Le bouclier sino-russe est de peu d'efficacité contre les insurrections syriennes. Il permet l'exercice local d'une brutalité sans retenue, en contrepartie de quoi les diplomaties des pays-veto sont définitivement tachées de sang. Ce bouclier assez stupide protège le régime Assad contre toute intervention étrangère... qui ne viendra pas. Et le commandant de la base de Tartous se crève les yeux aux jumelles, comme le garde-frontière du Désert des Tartares.
De la consultation de relations libanaises personnelles impliquées, il ressort que le clan Assad n'avait que deux choix. Gagner du temps par tout moyen pour muscler le parti Baas contre celui des Frères musulmans et lui imposer une cohabitation à l'égyptienne ; à défaut d'y parvenir, déclencher une guerre confessionnelle obligeant les "maisons-mères" à se ranger en ordre de bataille, le théâtre d'opérations restant en Syrie où il pouvait être contrôlé par un régime puissamment armé. Viendraient en renfort plus qu'aujourd'hui les soutiens chiites (Irak, Iran) et sunnites (Golfe, Palestiniens) et le nombre de chars ferait le vainqueur au milieu des ruines fumantes du pays, Bachar al-Assad. Les émeutes s'étant précipitées, les deux fers sont au feu.
Le parti Baas accumule les prébendes et positions-clés détenues jusqu'alors par l'Etat syrien et cherche à se déployer sur tout le territoire électif avant l'entrée en vigueur du multipartisme de façade qui, à travers les législatives, devrait lui donner une nouvelle légitimité. Peut-être faudrait-il commencer par y croire soi-même, ce dont je doute.
Reste le chaos et le sauveur.
Hélas, malgré les provocations, trop grosses pour bouter feu aux communautés, la guerre de religions ne prend pas. Pire, les communautés sont en train de se diviser en trois morceaux, assadistes, inquiets silencieux, insurgés, ce qui génère une vraie guerre civile. La dernière à se fendre sera la communauté chrétienne qui ne sait plus où elle habite. Les Alaouites qui jusqu'ici tenaient le haut du pavé, craignent de faire les frais d'une épuration à la rwandaise qu'ils voient en songe et se divisent. Leurs intellectuels se rangent au côté de la Ligue arabe et demandent ouvertement la fin de la répression. Les dénégations du président jurant la main sur le coeur ne rien vouloir d'autre que la paix civile, ne sont plus crédibles, même pour sa communauté d'origine.
Les Druzes, les plus anciens des aborigènes, ont en Syrie le contigent le plus important. Du côté du manche jusqu'ici, ils se sont révoltés mardi dernier à Souwaida. Les exhortations du comprador de service ne suffisent plus à retenir une jeunesse voulant en découdre, au sens littéral.
Les Kurdes, habitués aux promesses oubliées de tous pouvoirs, ont moyennement apprécié l'attaque contre eux d'éléments du PKK (anti-turc) à Afrin le 3 février dernier, visant à les partager. Les hommes d'affaires kurdes de Syrie viennent de créer un Conseil économique kurde oeuvrant à la protection des populations kurdes, mais pouvant servir d'embryon à une structure d'autonomie dans la Syrie post-Assad. Ils se distancient de Damas pour prendre sans doute aucun leurs appuis au Kurdistan irakien.
Et les Chrétiens ? Traditionnellement baathistes (le parti laïque Baas fut fondé en 1943 par le grec orthodoxe Michel Aflak, formé à la Sorbone), les Chrétiens ont jusqu'ici exploité la posture de protecteur des minorités prises en Irak et en Syrie par les présidents du Baas. Entre le marteau et l'enclume, titre l'hebdomadaire parisien La Vie, les communautés chrétiennes avaient échangé les libertés individuelles et les "droits" contre la sécurité. Le métropolite catholique d'Alep dénonce donc l'insécurité provoquée par les gangsters et les extrémistes étrangers sur la même lecture que celle du pouvoir, mais en appelle à l'Eglise orthodoxe russe pour les sauver, en instrumentalisant la communauté syrienne orthodoxe très menacée par son imbrication dans la région alaouite. Moscou a plus de divisions que le Vatican. Le ministre Juppé, qui ne rate jamais une occasion de se taire, a déclaré à L'Orient-Le Jour que les Chrétiens n'avaient pas d'avenir à soutenir un régime sans avenir. Sympa, mais comment faire au quotidien ? La minorité chrétienne a la particularité d'être plus visible que les autres minorités, et de n'être défendue jusqu'ici par aucune puissance digne de ce nom, depuis la fin du Mandat. La Russie voudra-t-elle assumer ce protectorat ? Il n'y a pas d'alternative. Tous orthodoxes et c'est Bysance.
De la consultation de relations libanaises personnelles impliquées, il ressort que le clan Assad n'avait que deux choix. Gagner du temps par tout moyen pour muscler le parti Baas contre celui des Frères musulmans et lui imposer une cohabitation à l'égyptienne ; à défaut d'y parvenir, déclencher une guerre confessionnelle obligeant les "maisons-mères" à se ranger en ordre de bataille, le théâtre d'opérations restant en Syrie où il pouvait être contrôlé par un régime puissamment armé. Viendraient en renfort plus qu'aujourd'hui les soutiens chiites (Irak, Iran) et sunnites (Golfe, Palestiniens) et le nombre de chars ferait le vainqueur au milieu des ruines fumantes du pays, Bachar al-Assad. Les émeutes s'étant précipitées, les deux fers sont au feu.
Le parti Baas accumule les prébendes et positions-clés détenues jusqu'alors par l'Etat syrien et cherche à se déployer sur tout le territoire électif avant l'entrée en vigueur du multipartisme de façade qui, à travers les législatives, devrait lui donner une nouvelle légitimité. Peut-être faudrait-il commencer par y croire soi-même, ce dont je doute.
