Drapeau étoilé de l'Union au bout du bras, Macroléon a passé le Pont au Change jusqu'au grand amphi de la Sorbonne, là-même où la madame Irma d'un président de jadis vendait les foutaises de l'astrologie à l'académie médusée. Impressionnant l'amphi ! J'en garde un souvenir ému de mai 68 parce que j'étais jeune et con à l'époque et que je ne le suis plus, jeune. Il faut entendre le discours européen du président Macron comme l'ouverture d'un grand opéra à la gloire de la fédération. C'est son choix de campagne, clair, audible, répété. Il ne trahit personne en s'engageant dans cette voie même si les réactions étrangères sont déclenchées surtout par la mise en mouvement du vieux dinosaure français. Dans Telos, Charles Wyplosz fait une critique raisonnée du discours et je vous invite à la lire en cliquant ici.
Dans Royal-Artillerie, nous avons des choses à dire à notre niveau (ce blogue est gratuit), des doutes. La fédération appelée par la France ne va pas convaincre les pays attachés au concept d'une Europe des nations, comme ceux du groupe de Visegrad, ni le Danemark ou les Pays-Bas, et peut-être pas le parti libéral allemand coalisé avec la CDU et la CSU. Pourquoi ? D'abord parce que la proposition est portée par le pays qui fut dans le passé l'archétype de l'Etat-nation, centralisé, hégémonique, autoritaire (en France, on dit jacobin) et depuis peu, "policier". Nos voisins et partenaires se méfient aussi de cette propension française à laisser gonfler l'Etat comme une baleine crevée sur la plage, qui enfle de ses propres gaz de décomposition. Quand on égrène à des étrangers les strates administratives et de commandement de notre beau pays, il est rare qu'ils comprennent la première fois. Institutionnellement nous sommes disqualifiés par notre clientélisme latin, mais ce n'est pas le pire : la France est raide comme un passe-lacet et les crédits budgétaires nécessaires à cette intégration devront venir de pays sains, appartenant plutôt à l'Eurozone, et de taxes transversales (encore des taxes !). Les autres - les malades sont les plus nombreux - se chargeront de consommer ces crédits dans la fameuse gabegie méridionale dont le reste du monde fait des films.
Laissons de côté la question militaire européenne qui a maintenant des relents de "Grande Armée". Les zélites européennes attendent des décisions appliquées, ce qui dans le domaine des dévolutions de souveraineté est une gageure, d'où le succès d'estime de M. Macron au récent sommet de Tallinn. M. Tusk va rédiger un agenda politique de la réforme. En France nous appelons cela un groupe de travail...
Ne faisons pas l'injure de l'imbécillité aux prédécesseurs de monsieur Macron. MM. Chirac, Sarkozy et Hollande (ajoutons-y Giscard d'Estaing) ne sont pas des sots malgré tous leurs défauts ; mais où ils ont échoué, il ne suffira pas d'insuffler l'optimisme d'une brillante jeunesse et d'obtenir la bise de la chancelière de Prusse, les réticences sont au fond, sont sur des questions de fond ! On le voit très bien avec l'affaire de Grande Bretagne où le pouvoir conservateur ne cherche même pas à retourner l'opinion contre une décision démagogique, ayant sondé cœurs et reins pour obtenir la confirmation que le Rosbif ne sera jamais un Continental Coloured Catholic même si la matité des Commonwealth a dilué un peu les WASP du royaume !
Alice Weidel - AfD |
Croire dissoudre les obstacles nationaux et notre gabegie endémique dans une Europe transformée par les eurobonds de relance économique est un pari osé pour monsieur Macron, à moins que ce ne soit le pari lui-même qui l'excite :
Trois déficits*, qui ne peuvent être résorbés que par une transformation complète du régime politique et social, une dette accrue de mille milliards en dix ans (pour faire quoi ?) et extrêmement dangereuse pour les équilibres sociaux si les taux remontent (Thierry Breton en a fait la démonstration chez Léa Salamé face au Premier ministre), une désindustrialisation désespérante (cf. l'article d'Eric Le Boucher dans Slate) nourrie par le mépris des éducateurs pour l'usine, une agriculture qui a ses beaux jours derrière elle puisque la PAC sera démontée par nos partenaires. Avant de régler les autres pays, ne devrions-nous pas réparer le nôtre ? Et s'il est encore temps avant la grande tabula rasa que l'on pressent, venir au balcon comme modèle à suivre plutôt que comme la vieille reine des gitans couverte de strass pas cher qui fait la pute devant l'attraction de la Foire à l'Europe. Il faudra plus que l'art et la manière.
* déficits budgétaire, commercial et social
On doit lire l'article de Dominique Philos chez Contrepoint. Extrait : le programme de financement pour 2018 vient d’être publié par l’AFT (agence France trésor) et que ce ne sont pas moins de 203,3 milliards d’euros qu’il va falloir trouver pour financer la dette française (dont 82,9 milliards pour couvrir le déficit à financer, et 120,1 milliards pour assurer l’amortissement de la dette de l’État, à moyen et long terme, qui viendra à échéance en 2018) contre 191,7 mds € en 2017 !
RépondreSupprimerEt on ne sait pas encore par quel biais ou artifice va être comptabilisé le plan d’investissement de 57 mds € annoncé par Macron… ni comment il sera financé !
On constate donc qu’il y a des oppositions de fond entre les visions française et allemande de gestion de l’État et de l’Europe ; et les autorités françaises se bercent d’illusions en pensant que les Allemands vont continuer à approuver l’immobilisme et les dérapages budgétaires de la France.
Le seul commentaire que l’on puisse en faire est que nous accumulons de la dette au-delà de toute raison et les montants à emprunter augmentent tous les ans ; ce qui fait qu’au moindre accident nous n’aurons aucune marge de manœuvre. [fin de l'extrait].
La totale en cliquant ici.
Que M. Philippe parle couramment allemand peut aider... à recevoir les fins de non-recevoir.