vendredi 14 septembre 2012

J'irai mourir aux Senkaku


Si ce ne sont pas les Marquises du Nord, l'archipel des Senkaku a de l'eau douce, du poisson et les moustiques ! De quoi voir venir, Soeur Anne ! L'archipel de 700 hectares est brisé en huit : une île de la taille de Port-Cros, quatre îlots et trois cailloux ; mais sa zone économique exclusive en fait tout l'enjeu. Aboutée à l'ouest à celle de l'île de Peng-Chia (Taïwan) et séparant celle du Zhejiang au nord-ouest de celle des dernières îles Ryu-Kyu (préfecture d'Okinawa) au sud, elle est réputée poissonneuse et prometteuse en gisements de gaz. Qui pis est, si d'aventure l'archipel était armé par le Japon, il formerait verrou entre la Mer de Chine orientale et le détroit d'Okinawa donnant accès à l'Océan pacifique nord. La dispute sino-nippone n'est donc pas anodine.

Rappel historique pour les chargés de cours au Roycoland :
Terra nullius depuis la nuit du monde, l'archipel inhabité est noté au XVI° siècle dans les grimoires Ming comme une frontière orientale de l'empire direct au-delà de laquelle prospérait le royaume vassal des RyuKyu, commerçant avec tout le monde autour de lui, même avec l'ombrageux empire du Japon féodal qui finira par l'avaler. Les îles qu'elle appelait Diaoyu étaient connues de la cour de Pékin puisque l'impératrice douairière Tseu-Hi en aurait fait hommage à son médecin pour y herboriser, l'édit impérial dont le photostat est brandi par les nationalistes chinois étant quand même un faux manifeste. Mais d'occupation céleste point ni jamais, et ce fut grand tort pour établir une souveraineté sur ce bout du monde.
Les Japonais, affairés comme les Occidentaux à profiter de la Chine décadente, annexent formellement les Senkaku juste avant le Traité inégal de Shimonoseki (1895). Quand la République de Chine récupère Formose à la fin des hostilités en 1945 les Senkaku ne sont pas nommées dans l'accord de rétrocession. Tout l'archipel des Ryukyu passe sous administration directe américaine. Lors de la rétrocession de la préfecture d'Okinawa au Japon en 1972, les Senkaku sont dans le paquet, sans plus.
La seule présence continue aux Senkaku fut l'oeuvre d'un entrepreneur japonais qui y monta une pêcherie que sa famille exploita de 1896 à 1940. Damned ! Les petits navets¹ seraient donc les seuls à avoir hissé le pavillon ?
(fin du rappel)

Senkaku 25° 44'N - 123° 29'E
Aux revendications "historiques" chinoises qui fondent toutes leurs frontières maritimes mobiles, l'Etat nippon oppose le droit international en ses textes, ce qui a le don d'horripiler Zhongnanhai, plus enclin à négocier en permanence ce qui appartient à autrui dans la vieille tradition communiste. Le point dur de la dispute est qu'à son tour l'empire nippon fut amputé de vastes espaces halieutiques (on pense aux Kouriles) par les traités qu'ils jugent tout aussi inégaux que ceux qu'il signa en Chine, lors des règlements de compte de la Guerre du Pacifique. Et même si une certaine connivence existe entre les deux gouvernements depuis Deng Xiaoping qui, pour préserver une coopération économique et financière de grands profits mutuels, n'y voyait pas matière à s'empoigner, l'affaire reste un outil de politique domestique de chaque bord.


Le Japon qui dispose d'une flotte sophistiquée manoeuvrant en escadre peut très bien défendre ses possessions jusqu'à un arbitrage international que Pékin refuse pour des considérations internes. Mais la Chine populaire fait face à de gros problèmes dus au retournement de conjoncture et à une instabilité politique au sommet de l'Etat - le nouveau président est-il mort ? - qui peuvent inciter un gouvernement moins tranquille à franchir les limites de son impassibilité apparente et à aller au clash pour que les mouches changent d'âne. La seule issue serait une exploitation conjointe sino-nippone des gisements de gaz de la zone économique exclusive des Senkaku et des accords de pêche ; la souveraineté formelle restant en l'état, sinon en faire une principauté exotique comme Monaco.
J'y verrai bien un casino offshore.



(1) nom méprisant que les Chinois donnent aux Japonais

6 commentaires:

  1. Tant que les australiens ne débarquent pas aux Kerguelen, tout va bien!

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    1. Surtout que j'ai de grands projets de dépaysement aux Kerguelen de notre belle parasélite française, projets qui relanceraient la construction navale triangulaire et amélioreraient in situ le choux éponyme, si riche en vitamines C !
      Mais chuuuut !

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  2. Graves émeutes anti-japonaises à Qingdao et à Canton aujourd'hui (source NHK). De la part des autorités chinoises, laissez détruire des biens nippons pour une dispute aussi mal fondée fait entrevoir un certain désarroi au niveau de l'Etat central.

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  3. Le cours de géographie chinoise c'est plutôt par ici :
    http://french.cri.cn/781/2012/09/15/103s295425.htm#.UFcksrQb-0w

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    1. Les positions énoncées dans la géographie chinoise sont très vagues alors que Pékin vient de publier officiellement toutes les coordonnées de l'archipel.
      On peut s'en tenir aux relevés de l'Amirauté (par ordre d'éloignement croissant, première île atteinte):
      140 kilomètres à l'est de l'îlot de Pengjia (Taïwan)
      170 kilomètres au nord de l'île d'Ishigaki (Japon)
      186 kilomètres au nord-ouest de Keelung (Taïwan)
      410 kilomètres à l'ouest de l'île d'Okinawa (Japon)

      Ce serait Taïwan qui ainsi tiendrait la corde.

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  4. Pierre Picquart est docteur en Géopolitique de l’Université de Paris-VIII et spécialiste de la Chine. Il n'est surtout pas géographe ! Dans un article pour Atlantico et à propos des îles Diaoyu il nous dit : "La Chine a ses susceptibilités et le peuple chinois est très attaché à des îlots dont l’intérêt économique est assez faible. Dans le cas des iles Diaoyu je parlerais même de bouts de cailloux. Il s’agit davantage de symboles..."
    Sauf que 200 milles nautiques de ZEE poissonneuse au tombant du plateau continental de la Mer de Chine orientale sont en cause.
    Il ne mange pas de poisson l'expert Picquart.

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