mercredi 28 avril 2010

Le Lien 32 est paru

Henri IVIl y a trois jours, je me disais que c'était la saison du Lien, mais affligé des pitreries royalistes parisiennes autour de la fête de sainte Jeanne d'Arc, je me suis laissé surprendre par la livraison de ce matin. Le 32 était là. Pour les quelques lecteurs qui ne sont pas encore abonnés à ce bimestriel de qualité, je fais une brève recension de ce numéro qui ouvre sur l'année Henri IV. Roi de l'apaisement, roi du compromis mais surtout roi de ses peuples - la poule au pot n'est pas qu'une image d'Epinal - le Navarrais aura surtout l'intelligence de sa fonction dans toute son acuité, alliée à une pugnacité cachée dans l'édredon de ses empathies.
Je passe pour y revenir plus bas sur le coup de brosse à reluire concernant ce blogue-ci et suis heureux de voir apparaître dans les colonnes du Lien le blogue Café Royal de notre ami Muscadin qui désosse les élections régionales dans le camp de la victoire, celui du désintérêt général exprimé par un taux d'abstention record.

Puis on chevauche la genèse de la légitimité de Saint-Simon, le duc, à Chateaubriand. Ça se lit d'un trait, avec une belle photo du prince Alphonse déposant sa gerbe de lys au rocher du Grand Bey à Saint-Malo ! C'est du Guillotel. Impeccable.

rené de chateaubriand
Les "propos du lecteur" de Jacques Rolain restent dans l'axe de l'année H-IV et je m'intéresse toujours à suivre l'actualisation de ses souvenirs à la permanence de la doctrine, même s'il n'a pas saisi qu'Henri IV soit "le seul roi qui pourrait être élu président de la République". On atteint là les limites de conception de certains légitimistes qui fondent tout sur l'adoubement divin et s'amusent de la maxime célèbre de La Tour du Pin, "le droit du prince naît du besoin du peuple" ; ou dit moins savamment, la monarchie est populaire sinon rien ; ou comme le dit aussi Royal-Artillerie : c'est un régime de consensus populaire.
Bon, on ne va pas s'empoigner, mais de l'avoir oublié jadis a ruiné l'ouvrage. Bourbon aurait-il privilégié ses peuples en tout - à finir par Charles X et un suffrage "rural" pour nommer à la chambre basse - qu'il serait toujours là.

M. Rolain termine sur "l'affaire Benoît XVI", les textes qu'il choisit autant que ses propres commentaires sont remarquables, et c'est un agnostique qui le lui dit. Il faut avouer que j'ai un immense respect pour le pape Ratzinger qui est bien celui qui va avec nos temps de liquéfaction morale, contrairement à ce que prétendent les cuistres de sa propre église qui n'y voient goutte et ameutent contre lui. Un seul regret, qu'il ait posé la hache en revêtant le pallium. Elle lui servirait aujourd'hui à couper le bois mort, et je ne pense pas qu'aux salopards. Retrouvez l'article de Denis Tillinac dans Valeurs Actuelles 3815 du 7 janvier 2010 qui dit aussi tout ça bien mieux.
Jacques Rolain termine par une longue analyse des propositions de l'Alliance Royale qui ont sauté ses préventions premières, et le convainquent suffisamment pour qu'il en fasse une juste articulation. Il se convertit lentement, ce qui prouve la pertinence de l'approche politique de ce parti, mais ne le lui dites pas.

