...qui commençait comme un cauchemar
Nos descendants nous citeront (peut-être) en parlant de nous comme "les royalistes de la dernière époque". Nous pouvons espérer qu'ils diront de nous beaucoup de bien, avec un respect amusé, c'est généralement ainsi qu'on se souvient des imbéciles heureux. Quatre mille illuminés, la foi en le roi chevillée à l'âme, qui coururent les messes commémoratives, les conférences commémoratives, les rogations compassionnelles, les kermesses littéraires pour livres d'histoire invendus. Nous eûmes des héros, de vrais héros qui donnèrent leur vie pour la cause du roi, et nombreux. Des seigneurs, des maréchaux, des capitaines, des chouans et des clercs, de quoi nourrir la mémoire de chaque semaine à l'année. Ce fut une occupation à plein temps. Et nous marchions en plus derrière des princes, de vrais princes, à nous donnés par les dynasties en attente de réanimation. Ces princes étaient tous sympathiques, avenants, près du peuple, bien mariés, totalement inefficaces mais nous les aimions. Ils se savaient tout ça et marchaient en connivence devant les quatre mille dans un jeu de relations publiques qui leur donnait des raisons supplémentaires d'exister. Nul n'était dupe, on ne prendrait pas les Tuileries ! Mais comme on le fait du cognac qui tourne dans le verre en redéposant son alcool sur la paroi, nous savions en parler des heures. Nous nous aimions comme nous étions... en loden et chèche blanc puisque la perruque poudrée avait été abrogée.
Et vint l'ouragan du chaos !
Non pas d'Orient comme on l'attendait des actualités mais d'Occident : chaos financier (clic) sinon financier (clac) ou pire (cloc) ! La rupture de régime, le changement de paradigme, n'est pas un choix délibéré, réfléchi, préparé. Cela vous tombe sur la tête comme un avion américain dans les Twin Towers de New York. L'effondrement économique et financier prédit par les savants Clic-Clac se répercutera immédiatement dans le champ politique puisque la classe politique s'est volontairement asservie aux marchés financiers qui la commandent. La démagogie de la Dette qui bétonne les positions retranchées d'une bureaucratie pléthorique explosera comme une figue trop mûre. Les virements des pensions tarderont, on paiera les fonctionnaires le 10 du mois, puis le 20, puis on fera intervenir les cellules psychologiques. Les ministres, sous-ministres, députés et sénateurs partiront en vacances chez leur maman dans le Berry profond où SFR ne passe pas ; tenue rurale et sabots, ils auront eu juste le temps de se souvenir qu'on voulait les brancher sur les Champs-Elysées. Tous biens ou services se paieront cash en liquide, puis en matières, puis en or et chocolat. Les banques fermeront. Les supermarchés fermeront. Les pompes à essence tariront. Le pays s'arrêtera.
Nous y sommes, enfin ! Les princes se téléphonent, les courtisans se téléphonent, les gens se parlent, le Grand Etat Major ne répond pas. Jacques Attali veut faire une télé, tout de suite. Les Quatre Mille attendent la révélation, le surgissement du roi d'au-delà des mers en armure tout mouillé, comme Raquel Welsh émergeant de l'océan. Le vrai roi, avec de la gueule, celui du vitrail, pas d'autres... il ne se passe rien. Enfin si, les Quartiers sont passés à l'émeute et au pillage, on sent qu'ils vont descendre en centre-ville. Garez vos blondes et dégraissez vos lames. Les princes ne se téléphonent plus, un ferry déprogrammé est quand même parvenu à Dieppe et les a tous emportés. L'Insurrection qui vient progresse et va se heurter à la Gendarmerie en tenue de campagne dont on vient de débloquer les soldes et les munitions en sous-préfecture.
La bourgeoisie est aux abris, celle qui n'a pu rejoindre les aérogares, avant ! Des armes sortent des armoires, il n'y a plus aucun sabre japonais à vendre dans les boutiques de pacotille chinoise, les dernières ouvertes ; le chaos s'installe. Des escarpes patibulaires déambulent aux carrefours. On dit que le pouvoir a quitté les palais, comme en 68, que des huissiers à chaîne hantent encore. On a fermé les lourds portails de tous les ministères et des détachements de la Garde républicaine attendent derrière comme les Suisses aux Tuileries jadis. Les Quatre Mille veillent toujours, enfin, quand ils ont terminé de faire la queue au marché noir pour du boudin aux pommes, ils attendent le roi, certains prient. C'est ce que les cadres du mouvement leur avaient expliqué. Au milieu du désordre, les Chambres réunis en Congrès à Versailles ou ailleurs rappelleront le roi et on ira tous à la Maison de la Radio. Easy !
