Tous les exercices OTAN du théâtre Centre-Europe comportaient après 1966 une clause de jeu créant un grand trou noir au coeur du dispositif allié par retrait des états-majors français de la guerre simulée. Des refus explicites de Paris dans des cas particuliers comme le bombardement du compound de Kahdafi à Tripoli en 1986, la communication par un officier français de la DGSE des plans CINCSOUTH d'attaques aériennes de la Serbie en 1999, et bien d'autres griffures dans le pacte atlantique, avaient convaincu les analystes patentés que l'allié central était peu sûr. Cette répulsion imprègne toujours les discussions anglo-saxones à la machine à café et l'éclat électoraliste du président français acculé par les sondages à hâter le retour de nos soldats perdus en Afghanistan a fait renaître la question du French denial. Jeffrey Lightfoot, de l'Atlantic Council, en a fait des tonnes dans le genre "je vous l'avais bien dit" et le vieux sage autoproclamé Brzezinski s'est dit stupéfié ; nous savons depuis longtemps qu'il nous déteste parce que nous avons laissé crever la Pologne en 1939.
Accordons-leur que Sarkozy n'a jamais eu la manière en aucune de ses décisions, c'est son côté plouc endimanché. Mais sur le fond, même si l'annonce n'aurait pas dû suivre de si près l'assassinat des quatre formateurs français à Gwan, il a raison, et ses raisons sont fondées sur l'analyse de terrain. Contrairement à ce que proclament les hauts-fonctionnaires de l'OTAN à Bruxelles, la perspective de relève locale des forces alliées n'est pas aussi rectiligne, le rapport de doutes sciemment fuité par le Pentagone le confirme. Et mal leur en a pris de monter sur leurs grands chevaux contre la France à la veille de la réunion des ministres de la défense au QG de l'OTAN à Bruxelles puisque Léon Panetta y a déclaré hier que les Etats-Unis hâteraient leur retrait comme l'avait décidé Paris !
Ainsi l'offensive se terminera un an plus tôt et le bébé sera passé à l'Armée Nationale Afghane fin 2013, mais des appuis feu, soutiens logistiques, structures sanitaires et des conseillers militaires resteront pendant la transition qui s'achèvera fin 2014 comme prévu. L'OTAN sauve la face. Seul le gouvernement Karzaï se sent trahi, mais à force de tirer des fils dans tous les sens, il aurait pu deviner que son jeu était opaque et donc analysé comme un danger pour la Coalition.
Sans faire les tarots, on peut prédire que l'infanterie de l'ANA va être poussée en première ligne et que l'accompagnement quotidien ISAF au sein des compagnies engagées sera remplacé par un cadrage briefing-debriefing de chaque opération, bien au chaud dans la casemate comme le pratique déjà les Américains. Ayant jugé le bas niveau d'instruction des unités élémentaires et le peu de progrès à en attendre par porosité avec un environnement hostile et complice à la fois, on se dirige vers une "guerre à l'italienne" recalibrée en patrouilles tranquilles et préavisées ouvertement.
L'intérêt de la Choura de Quetta, gouvernement en exil de Mollah Omar, n'est plus de mettre le pays à feu et à sang dès lors que seule la paix des campagnes incitera les unités alliées à faire retraite. Pas non plus de couper leurs convois quand ils se mettront en mouvement. On pourrait parier qu'un flux logistique important pourra descendre au port en eau profonde de Gwandar par la route stratégique Kandahar-Quetta-Balouchistan en pleine quiétude, les abords étant sécurisés par les insurgés.
Dans ce grand silence, l'ANA perdra toute motivation et deviendra une gendarmerie cantonale. Quant au clan Karzaï, il rachètera une chaîne de pizzeria aux Etats-Unis pour se refaire.
Spéciale dernière : L'OTAN vient d'endosser la décision franco-américaine de retrait anticipé sous couvert de défaisance des opérations militaires à l'ANA fin 2013 et l'applique à l'ISAF.
Si ces annonces de retrait décrétaient la paix, la donne des trois ans qui viennent pourrait être changée même si à la fin les Talibans reprennent les guides, avec l'appui indéfectible de l'ISI pakistanaise et la résignation de la majorité silencieuse afghane usée par 33 ans de guerre. C'est moche pour les femmes et les fillettes, mais nous aurons tout tenté.
- une belle tête de vainqueur - |
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