Jean d'Orléans à LimogesPuis patatrac ! "Sans la liberté de blâmer, il n'est pas d'éloge flatteur" nous dit le Figaro (et Beaumarchais). Je ne comprend pas l'acharnement sur Jean d'Orléans et sa famille, de la part du baron Pinoteau. Nous avions bien ri de Gaston Ier dans la livraison précédente, mais les meilleures sont les plus courtes. Et même si faute avouée est à moitié pardonnée, les assertions du précédent billet d'humeur étaient en partie fausses. C'est grave. Le Lien légitimiste est destiné à un lectorat de qualité qui n'a pas l'habitude de croiser les informations qu'il y trouve. La confiance est de mise.
Mais au-delà de cette charge, quand même imméritée depuis que l'on sait que le prince Jean promeut la Monarchie de Juillet de son aïeul et pas la Monarchie "légitime" ou traditionnelle, je déteste vraiment l'attaque au faciès : « ... une des clés de la personnalité du prince est sa curieuse physionomie, et des spécialistes en la matière de plusieurs pays (peut-être même ceux de certaines officines) en savent plus que nous sur le véritable caractère de Jean d'Orléans.»
A quoi je répondrai de manière ramassée : "qu'est-ce que ça peut vous fiche, Baron, qu'il n'ait ni charisme ni aisance ? On fait de la politique, pas de la physiognomonie¹ !".
Cette querelle incessante des positions, faits et gestes de la famille d'Orléans, minutieusement renseignée aux meilleures sources, n'apporte rien à la cause du roi ; à se demander si les légitimistes existeraient encore si l'avion de la Maison d'Orléans s'écrasait sur Smolensk ! Sacrebleu, la Légitimité aurait-elle besoin d'Orléans comme Dieu a besoin du Diable ?

SS Benoit XVI
Page 11, les Mélanges à propos de choses diverses qui courent ici ou là nous présentent (sur trois colonnes) le prochain colloque des Amis de Guy Augé à la fac de Droit-Panthéon le 29 mai prochain qui va remettre sur le pupitre le Cujus regio, ejus religio" du traité de Westphalie. Le thème en sera La Religion et La Cité.
Notre société a les deux pieds dans le problème (pour rester poli) et c'est tout bonheur qu'un aréopage de ce niveau² débatte de ces questions en public. Un extrait de la revue La Légitimité nous fait vivre cette journée par anticipation (n°60). J'en extrait une question de Claude Polin : "Sommes-nous arrivés à cette fin de l'Histoire et de la pensée où le pluralisme religieux fondera, sur les reculs de notre identité et les brassages incontrôlés de populations, une cité tolérante et pacifiée ?" Et de nous jeter au visage l'encyclique Dignitatis Humanae.
A partir de 10 heures, le 29 mai à la fac de Droit, 12 place du Panthéon à Paris 5°.


Le 32° Lien se termine (mais pas nous) sur l'affaire de Thiberville, j'allais dire la lamentable affaire de Thiberville (diocèse constitutionnel de l'Eure). On y comprend un peu mieux la chaîne de commandement de l'Eglise catholique et la puissance des féodaux historiques que sont les évêques. Mais ceux qui ont étudié les prémices et le déroulement de la Révolution Française savaient déjà bien des choses. N'est-ce pas ? Souhaitons au curé Michel d'avoir enfin l'oreille en dernier recours de La Signature Apostolique. Sans doute gagnera-t-il et je le souhaite.
Ceci dit, je ne vais pas récrire les 12 pages du numéro 32 pour les inconséquents qui se privent de ce lait nutritif, mais il y a l'in cauda.

louis de bourbonEn page 2 de cette livraison, Gérard de Villèle reprend le billet de clôture "Archivons!" de Royal-Artillerie (20.01.10). Bien qu'il ait été récrit trois fois pour atténuation parce que je me doutais un peu qu'il serait un jour ou l'autre cité, ce billet reste sévère avec les structures qui animent la cause royaliste en France. On peut le lire ici. J'aurais aimé un rebond plus qu'un coup d'encensoir, et plus particulièrement sur l'absence étonnante du prince Louis au moment où le pays va affronter ses pires jours de l'après-guerre. Nous nous ruinons littéralement à courir derrière un modèle invérifié qui a coulé un des empires les plus puissants du siècle passé, ce pays n'est pas une île isolée du Pacifique mais un très beau pays au carrefour de toutes les collisions occidentales, et Dieu sait qu'elles accourent, et les Français se sentent bien seuls sous le sceptre en formica de Zébulon Ier.