Le Congrès semble impossible à réunir, les présidents des chambres sont partis comme en juillet 1789, la monarchie est inconnue des politiques qui cherchent plutôt l'homme à poigne qui va noyer la révolte dans le sang des mécontents et sauvera le métier ! Il est vrai qu'aucun moyen de communication de masse n'a été construit par les royalistes, leurs princes ou la Cour. Aussi ne doit-on s'étonner si la possibilité d'une monarchie n'effleure l'esprit de personne. Ce qui reste de nation prédit l'insurrection générale derrière un nouveau De Gaulle qui déblaiera les décombres du régime des privilégiés. En ville, une Saint-Barthélémy des Aliens fait la rumeur. Les quartiers arabes font appel aux cités pour tenir les retranchements. Pour la première fois, on a vu des milices chinoises à Belleville. Au milieu du bombardement médiatique des désordres, du roi, nul ne parle nulle part. Ça y est, la Tour Triangle flambe, on ne donne pas cher de l'Hôtel de Ville maintenant.
À n'avoir pas voulu se salir les idées, les royalistes restent affichés dans les mangas royalistes confidentiels et sur des sites de propagande modeste, mais ils n'existent pas dans la vraie vie. Qui sera d'ailleurs le roi ? Comme en 1873, les royalistes ne sont pas d'accord entre eux et quand chaque camp aura terminé de se distribuer les postes du futur royaume, on entendra à la radio un Louis-Bonaparte, un Gambetta, un Blum, un Pétain, un Poujade ou un Mélenchon... mais de roi, point. Finalement c'est le chef syndicaliste de la presse parisienne qui prendra les choses en main et fera donner les chars comme à Budapest en 56 : écrasez-les tous !
C'est fini. Conclusion ? Fils et filles de France, une restauration se prépare d'avance et sérieusement, en dehors des églises et des cénacles discrets. On le saura pour la prochainement fois, car il y aura une prochaine fois, mais pas avec les mêmes. Derrière les princes de la dernière époque, les royalistes de la dernière époque quitteront la scène, tête basse en se regardant marcher vers le magasin aux obsolètes où se rangent les idées perdantes de l'histoire. Plus tard viendront les autres ! Bob, Luc ou Cédric de La Faute à Rousseau ? Même pas, ils sont déjà vieux, bloqués par l'arthrite dynastique !
Une génération nouvelle de royalistes ? Pour qui ? Pour les Bourbon-Bourbon, Bourbon-Orléans, Bourbon-Busset, Bourbon-Parme, Deux-Siciles, Bourbon-Séville, Bourbon-Bhopal, Bourbon-Habsbourg ? ou pas Bourbon ? Qu'importe finalement ! La dynastie sera la queue de trajectoire du Projet après la préparation de terrain. Les autres seront devenus monarchistes par l'étude et le raisonnement, et ils s'amalgameront dans un business plan de reconquête du pouvoir, bien différent de l'exaltation du patrimoine royal qui avait prévalu jusqu'ici.
Les monarchistes de la nouvelle époque seront peut-être de piètres historiens, peu portés sur les rogations et les chants scouts, mais ils seront convaincus rationnellement de la supériorité de la monarchie dans le gouvernement des hommes - sans doute à la manière de Charles Maurras - et ils sauront construire un programme politique pour un régime de rechange qui organisera tout l'étage régalien des pouvoirs, laissant tout l'étage inférieur au désordre démocratique des républiques du sus-nommé. Et surtout, ils en sauront financer la propagande par des médias de communication adaptés aux temps, larges et puissants.
Alors, quand dans l'Opinion, un jour, on entendra dire partout : "un roi ? pourquoi pas !" sera venu le moment de propulser le prince cadrant au projet, dans le sens où le définissait Le Jeu du Prince : un prince exceptionnel en compétences, disposant d'une autorité naturelle, décidé à se battre.
Et nos petits-enfants auront un roi, ou une reine. Facile !
