mardi 15 septembre 2009

Allons à Pittsburgh

PittsburghLa matière la plus sûre à brasser sur nos blogues est le scandale juste avant la Querelle. Par bonheur nous n'en avons pas de notre bord (de scandale) et pouvons nous repaître de celui de notre adversaire privilégié ... qui persiste à nous ignorer. Damned ! Au menu cette semaine : Pittsburgh ! Le reste est trop sérieux : El Baradeï se moque des sanctions onusiennes et prédit la bombe chiite ; la Russie entre au Vénézuéla par un chèque d'un milliard de dollars ; Ségolène Royal va tout nous dire sur le bourrage des urnes funéraires du PS. Mais Pittsburgh c'est du sérieux aussi :

Les principaux gouvernements télévisuels de la Planète se rencontrent dans l'ancienne capitale de l'acier pour faire mousser un agenda particulièrement copieux. L'important n'est pas d'aboutir mais de le promettre face à la caméra et si possible d'étonner. Si vous voulez marquer les esprits il faut y venir avec un projet ronflant et largement travaillé sur vos propres chaînes nationales, puis menacer d'entrée de faire pipi dans la salade si l'on ne vous écoute pas. C'est ce que vont faire M. Sarkozy, qui va exiger la mondialisation des bonus encadrés ; M. Obama qui socialise les mécanismes bancaires américains dans l'espoir que ça déteigne ailleurs ; et M. Medvedev qui étatise son pays en s'efforçant de masquer tout retour à l'économie administrée. Son problème est que lui et les siens sont des enfants du Plan et que la "ré-étatisation" de la Russie leur est un concept facile. De par les moyens d'autorité dont elle dispose et grâce à sa gigantesque rente minière, la Russie est de tous les pays du G20 le seul peut-être à atteindre l'objectif annoncé.

obamaLe problème des deux autres est qu'ils s'engagent sur un terrain étranger où le seul pouvoir qu'ils puissent exercer est un pouvoir de nuisance aux marges. La régulation de Wall-Street a démérité dans son application quotidienne mais jamais dans les textes légaux. Inciter les acteurs financiers à la sagesse sous menace d'intervenir de la part d'un président caricaturé déjà comme "socialiste¹" est un coup d'épée dans l'eau car irréalisable. La moelle de l'Amérique c'est le Fric, et la seule générosité acceptée est celle que les textes et les esprits accordent aux entrepreneurs de toutes sortes, grands ou petits. La normalité est le travail, l'anormalité le hamac. Obama risque sa peau à vouloir l'inverser. Les manifestations enragées contre son projet de sécurité sociale nationalisée ne sont pas que le fait des électeurs républicains mais convoquent toute la classe moyenne sans distinction d'opinion partisane. La loi passera, à ses risques et périls, Washington est capable de l'imposer dans quelques grandes villes mais dans le pays profond, c'est bien moins sûr.

le roi du bhoutanEtonner ? Vous disiez "étonner" mon cher cousin. C'est encore le nôtre qui s'y colle en reprenant sans vergogne l'invention du roi Jigme Singye Wangchuck du Bhoutan. Remplacer le PIB par le BNB (indice du Bonheur national brut). Il aura fallu cette excitation exotique pour convenir d'une chose évidente aux yeux des économistes : le PIB est un leurre. L'Espagne qui avait un PIB d'enfer que toute l'Europe lui enviait, est à la ramasse par l'affaissement de son marché immobilier intérieur. Or ce PIB est réputé mesurer la croissance ou la décroissance, de quoi découle toute une série d'interventions de l'Etat et de sa banque centrale sur la vie quotidienne du pays, à commencer par les arbitrages budgétaires. L'élévation du chiffre de PIB indique le succès des décideurs nationaux, la contraction s'explique par des circonstances extérieures ingouvernables. On ne dit pas hors des cercles savants que le PIB ne mesure que "l'agitation" d'un pays, son activité, bonne ou mauvaise, volontaire ou contrainte. Exemple : que survienne une calamité de grande ampleur et le PIB s'accroît aussitôt que l'industrie embraye pour réparer les dégâts causés. Le PIB du Setchouan est en forte hausse par le tremblement de terre dévastateur de Ngawa en mai 2008. Que survienne une pandémie de grippe espagnole et les laboratoires pharmaceutiques tournent à plein, embauchent, les hôpitaux vétustes sont rénovés, on achète des ambulances et des cercueils, les officines gagnent des fortunes. Construisez des prisons parce que la criminalité explose et le PIB vous en sera reconnaissant. En fait le PIB ne mesure que le flux monétaire. Dernier exemple : un agriculteur travaille sa ferme en polyculture et produit tout le nécessaire pour subvenir à sa famille. Sur les conseils avisés du Génie Rural, il lâche cette vieillerie de polyculture pour faire du maïs après remembrement de l'exploitation. Il envoie ses fils à Paris, achète un tracteur plus gros, une ensileuse et des cages-séchoirs. Il vend bientôt sa production sur le marché et y achète les denrées qui désormais lui manquent : cet agriculteur vient d'entrer dans le PIB et ses fils à l'ANPE. C'était mieux avant ou maintenant ?

SitglitzLa croissance comptable doit le céder à la stabilité sociale et à l'épanouissement des hommes. C'est ce que M. Sarkozy cherche à entrevoir dans les conclusions de la Commission Stiglitz (en photo) sur le PNN (produit national net). Un bon point pour lui, s'il s'y prend bien, il va cartonner à Pittsburgh pour notre plus grande gloire.
C'est tout ce qui nous reste.


Note (1): le sens en est plus fort que chez nous aux Etats-Unis et veut dire "communiste".




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