Côté princes, je ne vois que la promotion des idées assez convenues du dauphin qui fait un succès d'estime en province en s'exposant lui-même plus que ses idées. En a-t-il ? Mais Silence radio du côté de Caracas ! Tout ce qui m'est parvenu est l'annonce faite par la duchesse d'Anjou à un correspondant local, de son futur accouchement à l'hôpital Mont-Sinaï de Miami et tout le bien qu'elle pense de cette clinique de gringos. Qu'en dit Chavez ?
Rien du prince Louis depuis un bon moment, pas mêmes les voeux traditionnels de nouvel an au sortir de la crise financière mondiale dont il est un expert pourtant. C'est léger, à croire même que depuis qu'on a répété à l'aîné des Capétiens qu'il "était" tout simplement le roi par le droit monarchique, quoiqu'il en pense ou dise, il a fait le choix du hamac canonique et ne s'inquiète plus de rien, si tout est décidé en dehors de lui. Espérons que la naissance des jumeaux (à Miami) recentrera ses inquiétudes à notre endroit et le fera sortir de sa réserve. Mais je n'en mettrais pas ma main au feu.

Pour finir, je rappelle aux privés de bonheur l'adresse où envoyer leur chèque de 10 euros pour un an (6 numéros) de version électronique ou 20 euros pour le modèle Gutenberg :

Le Lien Légitimiste
Petit-Prix
37240 La Chapelle Blanche Saint-Martin


Note (1): http://fr.wikipedia.org/wiki/Physiognomonie
Note (2): Jean-Pierre Brancourt (de Louis XIV à Louis XVI), Thierry Buron (Michael von Faulhaber, théologien bavarois), Pascal Gourgues (la théocratie), Claude Polin (l'oecuménisme), Claude Rousseau (humanisme et divin grec), Philippe Toulza (Bossuet vs. Louis-le-grand).

Une faute d'orthographe, de grammaire, une erreur à signaler ? Contactez le piéton du roi à l'adresse donnée en bas de page et proposez votre correction en indiquant le titre ou l'url du billet incriminé. Si l'article vous a plu ou déplu, vous pouvez le faire suivre à un ami en cliquant sur la petite enveloppe ci-dessous :

mercredi 14 avril 2010

Off-limits

Paquet de cigarettes Zhongnanhai
Depuis quinze jours (mardi 30 mars 17h) le moteur de recherche Google renvoie une erreur 404 à toute demande effectuée en Chine. Il est probable que ce blocage confirme les instructions récentes du Département Central de La Propagande de Pékin de n'utiliser dans la presse aucune autre source qu'officielle sur le sujet de plus en plus délicat, au regard des réactions très négatives des secteurs économique et universitaire. C'est la liberté de faire tout et n'importe quoi en Chine qui est bridée par le pouvoir un peu grippé par le vent du grand large.
Voici un article paru dans le n°2791 de l'Action Française 2000 datée du premier avril 2010, qui passe en archives Royal-Artillerie.

L'hydre capitaliste est-elle sans âme ? La firme de Mountain View avait accédé en 2006 au premier marché mondial en passant sous les fourches caudines de la Censure chinoise lui demandant de filtrer les requêtes adressées à ses serveurs. Après quelques piques de mauvaise humeur, la communauté internétique l'avait alors absoute au motif premier que le développement du moteur global sur l'immense marché chinois était imparable. De simples questions d'éthique – améliorables dans le futur - ne pouvaient brider Google Inc., tous les acteurs majeurs étant passés par là (Microsoft, Yahoo, Amazon...). Il faudra qu'en janvier dernier les services chinois de basse police fassent pirater les serveurs afin d'accéder aux données personnelles des dissidents ciblés, pour que les Américains se fâchent et, comme toujours à la fin de l'envoi, tombent du bon côté. Sacré scouts !

