mercredi 25 juillet 2012

Les agences, entre morale et réalité


La mise sous surveillance négative du "triple A" des pays vertueux au motif de leur solidarité forcée est dénoncée par la morale économique. L'Allemagne, les Pays-Bas et le Grand Duché sont "punis" de renforcer la zone euro par leurs interventions monétaires, zone qui sans eux se fracturerait en deux ou plusieurs parties, la partie sud se soudant à l'Afrique. Si la zone euro se brise, l'onde de choc se propagera au reste du monde et les répliques du séisme seront nombreuses. C'est bien le motif du soutien mesuré certes mais effectif des trois pays visés à leurs voisins méridionaux. On ne peut vouloir une chose et son contraire, et pourtant c'est bien ce que font les gnomes de Moody's. Qui sont-ils à se prévaloir du principe de réalités antagonistes en fonction du temps ? Des gens qui analysent les risques encourus en plaçant votre argent dans du papier émis par celui-ci ou celui-là, entreprises ou Etats. Avec quarante pour cent du marché de gestion des risques, l'agence, deuxième au classement des casse-couilles derrière S&P, n'est pas un nain ; son bilan total tutoie les 3 milliards de dollars, pas mal pour une firme de matière grise.

Dans le même élan où elle "dégrade" la vertu du Nord, Moody's confirme celle de la Finlande qui a exigé un traitement de faveur de la part des GIPSIs et se trouve un peu mieux protégée de leur banqueroute. Allons au communiqué de leur bureau de Canary Wharf. Accrochez vos ceintures, ce n'est pas un articulet de La Tribune, Open Office a décompté cinq mille mots. Au prix du papier, la presse ne s'est pas embarrassée de détails noiseux. Royal-Artillerie vous le résume, car la France est impactée de par son exposition aux bons toxiques des amis du Sud.


Motif global retenu par l'agence
Les décisions de l'Eurogroupe ont paradoxalement obscurci le pronostic, la Grèce étant plus susceptible de sortir qu'hier, au détriment du soutien chichement mesuré déjà à l'Italie et à l'Espagne. Si les réformes institutionnelles appliquées bientôt à l'Eurogroupe sont effectivement capables de régler la plupart des problèmes, il est moins sûr qu'elles interviennent à temps. Les quatre pays étudiés font office de prêteurs en dernier ressort et la masse des enjeux financiers les déséquilibrera.

Motif spécifique allemand
L'Allemagne ne peut résister à l'accroissement de ses engagements dans le cadre européen actuel et son système bancaire est mouillé en profondeur dans les systèmes bancaires malades grecs, italiens et espagnols. Se chargeant progressivement de la dette des autres, elle accroît la sienne propre, sans gages sûrs. La banqueroute éventuelle de ses débiteurs ne terrassera pas l'Allemagne mais, si sa situation actuelle est saine, la perspective ne l'est plus puisque l'avenir est entre les mains de décisionnaires espagnols et italiens attelés à couper leurs dépenses publiques afin de réduire leur exposition aux marchés et soulager le niveau global de solidarité qui pèse directement sur l'Allemagne. Donc AAA maintenu mais avenir douteux.

Motif spécifique néerlandais
IDEM plus :
...une croissance atone et l'éclatement probable d'une bulle immobilière entre un surendettement des ménages et la chute des prix gageant les crédits, éclatement qui pompera le pouvoir d'achat jusqu'à effondrer la demande intérieure. Un relâchement de la discipline fiscale est aussi redouté.

Motif spécifique luxembourgeois
Comme les deux précédents, mais aggravé par le fait que le Grand Duché n'est plus qu'une énorme banque dont il tire tous ses revenus, l'emploi et ses impôts. Tout séisme bancaire en Europe mais aussi ailleurs affectera gravement le pays. Les actifs bancaires couvre deux fois le PIB du grand Duché, mais les actifs offshore représentent vingt fois ce PIB et les actifs non-bancaires offshore gérés depuis le Luxembourg représentent, eux, cinquante fois ce PIB ! Même si les pare-feu interbancaire limitent à 40% la part offshore du bilan consolidé du système, le "colosse paradisiaque" a des pieds d'argile, mais aussi beaucoup de savoir-faire. Cette surexposition à la crise mondiale rapportée à la taille du pays justifie le doute de l'analyste.

Motif finlandais
Le pays est créditeur net. Son business bancaire est régional et de taille modérée. Small is beautiful.


Finalement...
Il est intéressant de savoir ce qu'attend Moody's pour changer d'idées. Ils le répètent trois fois : « Conversely, the rating outlook could return to stable if a benign outlook for the euro area, reduced stress in non-core countries and less adverse macroeconomic conditions in Europe in general were to ease medium-term uncertainties with regard to the country's debt trajectory. »
En fait, ils attendent la météo des marchés et ne font aucune recommandation qui serait d'ailleurs mal acceptée des pouvoirs nationaux, même s'il se dit partout que seule une fédération politique rapide de l'Eurogroupe décramponnera les spéculateurs des basques gitanes.
En résumé, un futur meilleur n'est pas écrit, on s'en doutait. Quand vont-ils noter la France ?

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