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la presse des diables étrangers

On se régale à lire le Qiushi Journal surtout quand le traducteur est à côté de soi. Dans un article du numéro 17-2011 qui m'était passé dans le dos, les crânes d'oeuf du Parti communiste chinois ont analysé la presse démocratique, et il faut bien avouer qu'ils en ont démonté toutes les complications comme on dirait en Val de Joux. C'est le scandale News-of-the-World du groupe de presse Murdoch, tête de la liste des 50 personnages les plus influents du monde éditée par le British New Politicians, qui a réveillé les consciences dogmatiques de l'Empire revenu.
Nous vous en présentons un résumé "impartial" et une critique à coeur.

Résumé
Si le peuple chinois est bassiné à longueur de temps par la démocratie, la liberté et les droits de l'homme occidentaux, exprimés par la liberté à tout crin de la presse "internationale", il ignore que c'est pure fabrication. Inutile d'êtrre admiratif, la "presse libre" est sous contrôle. Les vrais patrons sont le Pouvoir et le Capital et la seule liberté qu'ils réclament pour la presse est celle de maximiser ses profits.

Gouvernements et magnats vont de conserve derrière l'écran de fumée de la critique superficielle des insuffisances du moment, que les premiers acceptent d'autant plus facilement que les seconds font l'élection, marotte occidentale. S'ajoutent au dispositif les agences de presse qui fournissent la matière première après l'avoir triée, la réémission vers l'étranger étant pour sa part contrôlée par une administration spécialisée (ndlr: comme la AEF en France ou le BBG aux Etats-Unis). Sont associés au modelage de l'Opinion les instituts de sondage, passés maîtres dans l'art de poser des questions sollicitant des réponses favorables aux clients, instituts dont les gouvernements font grand usage, autant d'ailleurs que les "experts" intarrissables dont on inonde les médias à chaque importante occasion, comme lors des guerres. Les uns et les autres ont la manière de critiquer les décisions ou les intentions gouvernementales dans la juste mesure nécessaire à faire croire à leur liberté de langage. Il est aussi communément admis que les groupes de presse les plus attentifs au Pouvoir obtiennent des facilités à leur expansion (ndlr: le PCC le sait bien puisque c'est grâce à une échine de carpette que Ruppert Murdoch a pu lancer StarTV et PhoenixTV en Chine).

La liberté de la presse exigerait l'authenticité des informations et leur traitement en accord avec les principes constitutionnels. La Vérité est le sang des systèmes d'information. Au lieu de quoi les distorsions abondent quand ce ne sont pas les fabrications. L'affaire Strauss-Kahn en est le bon exemple (ndlr: oui, oui, ils connaissent !).
Les sociétés modernes sont réglées par la Loi. Les constitutions occidentales proclament la liberté de la presse (Premier amendement à la Constitution des Etats-Unis, article 11 de la Déclaration des Droits de l'homme en France ou loi de 1881) mais lois et décrets se succèdent ensuite pour ôter du champ des libertés les sujets qui fâchent le pouvoir (Patriot Act, Cybersecurity Act, ndlr: lois Gayssot).
La liberté de la presse est d'abord une arme idéologique qui frappe les "pays de mission" - nations sous-développées - où se promeuvent les réformes démocratiques aux principes impeccables de la vérité tranparente et de l'immunité sacrée des journalistes. Mais promouvoir le style de vie occidental à travers des "médias libérés" est le meilleur vecteur des produits occidentaux et surtout du mode de pensée occidental qui n'est pas forcément adapté aux traditions et systèmes locaux. Le procédé est puissant puisqu'il a pu retourner comme une crèpe l'Union soviétique et les pays d'Europe orientale.
Aujourd'hui c'est d'abord un contrôle étroit d'Internet qui est en jeu, non pas de l'information en elle-même mais des canaux de diffusion. Les révolutions de couleur dans les anciens pays communistes et la révolte arabe lui doivent beaucoup.

Et le pararaphe de conclusion de Qiushi in extenso :
« Les médias occidentaux, connus pour être "absolument libres, sincères et objectifs", en réalité rapporte plus ou moins ou pas du tout les choses qui ne sont pas dans la ligne de leurs intérêts et de leurs valeurs ; ils font une extension de "liberté" aux autres quand c'est à leur avantage ou s'ils peuvent ainsi atteindre leurs buts. Il peuvent exagérer un incident mineur pour faire un gros titre et fabriquer de l'information à partir de rien. Par son essence même la "liberté de la presse" dans les pays occidentaux marche sur un double standard, un pour eux-mêmes, un pour les autres. »
Fin du résumé

Il y a peu de choses à dire du démontage achevé de la sphère médiatique occidentale par les rédacteurs du Qiushi, et des connivences avérées pour ne pas dire publiques comme le montre la photo ci-contre. Mais poutre et paille font bon ménage. Outre la tutelle publique des organes d'information chinois, tutelle assez scabreuse parfois quand les blogueurs se mêlent d'informer les masses laborieuses des turpitudes des pouvoirs locaux, la liberté d'entreprendre se fracasse sur le mur de la communication dirigée. Que n'a-t-il fallu faire à Rupert Murdoch pour accéder à un marché d'un milliard de gogos, raconter partout que le dalaï lama était un vieux moine très politicien qui se promène en chaussures Gucci, et j'en passe sur sa bénédiction de la reprise en main de Hong Kong par Zhongnanhaï. Depuis lors, les Fils du ciel ont siphonné tout le logiciel murdochien et créé leur propres télévisions commerciales. Le vieux tigre qui faisait si peur à Londres va partir de Chine en calbar.