flic pékinoisMais la morale de l'affaire est tout autre et les chevaliers ni si noirs ni si blancs. Le succès phénoménal des intuitions techniques de Google (Pagerank, Googlemap, Adsense, G-mail, Chrome...) a indiqué la voie de monstrueux profits aux acteurs chinois d'un marché presque comparable en taille bientôt à celui du reste du monde. La capitalisation boursière de la société avoisine actuellement les cent soixante-quinze milliards de dollars et la firme a fait un chiffre d'affaires (cf. http://investor.google.com/fin_data.html) de plus de vingt-trois milliards de dollars en 2009, laissant un bénéfice de vingt-huit pour cent !
La monétisation du « mot-clé » serait-elle réservée au jeune lion ? En apparence, tout est tellement si simple quand c'est fait, que les moteurs nationaux comme Baidu ou Sinacorp se sont sentis capables de prospérer pour peu que l'expansion du géant américain en Chine soit découragée. En Chine, c'est l'Etat qui « décourage » ! Il le fait sans émotion aucune. Par exemple, il a carrément fermé Internet au Xinkiang après les émeutes d'Urumqi de 2009, n'ouvrant certaines lignes professionnelles que sur demande expresse et justifications au grand dam des usines locales.

fleurs de sympathieAu delà de la fonction « moteur », l'enjeu le plus important est de nourrir les plateformes mobiles de moult applications dont tous les internautes ont entendu parler, même si tous ne les utilisent pas encore. Or China Mobile, première compagnie de téléphone du monde avec cinq cents millions d'abonnés, doit décider ces jours-ci d'une alternative à Google avec lequel elle est sous contrat. Ce sera le signal qui dictera la posture de tous les autres, attendu qu'il est très dangereux de braver l'Etat central dans un domaine aussi sensible que les télécommunications nomades. TOM Online, la téléphonie mobile de Li Ka-shing¹ sur le continent, a déjà succombé à la peur et se proclame depuis mardi dernier débranché de la pieuvre américaine. Pacific Century Cyberworks (Hong Kong) de son fils Li Tzar-kai devrait suivre.

Les moteurs chinois sont-ils capables de surpasser Google, est la grande question « nationaliste ». S'ils y parviennent – et les développeurs chinois ne sont pas des manches – l'Etat chinois aura le contrôle parfait de l'information étrangère destinée à l'empire. S'ils échouent, en ce sens que de nombreux internautes particuliers et professionnels rouspèteront, noieront les services officiels de réclamations véhémentes ou enverront leurs recherches à l'extérieur du pays faisant perdre la face aux dirigeants, alors les têtes de la Censure tomberont tant le pays est obsédé par le comblement de l'écart entre lui et l'Occident. A noter que cet écart est de notre faute, ancienne certes mais toujours vivace (Merci à la reine naine d'avoir passé ses nerfs sur la Guerre de l'Opium).

la Cité interdite à vol d'oiseau
S'il y a matière a s'émouvoir des restrictions imposées par la Chine à ses ressortissants résidents au pays, on peut aussi prendre un joker et ne pas se joindre au concert de protestations. Non parce que la bataille au fond est terriblement capitalistique – on oublie trop souvent le paramètre « fric » dans la gestion de l'Etat chinois – mais surtout parce que de mémoire d'homme, nul n'a vu quiconque gouverner un empire de mille trois cent cinquante millions de citoyens, égaux en droit² qui pis est, et qu'à ce niveau de défi, les vieilles recettes libérales sont peut-être dépassées.


Note (1): la HKSAR est divisée entre différents magnats spécialisés qui ne s'affrontent pas. Les plus connus sont Li Ka-shing, les frères Kwok, Lee Shau-kee, Cheng Yu-tung, Stanley Ho, Yeung Sau-shing et Jimmy Lai. Le classement Forbes compte quarante millardaires chinois à Hong Kong !
Note (2): sauf les 55 minorités ethniques régies par leurs coutumes et qui forment 9% du total.

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