lundi 6 novembre 2017

Le dilemme des Chrétiens d'Orient


- Dinanderie d'argent du VIIè siècle avec saint Julien d'Emèse à cheval -

Une exposition sur les chrétiens d'Orient est proposée à l'Institut du monde arabe de Paris jusqu'au 14 janvier 2018. Allez-y, c'est bien. Lire la présentation de l'expo par l'IMA en cliquant sur l'assiette est très instructif. Plus vieilles communautés orientales du Moyen Orient avec les communautés hébraïques et zoroastriennes, les chrétiens reçoivent l'assaut des musulmans sunnites travaillés au corps par la propagande wahhabite de l'Université et des imams. S'y joignent les barbares du califat pulvérisé et par endroit les Turcs.

Le mouvement laïque baassiste de Michel Aflak (1910-1989) qui s'étendit sur toute la Mésopotamie et influença l'Egypte nassérienne fut le seul à garantir par défaut leur place aux chrétiens d'Orient à travers, malheureusement, deux dictatures féroces que sont et furent celle des familles Assad en Syrie et Hussein en Irak.

L'amalgame est vite fait entre la manifestation de la foi et les positions de pouvoir prises par certains chrétiens dans les gouvernements ou les armées. Si l'Irak chiite a purgé complètement sunnites et chrétiens de son administration - on a vu en 2014 décamper de Mossoul son armée de "militaires" chiites payés au mois, laissant derrière elle ses arsenaux pleins -, la Syrie d'Assad a enrôlé beaucoup de chrétiens pour pallier la désertion de cadres démocrates ou carriéristes, attendant à Paris un morceau de la proie.

Le pouvoir irakien a poussé à l'exode pour redistribuer les accaparements obtenus à ses propres clients. Le pouvoir syrien, bien que dérivant de la même branche islamique (chiite-alaouite) a maintenu la laïcité de sa constitution puisque minoritaire en démographie. Même si les chrétiens furent brimés sous Hafez el-Assad pour faire sa place à la communauté alaouite, le régime de son fils ne peut se couper des dix pour cent chrétiens de la population totale, qui lui sont favorables implicitement, même s'il est régulièrement interpellé sur des réformes à faire par certains penseurs chrétiens. Le cas des églises de diverses obédiences est à part. Elles sont maintenues dans l'expression visible de leur foi comme preuve rusée d'une fonction Père de la Nation que Bachar el-Assad aime cultiver. Quoiqu'il en soit, il ne sont pas pourchassés et voit l'Alaouite comme un rempart.

On relèvera le paradoxe entre la zone d'influence russe et la zone d'influence américaine. En Syrie, s'exerce une réelle pacification multiculturelle, en Irak, le pouvoir a beaucoup de mal à cacher son parti-pris contre tout ce qui n'est pas chiite, jusqu'à lâcher les hyènes des milices Sadr sur les villes reconquises pour étancher leur soif de sang sunnite.

L'actualité oblige à dire un mot du Liban, même s'il ne participe pas à la querelle présente. Relevons juste que le premier ministre sunnite Hariri, bloqué au royaume des Séouds, aurait échappé aux sicaires du Hezbollah allié du président maronite Aoun qui s'est rangé derrière les flagellants chiites ! Le chef des Druzes Joumblat aurait préféré qu'il combatte l'accaparement du Sud-Liban par la République islamique d'Iran. Au péril de sa vie ? (Clic : actu sur l'Orient-Le Jour de dimanche 5.11.17) Le Liban est un monde à soi-seul, un chaudron où bouillonnent tous les problèmes du Proche-Orient. Qu'il soit aussi un Etat chrétien ET musulman est exemplaire si, il fonctionne, ce que certains détestent. Aussi est-il déstabilisé en permanence. Les Libanais de tous bords ont pris le parti de vivre de crise en crise. En voilà une encore avec la démission surprise de Saad Hariri, qui tiendra bien jusqu'à l'Epiphanie !

L'avenir des chrétiens d'Orient n'est pas écrit. Peut-être que la lassitude populaire devant les massacres gratuits et les destructions immenses changera les mentalités musulmanes et laissera sa place à chacun. Comme on dit, la "Rue arabe" peut aussi en avoir marre des imams et autres feignants encore en chemise de nuit à midi passé, qui ne cessent de prêcher la haine d'autrui.
Pour le moment, on ne peut compter que sur Vladimir Poutine pour éviter une reprise de l'urticaire islamiste envers les communautés orthodoxes, mais jusqu'à quand ? Ses moyens d'intervention sont limités et dispendieux. Les autres communautés chrétiennes dépendant de Rome sont moins assurées de leur survie avec un pontife particulièrement indulgent sur la mise en mouvement des masses islamiques en quête de prestations sociales meilleures qu'au pays. En attendant le beau temps, on ne perd pas son temps en soutenant l'association SOS Chrétiens d'Orient qui en plus est classée à droite toute par la presse conforme !


Autres billets de Royal-Artillerie sur la question :
- Chrétiens perdus par l'Empire (2007)
- Syrie, une laïcité sans avenir (2013)
- ND du Liban (2016)

Autres structures d'aide aux chrétiens :
- Œuvre d'Orient (Eglise catholique)
- Portes Ouvertes (Eglise réformée)


3 commentaires:

  1. Je suis tout à fait d'accord avec le titre de votre dernier paragraphe "L'avenir des Chrétiens d'Orient n'est pas écrit". Malgré le pessimisme de certains qui les voient déjà condamnés, je ne peux m'empêcher de penser que ceux, dont certains parlent encore aujourd'hui la langue du Christ -l'Araméen- qui est aussi la langue de certains passages de l'Ancien Testament (Parties des livres de Daniel et d'Esdras) ne peuvent disparaître ainsi. Vous êtes issus du pays des "Prédicants", vous savez de quoi je parle: "Lux lucet in tenebris"

    Je me permets de profiter de votre article pour remettre les adresse mail de deux sites Chrétiens qui aident nos frères d'Orient. L'un est Catholique ("L'Oeuvre d'Orient", héritier de la vocation française au Levant ) le second est Protestant ("Portes ouvertes"). Aucun des deux ne se complaît dans un communautarisme étroit.

    https://secure.oeuvre-orient.fr/soutenir

    https://www.portesouvertes.fr/donner-en-ligne/don/



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    1. Tout a commencé là entre le Tigre et le Jourdain. Je serais moi-aussi étonné qu'une aventure biblique de six mille ans s'achève dans le chaos sur son propre territoire.

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  2. Il est vrai que je ne pense que cette présence puisse disparaître un jour. Seulement la faiblesse des Chrétiens d'Orient, c'est qu'ils marchent ordre dispersés. C'est une mosaïque de communautés, qui ne s'apprécient guère. Il y a quelques années, le patriarche latin était prêt à renoncer à sa charge pour qu'une seule Eglise chrétienne, voit le jour, face à un islam conquérant. La proposition ne tint pas devant l'opposition des autres Eglises. Bien dommage, quand même.

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