Cet article a paru en page Société de l'Action française 2000 datée du 2 février 2012 sous le titre "Flux culturels et subversion". Il entre en archives RA.
Le Forum économique mondial de Davos qui a clôturé ses travaux dimanche dernier a planché, entre autres risques planétaires, sur celui de l'inter-connectivité. Les experts du forum ont identifié, parmi une dizaine de risques graves, l'hyper-complexité de notre société dont les infrastructures essentielles telles que l'électricité, l'eau, le gaz, les transports, les communications et la circulation de l'information sont désormais à la merci de groupes d'individus organisés en réseaux parfois éphémères, capables de provoquer à très peu de frais des dévastations dans les domaines économiques voire géopolitiques, quand il fallait autrefois mobiliser d'importantes ressources à la seule disposition des Etats pour y parvenir.
C'est dans ce contexte qu'a surgi l'affaire MegaUpload et la réplique des Internautes. Si le grand public y voit la charge des ayants-droits jusqu'ici contentés par des lois fortement rémunératrices pour les producteurs de supports d'abord, les fournisseurs d'accès ensuite, et s'il en reste, les créateurs, il constate tous les jours que le marché des biens culturels s'est retourné et que le modèle de captation en cascade de la valeur ajoutée est désuet. Le combat des voraces contre les coriaces, comme disait le député Jean-Pierre Brard lors des débats kafkaïens sur la loi « Création & Internet » (Hadopi), est lancé. L'agitation médiatique des faiseurs d'opinion contre une nouvelle industrie qu'ils ne comprennent pas vise à occulter le changement de paradigme qui a transféré le pouvoir du monde physique au monde virtuel. Et la vraie question est là. Jusqu'où iront les Anonymous dans leur riposte pour défendre ce nouveau commerce des idées et de l'art.
MegaUpload était un site mondial d'hébergement de fichiers trop lourds pour être transmis en pièce jointe d'un email. Y cohabitaient fichiers légaux et illégaux au sens des lois de copyright. Confisquer les serveurs amalgame gens de bonne foi et pirates, et les pénalise tous avant un quelconque jugement. Les réseaux alternatifs comme Les Anonymous combattent autant pour la liberté d'accès aux données transférables que contre l'autonomie répressive d'administrations incontrôlables.
En revanche, si bloquer les accès au site du FBI, de l'Elysée, de la HADOPI, de Vivendi, du Parlement européen et d'autres grandes institutions est devenu anodin à cause du bombardement médiatique incessant, l'affaire est riche des prémices d'une Anarchie revenue.
Certes, ce ne sont pour le moment que les sites Internet accessibles de l'extérieur qui sautent par déni de service (surcharge des demandes d'accès) et pas encore les réseaux intranet bouclés sur eux-mêmes, mais des passerelles existent, construites et bloquées par des humains et donc franchissables et démontables par des humains. N'a-t-on pas vu les programmes informatiques de commande des centrifugeuses nucléaires iraniennes infectées par un virus israélien ? Des hackers devenus depuis professionnels de la sécurité ont piraté des bandes magnétiques et des documents classifiés, des codes d'accès sensibles dans des organisations aussi protégées que le Pentagone, la NASA, des codes bancaires dans des comptabilités sécurisées ou des fiches signalétiques de police. Ces données peuvent être altérées et réinjectées assortis de codes de prolifération. S'il s'agit de la conduite d'un réacteur atomique, de la route d'un navire ou du pilotage d'un aéronef, on frôle la panique.
Il y a en plus des fous géniaux comme l'Anglais Gary McKinnon, obsédé par l'invasion des lézards, qui casse l'informatique des commandements américains pour en extraire les preuves irréfutables. Mais les occupations coupables de quelques cerveaux enrichis en synapses ne sont rien à côté d'une subversion cybernétique. Les Anonymous qui mènent un combat de fourmis rouges contre l'Autorité permettent de déceler l'émergence des vielles recettes de déstabilisation de notre société, le rêve inachevé de leurs grands aînés, Bakounine, Kropotkine, Malatesta. Espionnage, sabotage, guerre électroniques sont des menaces prises en compte au plus haut niveau des organisations de défense et l'attention des observateurs est doublement captivée par l'implication évidente des réseaux sociaux, grands ou discrets, dans les révoltes arabes.
Ainsi le tapage médiatique autour de l'affaire MegaUpload occulte-il la prise de conscience par l'opinion de nouveaux dangers qui planent sur nos sociétés, expulsant du raisonnement de l'électeur moyen le doute légitime quant à la capacité de nos dirigeants de s'en prémunir et le cas échéant d'y faire face. Nous n'osons croire qu'on puisse éteindre un pays avec relativement peu de moyens physiques, compensés par du talent. Et pourtant.
Les organisations de défense évoquées qui ont été étudiées en préparation de cet article sont d'abord et surtout le Cooperative Cyber Defence Centre of Excellence de Tallinn (Estonie) dans la grande tradition de l'espionnage anglais, mais qui dépend de l'Allied Command Transformation (ACT) de Norfolk, commandé statutairement par un général français.
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