que l'on m'insulte, je vis dans les cours de justice, en uniforme de lieutenant découvert Dieu sait où pour la circonstance, à essayer de sauver des têtes. J'y parviens généralement. Je ne sache pas que l'on m'en ait su gré. Parallèlement, certains s'acharnent à me traîner devant ces mêmes tribunaux. Comme accusé, cette fois. Dénonciations anonymes dans les journaux succèdent aux chantages d'anciennes secrétaires maquées à des policiers. Un livre me couvre de boue, rédigé par l'ancien employé d'une agence de presse de l'Occupation. Ce qu'il a fait a dû tellement le dégoûter qu'il a imposé à son passé le châtiment de lui rapporter des droits d'auteur.
Plusieurs années après, je reverrai ce folliculaire aux allures de corbeau déplumé, à la fois croque-mort et veuf inconsolable de la vertu qu'il aurait tellement voulu avoir. Il me dira qu'il ne savait pas que j'étais quelqu'un d'aussi merveilleux. Ma parole, il pleurait ...»
François Chalais, Les Chocolats de l'entr'acte ©Stock-1972.
François Chalais (1919-1996) fut correspondant de guerre et grand reporter pour la presse parisienne et l'ORTF (5 colonnes à la Une). Collaborateur au mauvais moment de Je Suis Partout (Brasillach) et de Combats (Darnand), il se fit tirer les oreilles lors de l'Epuration mais sortit du tunnel avec une médaille de la Résistance. Homme de droite sans états d'âme, il se fit des amis par tout le spectre politique jusqu'aux communistes dans son approche pointue de la vérité, et il n'aurait sans doute pas retouché la conclusion que Michel Audiard laissait en 1984 à la fin de son billet sur la première épuration de Paris et que le Hoplite nous a livré aujourd'hui : « les forces françaises de l’intérieur avaient à elles seules mis l’armée allemande en déroute. Le Général De Gaulle devait, par la suite, accréditer ce fait d’armes. On ne l’en remerciera jamais assez. La France venait de passer de la défaite à la victoire, sans passer par la guerre. C’était génial. »
Chalais était aussi un critique de cinéma passionné. Un prix porte son nom.
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J'ai relu le billet Nylonkong Galaxy que vous signalez. Il aurait fallu l'adresser à M. Sarkozy avant sa réunion avec les banquiers de la place pour qu'il mesure la futilité de ses remontrances et l'inanité de son nouveau bonus-malus.
RépondreSupprimerTout le monde n'était pas communiste parmi les FFI...
RépondreSupprimerDe Gaulle n'a jamais accrédité que les FFI avaient libéré Paris tout seuls, mais vous le savez comme moi, les combattants ont en général tendance à parler plus volontiers des actes de leur unité... De plus n'y eût-il eu que les FFI, ils ont combattu assez rudement pour qu'il soit impossible de dire qu'on avait libéré Paris et le reste sans passer par la case "guerre". Si les FFI se sont soulevés à un moment précis, c'était dans l'esprit coordonné de l'arrivée des blindés. C'est bien le principe de la guerre, que d'utiliser toutes les données, comme l'impact psychologique qui a convaincu les allemands de ne pas s'opposer avec la plus grande énergie dans l'ensemble.
Il n'en demeure pas moins que la geste FFI a été exaltée par le pouvoir gaulliste au détriment de l'Armée d'Afrique. Seule la division Leclerc put percer le mur d'indifférence, mais le monument du maréchal à Paris fut retouché sur épure afin que la croix de Lorraine écrase la statue !
RépondreSupprimerIl n'y a pas eu de guerre FFI (vous confondez avec les FFL) sauf pour les sections de maquis qui partirent ensuite à Rhin & Danube.
Sabotages et guérilla, ne sont pas la guerre. Demandez à ceux qui ont fait Monte Cassino.
Je comprends ce que vous voulez dire, mais il y a eu des actes de guerre, qui avaient autant de valeur que ceux acquis sous l'uniforme.
RépondreSupprimer... suite... Il s'agissait au départ d'une réponse au passage "sans passer par la guerre"... du bas de l'article. Les combattants de la Libération ont eu leur part de guerre, de combats, notamment ceux qui avaient agi durant l'Occupation, avant l'Insurrection, durant laquelle les combats furent des combats de guerre.
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