Cet article fait suite à un dossier du même journal publié en décembre 2010, et qui poussait les décideurs chinois à intervenir dans la presse internationale pour promouvoir, avec une certaine adresse et un savoir-faire à acquérir, les intérêts de l'Empire. Le volet "médias" de ce dossier a été analysé par Royal-Artillerie : A la recherche de Taïpan Kane.

On ne peut s'empêcher aujourd'hui de lire en biais cette critique des médias occidentaux comme une success story : Pologne, URSS, Allemagne de l'Est, Roumanie, Ukraine, Egypte, Tunisie, et demain Syrie ont été mises sens dessus dessous par la "presse libre" d'occident, et récemment par les réseaux sociaux américains. Qiushi Journal, organe de réflexion du Parti, suggère en négatif de copier l'arme idéologique imparable des "longs nez" et il en donne tenants et aboutissants.
La base est déjà de qualité, à voir le niveau des sites internet des pôles chinois d'information dirigée, et elle s'étend régulièrement en tâche d'huile. Le site francophone de l'agence Chine Nouvelle¹ (clic), rattachée au Conseil des Affaires de l'Etat , est très pro dans sa construction comme dans son contenu, avec une section Afrique développée. Le site mondial de Xinhua (clac, mais en anglais) est quant à lui encyclopédique.
En audiovisuel, CCTV et CRIonline (Radio Chine Internationale) ont démultiplié les sections francophones non seulement bien sûr à destination de l'Afrique mais tout autant vers les six pays développés² pour les assurer des meilleures intentions de l'Empire. Les grilles de programmes sont parfois meilleures que les nôtres, hélas envahies de jeux débiles et de reportages moisis.

Il est intéressant de voir la progression du système chinois d'information sur le Tiers-Monde où la promotion de la diversité culturelle est inlassable, qui vise à contrer la démocratie magique d'importation. Avec peu de succès pour l'instant, reconnaissons-le. Le modèle occidental brille de mille feux comme un miroir aux alouettes, mais il porte un vent de libertés quotidiennes qu'il est difficile de contredire. Il n'en va pas de même du corollaire de la non-ingérence chinoise dans les affaires intérieures des Etats qui passe pour un accord tacite de la pacification aux chars d'assaut. Aussi peut-on dire en conclusion que l'intérêt démontré par Qiushi d'une capitalisation des réseaux d'information peut se briser sur le ressenti des peuples souvent étouffés de scories de traditions obsolètes, admirées des touristes, mais qui aspirent à acheter du neuf.
C'est "humain" !

Quant à la "capitalisation" de la presse française, nous n'avons pas attendu l'expert chinois :
Le Figaro est aux avions et systèmes Dassault Frères
Libération est à Édouard de Rothschild
Le Monde est aux philanthropes Bergé, Niel & Pigasse associés
Le Parisien est à Amaury & Lagardère
L'Humanité de Jaurès est soutenue par TF1 et Lagardère
La Croix est la danseuse du groupe Bayard Presse
[...]
Hors presse, l'information libre mais pas toujours sûre est celle des flux citoyens : le cauchemar des pouvoirs, et des pouvoirs chinois plus que tous autres. A preuve, le projet de contrôle des opinions publiques présenté par le Drapeau Rouge et que l'on peut lire dans une traduction anglaise par ici (c'est assez copieux). Ils n'y vont pas de main morte et englobent la "structuration" des forums et blogues qui doublent la presse mainstream, tout en recommandant de se tenir au plus près de la réalité des évènements (quand même !). Du travail pour le pouvoir de Pékin et résultat non garanti, parce qu'un Chinois de base, c'est malin.

Conclusion pro domo
Il n'est faire injure à personne de dire que la presse d'opinion est en crise, faute de lecteurs. Voir l'Huma sponsorisée par Lagardère Active ou Libé par Rothschild est un comble, mais démontre que la mise à disposition de capitaux est primordiale pour un journal, aussi bien fait soit-il. La presse monarchiste reste confidentielle pour une première raison : sa cadence de parution est démodée, ses contenus sont insuffisants en quantité pour attirer le chaland, ses supports peinent à rester à la page (pas de site web d'information en continu). La seconde raison est peut-être l'étroitesse de l'angle d'attaque qui pénalise une diffusion plus large. Les rédactions doivent se remettre en question sur une grille d'objectifs. Remédier à tout cela convoque des capitaux. Il n'y a pas d'échappatoire.

Note (1): Agence Xinhua (Bureau régional de la francophonie)
27-31, rue Médéric - 92110 Clichy-La-Garenne
Note (2): Belgique, Canada, France, Liban, Luxembourg et Suisse romande

Commentaires

  1. Belle analyse. Ma crainte : la mise au pas des individus sur la toile.

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  2. Le pouvoir fuit comme de l'eau entre les doigts des gouvernements devenus, tous sans exception, manipulateurs.
    C'est de leur survie qu'il s'agit. Il leur faut donc encadrer d'abord la production d'informations sur la Toile, puis assécher l'espace par des moyens capitalistiques peut-être.
    Mais il y a des centaines de millions de gens actifs incontrôlés dans le schmilblick, et souvent plus intelligents que les Etats.
    Dur, dur !

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