Le Lien Légitimiste
2 Le Petit-Prix
37240 La Chapelle Blanche Saint Martin
(bimestriel exclusivement sur abonnement 30€, service électronique à 10€)
Nos descendants nous citeront (peut-être) en parlant de nous comme "les royalistes de la dernière époque". Nous pouvons espérer qu'ils diront de nous beaucoup de bien, avec un respect amusé, c'est généralement ainsi qu'on se souvient des imbéciles heureux. Quatre mille illuminés, la foi en le roi chevillée à l'âme, qui coururent les messes commémoratives, les conférences commémoratives, les rogations compassionnelles, les kermesses littéraires pour livres d'histoire invendus. Nous eûmes des héros, de vrais héros qui donnèrent leur vie pour la cause du roi, et nombreux. Des seigneurs, des maréchaux, des capitaines, des chouans et des clercs, de quoi nourrir la mémoire de chaque semaine à l'année. Ce fut une occupation à plein temps. Et nous marchions en plus derrière des princes, de vrais princes, à nous donnés par les dynasties en attente de réanimation. Ces princes étaient tous sympathiques, avenants, près du peuple, bien mariés, totalement inefficaces mais nous les aimions. Ils se savaient tout ça et marchaient en connivence devant les quatre mille dans un jeu de relations publiques qui leur donnait des raisons supplémentaires d'exister. Nul n'était dupe, on ne prendrait pas les Tuileries ! Mais comme on le fait du cognac qui tourne dans le verre en redéposant son alcool sur la paroi, nous savions en parler des heures. Nous nous aimions comme nous étions... en loden et chèche blanc puisque la perruque poudrée avait été abrogée.
Et vint l'ouragan du chaos !
Non pas d'Orient comme on l'attendait des actualités mais d'Occident : chaos financier (clic) sinon financier (clac) ou pire (cloc) ! La rupture de régime, le changement de paradigme, n'est pas un choix délibéré, réfléchi, préparé. Cela vous tombe sur la tête comme un avion américain dans les Twin Towers de New York. L'effondrement économique et financier prédit par les savants Clic-Clac se répercutera immédiatement dans le champ politique puisque la classe politique s'est volontairement asservie aux marchés financiers qui la commandent. La démagogie de la Dette qui bétonne les positions retranchées d'une bureaucratie pléthorique explosera comme une figue trop mûre. Les virements des pensions tarderont, on paiera les fonctionnaires le 10 du mois, puis le 20, puis on fera intervenir les cellules psychologiques. Les ministres, sous-ministres, députés et sénateurs partiront en vacances chez leur maman dans le Berry profond où SFR ne passe pas ; tenue rurale et sabots, ils auront eu juste le temps de se souvenir qu'on voulait les brancher sur les Champs-Elysées. Tous biens ou services se paieront cash en liquide, puis en matières, puis en or et chocolat. Les banques fermeront. Les supermarchés fermeront. Les pompes à essence tariront. Le pays s'arrêtera.
Nous y sommes, enfin ! Les princes se téléphonent, les courtisans se téléphonent, les gens se parlent, le Grand Etat Major ne répond pas. Jacques Attali veut faire une télé, tout de suite. Les Quatre Mille attendent la révélation, le surgissement du roi d'au-delà des mers en armure tout mouillé, comme Raquel Welsh émergeant de l'océan. Le vrai roi, avec de la gueule, celui du vitrail, pas d'autres... il ne se passe rien. Enfin si, les Quartiers sont passés à l'émeute et au pillage, on sent qu'ils vont descendre en centre-ville. Garez vos blondes et dégraissez vos lames. Les princes ne se téléphonent plus, un ferry déprogrammé est quand même parvenu à Dieppe et les a tous emportés. L'Insurrection qui vient progresse et va se heurter à la Gendarmerie en tenue de campagne dont on vient de débloquer les soldes et les munitions en sous-préfecture.
La bourgeoisie est aux abris, celle qui n'a pu rejoindre les aérogares, avant ! Des armes sortent des armoires, il n'y a plus aucun sabre japonais à vendre dans les boutiques de pacotille chinoise, les dernières ouvertes ; le chaos s'installe. Des escarpes patibulaires déambulent aux carrefours. On dit que le pouvoir a quitté les palais, comme en 68, que des huissiers à chaîne hantent encore. On a fermé les lourds portails de tous les ministères et des détachements de la Garde républicaine attendent derrière comme les Suisses aux Tuileries jadis. Les Quatre Mille veillent toujours, enfin, quand ils ont terminé de faire la queue au marché noir pour du boudin aux pommes, ils attendent le roi, certains prient. C'est ce que les cadres du mouvement leur avaient expliqué. Au milieu du désordre, les Chambres réunis en Congrès à Versailles ou ailleurs rappelleront le roi et on ira tous à la Maison de la Radio. Easy !