Reste le chaos et le sauveur.
Hélas, malgré les provocations, trop grosses pour bouter feu aux communautés, la guerre de religions ne prend pas. Pire, les communautés sont en train de se diviser en trois morceaux, assadistes, inquiets silencieux, insurgés, ce qui génère une vraie guerre civile. La dernière à se fendre sera la communauté chrétienne qui ne sait plus où elle habite. Les Alaouites qui jusqu'ici tenaient le haut du pavé, craignent de faire les frais d'une épuration à la rwandaise qu'ils voient en songe et se divisent. Leurs intellectuels se rangent au côté de la Ligue arabe et demandent ouvertement la fin de la répression. Les dénégations du président jurant la main sur le coeur ne rien vouloir d'autre que la paix civile, ne sont plus crédibles, même pour sa communauté d'origine.
Les Druzes, les plus anciens des aborigènes, ont en Syrie le contigent le plus important. Du côté du manche jusqu'ici, ils se sont révoltés mardi dernier à Souwaida. Les exhortations du comprador de service ne suffisent plus à retenir une jeunesse voulant en découdre, au sens littéral.
Les Kurdes, habitués aux promesses oubliées de tous pouvoirs, ont moyennement apprécié l'attaque contre eux d'éléments du PKK (anti-turc) à Afrin le 3 février dernier, visant à les partager. Les hommes d'affaires kurdes de Syrie viennent de créer un Conseil économique kurde oeuvrant à la protection des populations kurdes, mais pouvant servir d'embryon à une structure d'autonomie dans la Syrie post-Assad. Ils se distancient de Damas pour prendre sans doute aucun leurs appuis au Kurdistan irakien.
Et les Chrétiens ? Traditionnellement baathistes (le parti laïque Baas fut fondé en 1943 par le grec orthodoxe Michel Aflak, formé à la Sorbone), les Chrétiens ont jusqu'ici exploité la posture de protecteur des minorités prises en Irak et en Syrie par les présidents du Baas. Entre le marteau et l'enclume, titre l'hebdomadaire parisien La Vie, les communautés chrétiennes avaient échangé les libertés individuelles et les "droits" contre la sécurité. Le métropolite catholique d'Alep dénonce donc l'insécurité provoquée par les gangsters et les extrémistes étrangers sur la même lecture que celle du pouvoir, mais en appelle à l'Eglise orthodoxe russe pour les sauver, en instrumentalisant la communauté syrienne orthodoxe très menacée par son imbrication dans la région alaouite. Moscou a plus de divisions que le Vatican. Le ministre Juppé, qui ne rate jamais une occasion de se taire, a déclaré à L'Orient-Le Jour que les Chrétiens n'avaient pas d'avenir à soutenir un régime sans avenir. Sympa, mais comment faire au quotidien ? La minorité chrétienne a la particularité d'être plus visible que les autres minorités, et de n'être défendue jusqu'ici par aucune puissance digne de ce nom, depuis la fin du Mandat. La Russie voudra-t-elle assumer ce protectorat ? Il n'y a pas d'alternative. Tous orthodoxes et c'est Bysance.
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Il semblerait que la Russie veuille bien assurer ce protectorat des chrétiens d'orient.
RépondreSupprimerM. Juppé est déchargé d'un grand poids.
http://www.voltairenet.org/Vladimir-Poutine-se-pose-en
Cela revient à expulser la France du Proche-Orient. L'avenir des chrétiens est dans l'Orthodoxie, un retour aux sources en fait.
RépondreSupprimerOn pourra dire que nous l'avons bien cherché après tant d'années d'indécision.
Posté sur Newsring
RépondreSupprimerC'est la Russie la solution, pas l'ONU.
11 février 2012, 15:48
Le régime alaouite de Syrie est dans la sphère d'influence russe depuis des lustres, avant même la prise du pouvoir par el-Assad en 1970. Accord de commerce et de paiement syro-soviétique de Moscou en 1956 ! Moscou préempta les régimes laïques du Moyen Orient à l'époque de la désagrégation onusienne qui suivit la fin des mandats. Avec plus ou moins de bonheur, du fait de l'insuccès de ses armes dans les guerres locales.
Dés trois républiques laïques il ne lui reste aujourd'hui que la Syrie, la plus proche de ses intérêts vitaux et accessoirement le poignard dans les reins de la Turquie. Dotée d'atouts économiques et relativement mieux gérée que les deux autres, la Syrie est un acteur subalterne majeur de la dispute palestinienne. Attaquée par l'instabilité démocratique des révoltes arabes, Moscou ne peut pas la perdre, sauf à vouloir s'effacer de la géopolitique pétrolière de la région. Elle va donc faire le ménage elle-même en Syrie, sans l'appui des gouvernements occidentaux ni celui de la Ligue arabe qu'elle a toujours considérée comme l'avatar post-moderne d'un Foreign Office taxidermisé.
Au delà de l'expansion des libertés qui chantent, mais qui tardent, le sort des chrétiens de Syrie est une préoccupation sincère de certains pays européens (mais pas du Quai d'Orsay). La question est réglée. Selon RIA Novosti, Poutine s'occupe de tout et protègera l'Eglise orthodoxe comme le lui a demandé le Patriarcat de Moscou. Il ne reste aux églises romaines de Syrie qu'à rejoindre la grande orthodoxie pour se mettre à l'abri. Un retour aux sources, finalement.
La France par sa diplomatie trop "laïque" va se faire jeter du Proche-Orient.
Qu'y fait-elle d'ailleurs, me demandait un ami libanais ?