Le Congrès semble impossible à réunir, les présidents des chambres sont partis comme en juillet 1789, la monarchie est inconnue des politiques qui cherchent plutôt l'homme à poigne qui va noyer la révolte dans le sang des mécontents et sauvera le métier ! Il est vrai qu'aucun moyen de communication de masse n'a été construit par les royalistes, leurs princes ou la Cour. Aussi ne doit-on s'étonner si la possibilité d'une monarchie n'effleure l'esprit de personne. Ce qui reste de nation prédit l'insurrection générale derrière un nouveau De Gaulle qui déblaiera les décombres du régime des privilégiés. En ville, une Saint-Barthélémy des Aliens fait la rumeur. Les quartiers arabes font appel aux cités pour tenir les retranchements. Pour la première fois, on a vu des milices chinoises à Belleville. Au milieu du bombardement médiatique des désordres, du roi, nul ne parle nulle part. Ça y est, la Tour Triangle flambe, on ne donne pas cher de l'Hôtel de Ville maintenant.
À n'avoir pas voulu se salir les idées, les royalistes restent affichés dans les mangas royalistes confidentiels et sur des sites de propagande modeste, mais ils n'existent pas dans la vraie vie. Qui sera d'ailleurs le roi ? Comme en 1873, les royalistes ne sont pas d'accord entre eux et quand chaque camp aura terminé de se distribuer les postes du futur royaume, on entendra à la radio un Louis-Bonaparte, un Gambetta, un Blum, un Pétain, un Poujade ou un Mélenchon... mais de roi, point. Finalement c'est le chef syndicaliste de la presse parisienne qui prendra les choses en main et fera donner les chars comme à Budapest en 56 : écrasez-les tous !
C'est fini. Conclusion ? Fils et filles de France, une restauration se prépare d'avance et sérieusement, en dehors des églises et des cénacles discrets. On le saura pour la prochainement fois, car il y aura une prochaine fois, mais pas avec les mêmes. Derrière les princes de la dernière époque, les royalistes de la dernière époque quitteront la scène, tête basse en se regardant marcher vers le magasin aux obsolètes où se rangent les idées perdantes de l'histoire. Plus tard viendront les autres ! Bob, Luc ou Cédric de La Faute à Rousseau ? Même pas, ils sont déjà vieux, bloqués par l'arthrite dynastique !
Une génération nouvelle de royalistes ? Pour qui ? Pour les Bourbon-Bourbon, Bourbon-Orléans, Bourbon-Busset, Bourbon-Parme, Deux-Siciles, Bourbon-Séville, Bourbon-Bhopal, Bourbon-Habsbourg ? ou pas Bourbon ? Qu'importe finalement ! La dynastie sera la queue de trajectoire du Projet après la préparation de terrain. Les autres seront devenus monarchistes par l'étude et le raisonnement, et ils s'amalgameront dans un business plan de reconquête du pouvoir, bien différent de l'exaltation du patrimoine royal qui avait prévalu jusqu'ici.
Les monarchistes de la nouvelle époque seront peut-être de piètres historiens, peu portés sur les rogations et les chants scouts, mais ils seront convaincus rationnellement de la supériorité de la monarchie dans le gouvernement des hommes - sans doute à la manière de Charles Maurras - et ils sauront construire un programme politique pour un régime de rechange qui organisera tout l'étage régalien des pouvoirs, laissant tout l'étage inférieur au désordre démocratique des républiques du sus-nommé. Et surtout, ils en sauront financer la propagande par des médias de communication adaptés aux temps, larges et puissants.
Alors, quand dans l'Opinion, un jour, on entendra dire partout : "un roi ? pourquoi pas !" sera venu le moment de propulser le prince cadrant au projet, dans le sens où le définissait Le Jeu du Prince : un prince exceptionnel en compétences, disposant d'une autorité naturelle, décidé à se battre.
Et nos petits-enfants auront un roi, ou une reine. Facile !
En attendant l'aurore d'une nouvelle monarchie, l'aube, elle, ne s'éteint jamais, accueillons la dernière livraison du Lien légitimiste qui est tombée dans les boîtes ces derniers jours.
vers les archives du Lien légitimiste... |
Numéro 67 - janvier-février 2016
* Editorial de Gérard de Villèle : Louis XVI : Dissonances et discordances
* Note de lecture de Phlippe de Lacvivier : La famille des Chanteurs Trapp
* Hopperies : Les élites naturelles, les intellectuels et l'État
* Economie et royauté : les errements de la croissance, par Gabriel Privat
* Alerte de Gérard de Villèle : Vers la fin de l'espèce humaine ?
...duquel article j'extrais la photo ci-dessous :
Le Lien Légitimiste
2 Le Petit-Prix
37240 La Chapelle Blanche Saint Martin
(bimestriel exclusivement sur abonnement 30€, service électronique à 10€)